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Aborder sereinement la transmission de son entreprise

Pour un négociant, la cession de son entreprise est une étape très importante et délicate, notamment en termes de communication auprès de ses salariés, mais aussi des agriculteurs. Tour d’horizon des étapes clés, témoignages à l’appui.

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«Vendre son entreprise, c’est la plus belle affaire d’une vie », soutient Christophe Viger, qui a vendu son négoce SCPA à la CAPL fin 2013. Pour le cédant, c’est aussi une source de stress conséquente. « Il faut arriver à ancrer l’idée de la cession dans l’esprit du dirigeant, appuie Jean Caizergues. Une entreprise, c’est des salariés, des clients, des fournisseurs, des partenaires, souvent de longue date, il faut donc avoir une vision globale. » Ex-PDG de PCEB dans l’Aude, il a vendu aux négociants Péris et JEEM en 2017. Pour lui, pas question de céder à une coop, « mais ce sont mes valeurs ».

1Se faire à l’idée et bien s’entourer

Christophe Viger « s’est détaché progressivement » de son négoce, après des tentatives de rapprochement avec d’autres entreprises, et la rédaction d’un testament, pour assurer la pérennité de SCPA. « On a connu des chefs d’entreprise qui sont décédés. Je ne voulais pas que les salariés soient touchés s’il m’arrivait quelque chose. » Il insiste sur le fait « qu’il n’y a pas d’âge pour vendre, moi j’avais 50 ans ! » Comme Jean Caizergues, il conseille de bien s’entourer pour la cession, avec un accompagnement extérieur. À chacun de choisir son type de repreneur, en fonction de ses contraintes et de ses valeurs.

2La discrétion est de mise

« Personne ne doit être mis dans la confidence, c’est l’erreur à ne pas faire », prévient Jean-Claude Lamy qui a anticipé quatre ans à l’avance sa cession. Les Ets Lamy ont été repris par les Ets Bienaimé en décembre 2017. L’ex-dirigeant est formel : confidentialité avant tout. Sinon, « il y a des risques de fuites, avec des mauvaises interprétations. Il faut se préparer à l’avance, dans la discrétion. » Cela étant, la situation est parfois connue. Éric Ribault a connu deux cessions : celle d’Hurel Arc en 2007, négoce, filiale de Yara, dont il était directeur commercial et logistique, vendu à Soufflet, et CIC en décembre 2018, filiale d’Actura reprise par les Ets Nau. Dans les deux cas, les actionnaires ne faisaient pas mystère de leur volonté de vendre. « Chez CIC, le personnel a été prévenu deux ans à l’avance, explique l’ancien DG. Ce n’est pas simple de maintenir la motivation quand c’est aussi long. ».

3Avertir et rassurer les salariés

Depuis la loi Hamon de 2014, il est obligatoire de prévenir les salariés au moins deux mois avant la cession définitive. « Les délégués du personnel et le CE doivent être prévenus, et quand il n’y en a pas, il faut organiser une réunion du personnel avec un caractère officiel, note Marc Rouhier, consultant. À l’issue de la réunion, une feuille est remise aux salariés pour leur demander s’ils sont intéressés par une reprise. Si oui, on leur explique les modalités et ils doivent présenter un plan de financement sur un pied d’égalité avec le repreneur potentiel. » Chez PCEB, les salariés étaient au courant, « car ils savaient que la retraite approchait et que mon fils ne souhaitait pas reprendre », relate Jean Caizergues. Quant à Christophe Viger, l’info de la vente a fuité ; dès la signature, soit quelques heures avant qu’il l’annonce à ses équipes, la CAPL a prévenu ses commerciaux et la nouvelle a très vite circulé. Malgré tout, « la réunion s’est très bien passée. Je leur ai dit que c’était juste l’actionnaire qui changeait. » L’annonce d’une vente est génératrice d’angoisse pour les salariés : certains peuvent décider de partir, une perte pour le cédant et le repreneur. Pour Éric Ribault, « il faut rassurer les gens sur leur fonction, leur place dans l’entreprise. Que chacun ait une bonne connaissance de ce qu’il fait et de ce qu’il apporte. Cette valorisation individuelle avant une cession est rassurante. » D’autant plus que le mercato des commerciaux risque de s’intensifier.

4Prévenir agriculteurs et fournisseurs

Après les salariés, reste à l’annoncer aux clients et aux fournisseurs. Marc Rouhier conseille de la faire de visu « pour les clients et fournisseurs qui comptent, qui pourraient déstabiliser le fonctionnement de l’entreprise. C’est aussi valorisant pour eux. » Jean-Claude Lamy a prévenu ses clients le lendemain de la signature par un courrier, suivi rapidement d’une réunion avec les équipes. Éric Ribault juge qu’en général, « c’est bien accepté par les agriculteurs. Ils veulent surtout savoir si le silo à côté de chez eux va fermer. »

5Bien gérer le tuilage

Faut-il que le cédant reste dans l’entreprise ? Pour Marc Rouhier, cette phase ne doit pas durer plus de 3 à 6 mois : « Si le cédant reste trop longtemps, c’est préjudiciable à l’entreprise et au repreneur ». Jean Caizergues a fait le tuilage avant la vente. S’il reconnaît que le processus est très angoissant pour le dirigeant, et la vente un moment délicat, il assure : « Un bon négociant, c’est quelqu’un qui a une bonne capacité de digestion des choses ».

Marion Coisne

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