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Nutergia crée des filières pour relocaliser ses approvisionnements

Les agriculteurs et les représentants de Nutergia et de Fermes de Figeac lors du lancement de la filière bourrache. Au centre, Guillaume Dhérissard, directeur de Fermes de Figeac (en gris), et Antoine Lagarde, directeur général de Nutergia (en bleu).

L’Aveyronnais Nutergia, troisième acteur français des compléments alimentaires, cherche à « favoriser les filières de proximité ». À commencer par la création de filières locales de bourrache, tournesol et reine-des-prés en partenariat avec Fermes de Figeac.

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Troisième laboratoire français en compléments alimentaires sur le marché hexagonal, Nutergia propose 90 références, emploie 300 personnes pour un chiffre d’affaires de 68 millions d’euros en 2024. La base de ces compléments alimentaires : des vitamines et des plantes. Depuis quelques années, l’entreprise affiche sa volonté de rechercher des partenaires locaux : « Notre but est d’avoir des approvisionnements sur le territoire et de favoriser les filières de proximité », explique son directeur général, Antoine Lagarde (ci-dessous).

Antoine Lagarde, directeur général de Nutergia. (© Rémi Benoit /Objectif News)

Le laboratoire basé dans l’Aveyron s’est donc rapproché en 2019 de la coopérative agricole voisine, la lotoise Fermes de Figeac. Objectif : bâtir une filière bourrache, pour laquelle Nutergia s’approvisionne habituellement en Europe. Tout en sachant que le Lot ne comptait alors aucun producteur de cette plante et que celle-ci est très fragile. « C’était la première fois que Nutergia lançait une filière locale, dévoile Pascal Bleunven, acheteur des matières premières. D’habitude, nous achetons de l’huile. Donc cela a été tout un travail de réappropriation pour que nous ayons un produit certifié et afin de comprendre pourquoi le produit livré colle ou ne colle pas. » Les critères de Nutergia sont en effet stricts, en termes physiques, bactériens, physico-chimiques…

Le siège de Nutergia se trouve à environ 10 km de celui des Fermes de Figeac.

Création d’un GIEE

Mais, avant d’en arriver là, il fallait assurer une récolte. Les agriculteurs intéressés ont créé un collectif et un Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Ce dernier a bénéficié de plusieurs soutiens : Nutergia, Fermes de Figeac, la Cuma Lot Environnement, le Feder et l’Agence de l’eau Adour-Garonne. De quoi financer les pertes économiques liées aux différents essais, le matériel, l’animation par une technicienne de Fermes de Figeac… Mais si le projet a tenu, en dépit des aléas, c’est aussi grâce aux prix rémunérateurs de Nutergia. « Le temps que la filière se lance, on ne discute pas les prix, affirme Pascal Bleunven. Sur l’ensemble des échanges que nous avons avec Fermes de Figeac, le prix d’achat est deux fois plus cher que nos autres approvisionnements en produits équivalents. » La production de bourrache, variable – elle a par exemple été nulle il y a deux ans –, a atteint 2 tonnes l’an dernier. Cette année, 27 ha ont été semés. Lors de sa première production, en 2022, un produit spécial a été lancé, en édition limitée, appelé « La bourrache du Lot », censé améliorer la beauté de la peau, et vendu à 20 000 exemplaires. Aujourd’hui, les graines sont intégrées dans le Synerbiol, un produit « riche en Oméga-3 et Oméga-6 », souligne Karine Tournier, responsable marketing chez Nutergia.

La première année, un produit spécial « La bourrache du Lot » a été lancé par Nutergia. Il a été abandonné, les producteurs ne pouvant garantir une quantité suffisante. La bourrache lotoise est désormais intégrée dans le Synerbiol.

Reine-des-prés, tournesol…

Forts de cette première expérience, Fermes de Figeac, le collectif d’agriculteurs et Nutergia se sont engagés dans une autre plante, dès 2022 : la reine-des-prés. « Cela permet de valoriser des parcelles en zone humide », met en avant la responsable marketing. Deux cents kilos ont été récoltés l’an dernier par des agriculteurs et des cueilleurs. Ils ont été inclus dans l’Ergydraine, un « draineur en forme liquide ».

Enfin, depuis 2023, une filière d’huile de tournesol oléique bio a été bâtie. Les graines (7 tonnes sur quelques hectares l’an dernier) sont utilisées dans l’Ergyphilus Baby, qui « soutient le microbiote » des plus petits. « S’agissant d’aliments pour bébé, les critères sont encore plus stricts, déclare Pascal Bleunven. Fermes de Figeac est responsable de nous livrer des productions en ligne avec le cahier des charges. »

Concrètement, pour les trois cultures, les lots sont récoltés par les agriculteurs, réunis et analysés par Fermes de Figeac et un de ses sous-traitants. Une fois validés, ils appartiennent à Nutergia et sont envoyés chez deux prestataires. Un premier s’occupe des reines-des-prés, qu’il dépoussière, désinsectise au CO2 et homogénéise, avant d’envoyer les lots chez un extracteur. Le second prend en charge les graines, à savoir leur trituration, pressage et filtration. « On devient transformateur, ce qui est un vrai changement pour nous », appuie Pascal Bleunven. Avec « un énorme intérêt sur l’huile : on fait en sorte qu’elle soit la moins oxydée possible ». Ainsi, elle est de meilleure qualité ou a une plus grande durée de vie : « On sait ce qu’on vend. » Puis l’huile est conditionnée chez un autre prestataire ou dans l’usine de Nutergia, à Causse-et-Diège (Aveyron).

Ce dispositif s’est progressivement mis en place, du côté des agriculteurs, de Fermes de Figeac et de Nutergia, toujours en lien. L’enjeu, partagé par tous, est désormais « d’industrialiser le processus », comme le dit Pascal Bleunven. Lequel ne cache pas que « l’objectif est d’avancer sur la production. Et, dans quelques années, si on va sur des volumes plus importants, on reparlera du tarif, qui doit aussi être intéressant pour nous. »

Vers un nouveau contrat

Nutergia, Fermes de Figeac et les agriculteurs travaillent aussi à un nouveau contrat. « L’idée est de contractualiser une fourchette haute et une fourchette basse de production avec un delta important, pour, à la fois, ne pas brider les agriculteurs et faire en sorte qu’ils ne nous livrent pas que 100 kg », expose l’acheteur. Le laboratoire compte également proposer des contrats de trois ans, et non plus d’un an, et « inclure un partenariat. Pour que, s’il n’y a pas de récolte, Nutergia ait à sa charge une partie des frais », reprend-il.

Ces nouvelles filières ont en tout cas donné des idées à l’entreprise aveyronnaise. « On compte lancer une filière locale par an », anticipe Pascal Bleunven. Ainsi, en 2023, Nutergia a édifié une filière romarin avec un groupement de producteurs bio du Gard. « Avant d’aller plus avant, nous cherchons des agriculteurs qui sont déjà un peu structurés, détaille l’acheteur. Qui ont l’habitude de vendre, de faire des analyses de leurs productions… » Et de citer le houblon, la reine-des-prés ou encore la prêle parmi les produits pour lesquels le « resourcing en France est aujourd’hui problématique ».

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