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Big bang en vue dans le Sud-Ouest

En proie à un contexte économique difficile, le paysage coopératif en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine est en plein bouleversement.

Deux importants projets de fusion de coopératives se profilent dans le Sud-Ouest. Euralis et Maïsadour d’un côté, Vivadour et Terres du Sud de l’autre, envisagent coup sur coup de se marier pour « mieux soutenir et promouvoir les filières agricoles régionales ». Des opérations qui devront toutefois franchir plusieurs obstacles avant d’aboutir.

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C’est ce qu’on appelle voir double… Ou mettre les bouchées doubles ! À une semaine d’intervalle, fin mars et début avril, deux importants projets de fusion de coopératives ont été annoncés dans le Sud-Ouest. Primo, entre la landaise Maïsadour et sa voisine béarnaise Euralis. Secundo, entre Terres du Sud, dont le siège est dans le Lot-et-Garonne, et Vivadour, dans le Gers. Dans les deux cas, par voie de communiqué, les structures expliquent leur volonté de s’unir par « la promotion et la valorisation de filières ancrées dans leurs territoires » (pour les premières), l’objectif de « renforcer des services dédiés aux agriculteurs en conservant la proximité » et d' « améliorer la résilience d’un groupe unifié » (pour les secondes).

De fait, les nouveaux groupes deviendraient des acteurs puissants : 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 10 400 adhérents et plus de 9 200 salariés cumulés pour Maïsadour et Euralis, ce qui placerait la nouvelle entreprise en 6e position des groupes coopératifs français, que ce soit en chiffre d’affaires groupe consolidé (voir infographie ci-dessous) ou en chiffre d’affaires de la structure de base ; quant au nouvel ensemble formé par Vivadour et Terres du Sud, avec 10 400 agriculteurs, 2 100 salariés et 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires, il se classerait en 13e position.

Des économies fragilisées

Ces fiançailles ont lieu dans un contexte particulier pour les coopératives du Sud-Ouest. « La conjoncture a été rendue difficile par le Covid, la guerre en Ukraine, la grippe aviaire, met en relief Maryline Filippi, professeure d’économie à Bordeaux Sciences Agro et chercheuse associée Inrae-Agro Paris Tech. Le foie gras apportait une bonne rentabilité et un bon retour aux associés coopérateurs, ce qui n’est plus le cas. Et le changement climatique a affecté les rendements. » « Aujourd’hui, les productions baissent toutes, toutes, toutes », résume Jean-Pierre Arcoutel, vice-président de LCA et président de LCA Occitanie, région où trois des quatre structures concernées ont une part notable de leurs activités. « Les coopératives ont moins d’animaux dans les abattoirs, moins de céréales dans les silos, moins de vin dans les cuves… »

Interrogées par nos soins, Euralis et Maïsadour ne disent pas le contraire : « Les économies ont été fragilisées en quelques années. Elles sont exsangues des deux côtés, donc c’est difficile d’investir. Pour maintenir une agriculture pérenne, être plus compétitifs, il faut des moyens. Chacun, on ne les a pas ou on ne les a plus. »

« Il faut des investissements »

Maryline Filippi distingue toutefois les deux projets. Selon elle, « Terres du Sud et Vivadour ont une situation économique un peu meilleure ». Ces deux groupes, interrogés par Agrodistribution, insistent d’ailleurs : « Les équilibres financiers des structures sont solides et le projet contribuera à les renforcer. » Terres du Sud affiche ainsi 10,5 M€ de résultat net cumulé sur les quatre derniers exercices. « Ils voient que les difficultés peuvent arriver, que le marché se tend, donc ils réfléchissent dès maintenant », résume l’enseignante. Ce d’autant plus que, comme le fait valoir le vice-président de LCA, « Vivadour et Terres du Sud – mais c’est vrai aussi pour Euralis et Maïsadour – ont un potentiel de développement dans la volaille “standard +”, du standard mais avec de l’alimentation locale. Elles ont un savoir-faire, elles peuvent percer… Mais pour cela, il faut des investissements. » Autre nécessité, selon lui, « remettre à niveau des équipements industriels parfois vieillissants ». Et aussi, dans certains cas, « surdimensionnés ».

Mais l’ambition des quatre coopératives est également de « peser face aux distributeurs. Ça veut dire quoi, “grosse coopérative”, quand vous avez quatre distributeurs en face de vous ? », questionne Jean-Pierre Arcoutel. « Face à une concurrence et des clients toujours plus concentrés, nous pourrions ouvrir ensemble des opportunités nouvelles et à plus forte valeur ajoutée pour les agriculteurs », abonde Daniel Peyraube, président de Maïsadour, sur LinkedIn.

L’Autorité tranchera

Avant d’aboutir, plusieurs marches restent à passer. « Nous devrons convaincre les banques de suivre, mettent en avant Euralis et Maïsadour. Parce que nous devons construire ensemble un projet, une ambition, relever les défis qui s’annoncent, et tout cela a un coût. » Persuader aussi les salariés et les associés-coopérateurs (lire ci-contre). Ces derniers devront, si les négociations aboutissent, entériner le projet, sans doute avant fin 2025 chez Vivadour et Terres du Sud, « au plus tôt en 2026 » chez Euralis et Maïsadour.

Autre acteur de poids : l’Autorité de la concurrence (ADLC), qui devra valider le montage. Les coopératives devront ainsi montrer leurs complémentarités et/ou leurs efforts pour ne pas porter atteinte à la concurrence. Avec un point clair : « Toutes font de l’appro-collecte et ont une activité volailles importante », synthétise Jean-Pierre Arcoutel. Vivadour et Terres du Sud semblent toutefois davantage complémentaires, d’abord avec des territoires différents, pour l’essentiel : Terres du Sud travaille principalement dans le Lot-et-Garonne et la Dordogne quand Vivadour s’étend plus au sud, dans le Gers et les Hautes-Pyrénées. Quelques activités sont propres à chacune : fruits et semoulerie de maïs pour Terres du Sud ; viticulture (7 % du CA), bovins et semences potagères pour Vivadour.

De potentielles cessions

En revanche, Euralis et Maïsadour « ont des territoires qui se chevauchent et des activités proches en appro-collecte, en agroalimentaire (Rougié, Stalaven ou Maison Montfort chez Euralis, Delpeyrat ou Comtesse du Barry pour Maïsadour), semences (Lidea d’un côté, Mas Seeds de l’autre), volailles… », égrène un fin connaisseur. Mais « nous faisons déjà plein de choses en commun, argumentent-elles. Mutualisation de la collecte, production de biocarburants, Bonduelle achète des légumes à une organisation où nos deux structures sont présentes… », énumèrent les deux groupes. Tous les deux savent qu’ils devront avoir de meilleurs arguments que dans le passé pour convaincre l’ADLC. Les exigences de cette dernière les avaient en effet poussés à stopper leur projet de rapprochement de leurs activités canards gras, en août 2023. « Pour l’Autorité, indique Maryline Filippi, la nouvelle entité était à plus de 50 % de parts de marché en GMS et RHF, ce qui portait atteinte à la concurrence, au détriment du consommateur. »

« On peut donc s’attendre, dans ce cas, à une réorganisation des outils et, potentiellement, à des cessions », reprend une source proche du dossier. De fait, l’Autorité a accepté des fusions récemment, à l’image de Natera, réunion de Capel et Unicor, déjà dans le Sud-Ouest, l’an dernier. De quoi prouver, comme le signalait récemment Daniel Peyraube, que si « le chemin va être long et sinueux, il est atteignable ».

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