Pourquoi l’OFPM déchaîne les passions ?
L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) fête ses dix ans. Souvent contesté, voire moqué, il s’est tout de même installé dans le paysage. Pourrait-on s’en passer ? Quel bilan peut-on en tirer ?
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1 « Superbe rapport qualité-prix »
Créé par la loi de modernisation agricole à l’été 2010, l’OFPM a désormais derrière lui neuf rapports, lesquels donnent parfois l’impression de « machins » de centaines de pages qui n’ont d’autre intérêt que de regarder dans le rétroviseur. L’économiste Philippe Chalmin, à la tête de l’OFPM depuis ses débuts, et possiblement reconduit au 1er septembre, défend son bilan : « Il y a nombre de points sur lesquels on peut nous critiquer, mais cela reste un superbe rapport qualité-prix. Avec peu de moyens (3 ETP), il offre une photographie annuelle des prix et des coûts à l’intérieur de l’ensemble des filières, unique en Europe, qui fait autorité, qui est adopté à l’unanimité, et où tout le monde se comprend un peu mieux et coopère, excepté l’industrie laitière. »
2Des avancées non négligeables
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA, et qui participe aux travaux, rappelle qu’« on est parti d’une situation où la problématique des prix était ignorée par les gouvernants » et loue une « donnée neutre indispensable, qui nous sert de base de travail dans les négociations syndicales pour rappeler que le compte n’y est pas ». Et de regretter que les indicateurs de coûts de production dans le cadre des EGalim ne soient pas gérés par l’OFPM, au moins en cas de blocage, ce qui lui aurait donné de la consistance. Bref, « ce serait vraiment une reculade si l’Observatoire n’existait plus ». La base a-t-elle le même sentiment ? Les envolées de Philippe Chalmin agacent parfois, notamment lorsqu’il dit que la grande distribution ne gagne presque rien…
3Une méthodologie contestée
Si la Coordination rurale estime également que les études de l’OFPM ont permis de lever le voile de la construction des prix et reconnaît son utilité pour montrer l’évolution de la répartition des marges, elle regrette que les données utilisées pour le côté agricole manquent de représentativité et que celles provenant de l’industrie et de la distribution restent déclaratives. « C’est une démarche de volontariat », reconnaît Philippe Chalmin, qui s’inscrit en faux en revanche quand on lui évoque le décalage dans les données, par exemple quatre ans pour la décomposition de l’euro alimentaire (voir ci-dessus) : « Nous publions avec une méthodologie extrêmement stricte, et l’Observatoire ne peut travailler que sur les données disponibles. »
4Ne s’use que si l’on ne s’en sert pas
En revanche, « là où l’OFPM est mal utilisé, c’est qu’il pourrait être interrogé, saisi », regrette Philippe Chalmin. Mais aurait-il les moyens d’y répondre ? Patrick Bénézit convient que cet outil n’est pas suffisamment utilisé par les opérateurs économiques dont les coopératives. Tout en indiquant que certaines OP saisissent le médiateur à partir des indicateurs de l’OFPM. Mais « il ne faut pas donner à l’Observatoire le rôle qu’il n’a pas », défend-il, même si le monde agricole a peut-être fondé trop d’espoir dans cet outil. De son côté, s’indigne Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la CR, « c’est un scandale de nous laisser avec l’OFPM crier dans le vent. Le terrain nous critique, indiquant qu’on perd notre temps en réunions infructueuses. Au gouvernement d’agir ».
5Observatoire ou autorité ?
Très critique sur la base de données et le fonctionnement de l’OFPM, lequel n’a « aucune utilité dans son format actuel », l’universitaire Olivier Mevel, spécialiste des questions de partage de la valeur ajoutée dans les filières alimentaires, prône sa transformation radicale en une « vraie autorité de régulation des prix et des marges ». Celle-ci pourrait contrôler « de manière indépendante » les chiffres des différents maillons et, notamment, de la grande distribution (avec des carottages menés dans des magasins clés). « L’Observatoire a fait son temps. Il a été expérimenté pendant dix ans et n’a pas donné satisfaction. Comment se fait-il qu’il n’y ait que trois personnes ? Veut-on sérieusement un observatoire qui travaille ? Il y a des protections immédiates à poser sur les marges de certains maillons et un rééquilibrage de la communication à opérer en faveur de l’artisanat alimentaire. »
Renaud Fourreaux
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