Login

Un conseil qui laisse froid

VILLIERS-FROIDS-FONDS, MARDI MATIN, NEUF HEURES

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Thomas rétrograde en arrivant dans un village. Il lui reste une trentaine de kilomètres avant d'arriver chez Pierre, un agriculteur qui l'a appelé pour un problème d'adventices. Ils se connaissent depuis longtemps, quasiment depuis que Thomas est entré aux Ets Marcellin, et cela fait bientôt dix ans qu'il est technico-commercial là-bas. Il s'arrête pour laisser traverser un groupe de collégiens se rendant en classe, en pensant à son propre fils. Pour la première fois, il l'a emmené cette année, avec sa cadette, au Salon de l'agriculture, à Paris. Au sortir de l'une des animations, Hugo, neuf ans, lui avait dit : « Les pesticides c'est ça que tu vends ? Mais c'est pas bien, non ? » Un peu mal à l'aise, Thomas avait été sauvé par sa fille, qui réclamait à cor et à cri une barbe à papa.

Le TC estime bien connaître son métier, et plutôt bien le faire. Son chef et ses clients sont toujours satisfaits, même si c'est vrai, qu'il commence parfois à s'ennuyer un peu. En ce début d'année, il est en pleine remise en question. Il y a aussi son collègue, qui lui a parlé d'évolution du conseil, en revenant, très enthousiaste, d'un colloque sur le thème « Conseillers demain ». « Tu sais, il faut vraiment qu'on prenne le temps de faire un point plus poussé avec les agriculteurs sur leur stratégie, faire un vrai bilan de l'exploitation, pas seulement de la campagne. Qu'on aille plus loin dans le conseil. C'est l'avenir ! », lui avait-il dit. Peu convaincu au départ, Thomas se dit qu'après tout, c'est dans l'air du temps, et puis un nouveau challenge lui fera du bien. Pendant le reste du trajet, il cherche comment amener le sujet auprès de Pierre.

Une fois un café avalé avec l'agriculteur, il attaque : « Tu sais Pierre, ce serait bien qu'on se prenne un peu de temps pour faire un point sur ton exploitation. On se cale une heure ou deux, et on regarde tes appros, les techniques culturales, la collecte, et tout. Il y a des subventions pour la luzerne, on pourrait regarder plus en détail, voir si ça vaut le coup. » Perplexe, l'agriculteur lui répond : « Bah, tu sais je vois pas trop l'intérêt... Dis-moi plutôt si je dois mettre du DesherbTout ou du Stopadventices en rattrapage. » Découragé, le TC passe au désherbage, en pensant, « Bon, en voilà un qui n'est pas chaud pour le conseil à froid. »

Marion Coisne

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement