Intelligence artificielle : comment elle va révolutionner votre métier
Que ce soit la promesse de gains de productivité infinis, de la fin des tâches rébarbatives ou du remplacement de l’humain par la machine, l’intelligence artificielle ne laisse aucune profession indifférente et fait bouger les lignes. Dans le secteur de l’appro-collecte, coopératives et négoces cherchent à s’en saisir, à la fois pour optimiser leurs processus internes, accompagner les agriculteurs et leur proposer des services.
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L’IA à tout bout de champ ! Depuis une bonne année maintenant, l’intelligence artificielle s’immisce progressivement dans la société comme dans le quotidien des coopératives et des négoces. De plus en plus d’entreprises et de dirigeants s’y intéressent, à l’image de Christophe Bonno, DG de Maïsadour, qui assure dans un récent post LinkedIn « multiplier les échanges et les formations pour connaître les opportunités d’innovation offertes par l’IA » dans un objectif « d’optimiser nos processus, de la gestion des cultures au traitement des données pour faciliter la prise de décision ».
Analyser des documents
De son côté, Anne-Flore Martignon, gérante du négoce éponyme, en est convaincu : « Chaque génération de négociants a eu sa révolution, je pense que la nôtre sera celle de l’IA. » Elle espère notamment que l’agrégation des informations permise par l’IA lui permettra de « [se] recentrer sur [son] cœur de métier : accompagner l’agriculteur et lui proposer des services ». D’ailleurs, selon le baromètre Agrodistribution-ADquation (lire ci-dessous), deux agriculteurs sur cinq seraient favorables à une offre de services basés sur l’IA, tel un chatbot pour les épauler dans la gestion des cultures ou les guider dans les méandres de la réglementation.
Pourtant, « l’intelligence artificielle n’existe pas », nous dit Luc Julia, célèbre inventeur de Siri et actuel directeur scientifique de Renault, soulignant par là l’absence de réflexion de la machine. « L’IA est en effet un ensemble d’outils, basés sur des modèles statistiques et un grand jeu de données, qui sont capables de reproduire de façon automatique des choses normalement réservées aux humains comme analyser des documents, inventer des histoires, créer des images, distinguer des objets, etc. », explique Mick Levy, directeur stratégie et innovation chez Orange Business et conférencier Data & IA. Il conviendrait donc de parler des IA.
L’invention des réseaux de neurones
Pour comprendre ce qu’elles sont, un petit détour historique s’impose. Le terme « intelligence artificielle » est apparu en 1956 lorsqu’un groupe de scientifiques américains met au point une fonction mathématique capable de modéliser le fonctionnement d’un neurone. Leur raisonnement est le suivant : si l’humain peut reproduire l’activité d’un neurone, alors il peut modéliser un réseau de neurones et donc copier l’intelligence humaine. Mais dans les faits, ce n’est pas si simple…
Incapable de tenir ses promesses, l’IA a connu un long hiver… avant de sortir des oubliettes grâce à deux tournants majeurs. Le premier est l’invention des réseaux de neurones. « Ce sont des cellules mathématiques qui se transmettent des valeurs numériques, à l’image des messages électriques que s’échangent nos neurones. Leur particularité est leur capacité à apprendre seuls, sans matrice de règles », expliquait Denis Bonnay, maître de conférences en philosophie des sciences à l’université Paris Nanterre, lors d’une formation délivrée par l’Ifocap. Les solutions précédentes, comme la machine DeepBlue d’IBM, emmagasinaient un grand nombre de règles pour répondre à un problème spécifique. En l’occurrence, son objectif était de battre le champion d’échecs Kasparov, ce qu’elle fit en 1997.
Avec l’arrivée des réseaux de neurones, l’apprentissage change et se base désormais sur la reconnaissance d’images. Le principe est de fournir à la machine des images, par exemple de fraises et de bananes, puis de la laisser deviner à quoi elles correspondent, avant de valider ou non le résultat. « Le nerf de la guerre est la quantité de données. Il faut quelques dizaines, voire centaines de milliers d’images déjà caractérisées par les humains pour apprendre à une machine à détecter des fruits. » C’est donc l’arrivée d’internet, avec ses grands jeux de données, ainsi que l’amélioration de la puissance de calcul des machines, qui ont permis l’essor de l’apprentissage automatique (machine learning) début 2000, puis de l’apprentissage profond (deep learning) dans les années 2010. Par exemple, l’identification de la variété d’un grain et de son taux protéique à partir d’une photo, c’est du machine learning. La reconnaissance de notre visage pour déverrouiller notre téléphone portable ou les systèmes de recommandation des plateformes de streaming, c’est du deep learning.
