Pourquoi la pomme de terre n’a plus la frite
Plusieurs acheteurs de l’industrie ont révisé à la baisse leurs engagements en termes de volumes ou de prix auprès des producteurs, à rebours des perspectives de marché annoncées.
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1 Le plein de promesses
La forte croissance de la restauration rapide en France et dans le monde, associée au succès culinaire du hamburger, a donné des signaux de marché très favorables ces dernières années à la production de frites surgelées. Ce marché, qui fut presque anéanti pendant la crise du Covid du fait de la fermeture des établissements de restauration, s’est vite emballé depuis avec l’explosion de la tendance fast-food. L’offre mondiale de frites surgelées a ainsi été mise en tension vis-à-vis de la demande. Dans le même temps, des écarts de compétitivité se sont révélés en faveur des productions européennes. Les coûts de production plus élevés au Canada ou aux États-Unis ont incité l’Amérique du Nord à importer davantage de frites, notamment en provenance de la Belgique, qui polarise le plus gros tissu industriel spécialisé au monde.
2 Le plein de projets
Dans ce contexte, de nouveaux projets industriels ont vu le jour et particulièrement en France. Un doublement des capacités de production y est attendu et pourrait aboutir à un potentiel de transformation de 3 Mt de frites surgelées à terme. En comparaison, la Belgique produisait 6,5 Mt de frites surgelées en 2023. Ce sont d’ailleurs des industriels majoritairement belges qui sont à l’origine des projets sur le territoire hexagonal. La Belgique est en effet contrainte de rapprocher ses projets d’usines des bassins de production de pomme de terre. L’approvisionnement, toujours plus lointain des usines belges, avait fini par devenir insoutenable sur le plan économique et logistique. Or qui dit hausse des capacités industrielles dit aussi hausse des besoins en pommes de terre. Les acheteurs ont ainsi cherché à garantir leur approvisionnement. Cela s’est traduit par des signaux de marché positifs donnés aux planteurs qui, après trois campagnes rémunératrices, ont ainsi été incités à accroître leurs emblavements, d’autant que les cours des grandes cultures se sont dépréciés.
3 Des signes de faiblesse
La campagne de commercialisation de la récolte de 2024 a montré depuis plusieurs mois des signes d’essoufflement. Dès février, les syndicats français, l’UNPT, et européen, le NEPG, représentant les cinq pays producteurs du nord-ouest de l’Europe, ont alerté sur les risques de surproduction pour éviter une forte hausse de la sole en 2025. Malgré cela, une croissance des surfaces de 5 % est recensée dans ce secteur NEPG. La France taquinerait cette année la barre des 200 000 ha de pomme de terre avec 197 000 ha, soit une hausse de 10,3 % par rapport à une année 2024 qui était déjà au sommet à 178 000 ha (+ 7,3 % par rapport à 2023). Depuis 2018, les surfaces françaises ont ainsi gagné près de 50 000 ha. C’est déjà plus que les 30 000 à 40 000 ha de droits à produire attendus de l’expansion en cours et à venir des capacités industrielles françaises.
4 Un recul de la demande
Dans le même temps, la demande est mise à mal. L’UNPT pointe notamment la concurrence des productions indienne et chinoise ainsi que les effets de la politique tarifaire américaine. Sachant que les volumes de frites surgelées exportées depuis la zone NEPG ont déjà reculé de 1,8 % entre 2023 et 2024. Les prix sur le marché libre ont chuté à 50 €/t en juin dernier, à des niveaux jamais vus depuis la crise du Covid. Des industriels ont ainsi révisé leurs contrats à la baisse. À l’image du géant belge Clarebout, mais aussi de Mousline. Dans tous les cas, la campagne de commercialisation de la récolte de 2025 s’annonce complexe. À long terme cependant, les tendances de consommation sont bien présentes et pourraient redonner des couleurs à la production.
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