L’essor des IA génératives
Le deuxième tournant novateur est le passage d’IA prédictives à des IA génératives, avec la sortie en novembre 2022 de ChatGPT 3, par OpenAI. Cette révolution est permise par l’invention en 2017 des algorithmes « Transformers », capables de traduire la sémantique des langues en modèle statistique, puis en 2020 des modèles de fondation qui génèrent du texte ou des images à l’infini.
« Cette fois-ci, l’interface utilisateur-machine est interactive : le système nous invite à rentrer des instructions appelées prompt, détaille Denis Bonnay. La machine a été pré-entraînée à deviner des mots, à partir d’un très grand nombre de textes pris sur internet. »
Pour faire travailler le modèle, le principe a été de masquer le dernier mot de la phrase et de faire deviner le mot suivant à la machine, puis de masquer les deux derniers mots, etc. Les réponses proposées ont ensuite été validées par des humains. Le modèle a ainsi appris qu’il est plus probable qu’une phrase débutant par « Julie a un petit » se termine par « chat » ou « chien », plutôt que par « ouragan ».
Quelle place pour l’humain ?
Bien que les IA génératives ne réfléchissent pas, le résultat reste bluffant. « Ce n’est plus l’humain qui s’adapte à la machine mais l’inverse. L’IA s’exprime en langage naturel et nous sert de super assistant, voire de co-créateur dans nos activités ! », s’enthousiasme Flavien Chervet, expert en la matière.
Dès lors, que reste-t-il de notre créativité si une machine génère plus rapidement et mieux que nous des textes et des images ? « Elle réside dans notre aptitude à dialoguer avec ces outils, affirme le conférencier. Si le prompt en entrée n’est pas assez précis, le résultat sera décevant. L’utilisateur pourra penser que ChatGPT est nul, alors qu’en réalité c’est lui qui utilise mal cette technologie. » D’où l’importance de réaliser des bons prompts (lire encadré p. 25).
Pour Martin Lechenet, responsable data chez Alliance BFC, les IA génératives vont d’abord bouleverser les métiers dont le travail consiste à apporter une expertise par rapport à une information (ingénieurs, RH, managers…). « Une partie de leurs tâches sera optimisée : réalisation de comptes rendus, analyse de documents, etc. », précise-t-il. « Mais le fantasme que l’IA va nous remplacer n’est pas encore d’actualité, l’intervention humaine étant nécessaire pour définir des objectifs et dialoguer avec la machine », complète Denis Bonnay. « En revanche, les personnes utilisant l’IA pourraient remplacer celles qui ne savent pas le faire », ajoute Martin Lechenet.
Déployer une stratégie d’entreprise
Dès lors, quelle place des IA au sein des entreprises ? « Les IA génératives permettent d’améliorer la productivité de chaque collaborateur et deviendront un outil essentiel, comme l’est aujourd’hui la suite Office, répond Mick Levy. Mais le grand intérêt des IA, et pas uniquement génératives, sera la création de valeur via la mise au point d’outils pour améliorer le chiffre d’affaires, gagner des parts de marchés ou proposer des services. Ce sont ces éléments de différenciation qui feront demain l’avantage concurrentiel des entreprises. »
Pour l’expert, il est essentiel de réfléchir dès à présent à une stratégie de déploiement IA. Pour cela, trois étapes. Tout d’abord l’acculturation. « Il faut comprendre comment les IA fonctionnent, ce qu’il est possible de faire avec, connaître leurs limites et donc former ses équipes », explique-t-il. Ensuite, l’idéation. « Il s’agit de réfléchir à des cas d’usage pour ces outils IA. » Puis la réalisation des projets.
« C’est donc toute la culture d’entreprise qui doit évoluer, ce qui demande du temps et de la réflexion pour se prémunir des risques inhérents à l’utilisation de ces IA : éventuelles erreurs de la machine et responsabilité en cas de mauvaises décisions prises, attaques cyber, biais du modèle pré-entraîné et transparence quant à leur utilisation », conclut Mick Levy. Encore peu prégnante, la question de l’impact écologique doit aussi être soulevée. L’association Data for Good, composée de 400 experts de la tech, a estimé à 10 113 t d’équivalent CO2 par mois l’utilisation de ChatGPT 3.
L’IA nous fait donc entrer dans une nouvelle ère et nous oblige plus que jamais à définir le modèle que nous souhaitons pour nos entreprises, mais aussi pour notre société.
Sommaire
Intelligence artificielle : comment elle va révolutionner votre métier
- « Il faut que les entreprises prennent le train en marche »
- Cereapro mise sur la création de contenus
- Lorca planche pour revisiter la relation adhérents
- Terrena optimise ses flux céréaliers
- Perfectionner la logistique
- Assister et soutenir le conseiller
- Un assistant virtuel signé LCA Solutions +
- Penser la place de l’humain
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