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Lire l'avenir dans les codes

M. COISNE

Carole Hernandez-Zakine, 47 ans, est responsable du droit de l'agroécologie, chez InVivo AgroSolutions, poste nouvellement créé.

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« Je ne suis pas Madame Irma, je me contente de lire les textes », justifie Carole Hernandez-Zakine, qui a pourtant su sentir les évolutions législatives des trente dernières années. Cette spécialiste du droit de l'environnement appliqué au monde agricole fut un précurseur. Les années lui ont donné raison, et depuis début 2015, elle est responsable du droit de l'agroécologie, chez InVivo Agrosolutions, un poste sur mesure et inédit. La juriste est issue du monde agricole mais de l'autre côté des Pyrénées : ses grands-parents étaient producteurs en Aragon. Née et élevée à Paris, elle passe week-ends et vacances dans un lieu-dit entre la Vienne et l'Indre-et-Loire, où l'élevage, l'agriculture et la chasse constituent les seules activités. A Nanterre, elle étudie le droit international, puis le droit européen, « pour la Pac ». Les portes du DEA de droit rural resteront closes, « on m'a dit que je n'avais rien à y faire, car c'était du droit privé ». En effet, le droit de l'environnement, le droit international et européen relèvent du droit public, « entre l'Etat et les autres », résume Carole Hernandez-Zakine, alors que le droit rural, c'est du droit privé, de la propriété.

Une thèse avant-gardiste

Qu'importe ! Elle fera du droit de l'environnement, mais appliqué à l'agriculture, appuyée par un professeur passionné et passionnant. L'étudiante suivra aussi des cours de droit rural, et effectuera un stage à la FNSEA. En 1997, elle soutient une thèse iconoclaste sur l'influence du droit de l'environnement sur le droit rural, mêlant droit cynégétique (chasse), droit de la forêt et droit de la propriété. Après avoir reçu les félicitations du jury, elle pointe à l'ANPE. C'est là que le bât blesse : son profil est trop écolo pour le monde agricole, vers lequel elle a envie d'aller, et trop agricole pour le monde environnemental. « J'expliquais que l'avenir de l'agriculture c'est aussi de remplir une mission d'intérêt général environnemental », relate la juriste. Un discours difficile à entendre à l'époque. Ce qui lui a permis de continuer, « c'est que j'ai toujours été soutenue par des agriculteurs ». Elle se tourne alors vers l'enseignement. « Pendant dix ans, j'ai porté le message que le droit de l'environnement s'infiltrait dans le droit rural, de la chasse, de la forêt », auprès de BTSA, de l'Engref, des chambres d'agriculture...

De l'eau au Grenelle

A son arrivée à l'APCA, en 2007, elle doit travailler sur le stockage de l'eau, touché par la directive cadre sur l'eau. « Ce fut un choc des deux côtés, reconnaît-elle. Le droit de l'environnement n'avait pas du tout été intégré. » Là-dessus, le Grenelle arrive, et ses compétences pour participer à l'écriture des lois sont plus que bienvenues. Puis, tout s'enchaîne. En 2011, on lui propose d'animer une cellule prospective à la Saf. Au cours de ces années au think tank, elle rencontre des coopératives agricoles, et en 2014, InVivo la contacte pour travailler sur l'intégration par le monde économique de la toute récente loi d'avenir agricole, une petite révolution. « Les principes du droit de l'environnement s'imposaient au droit rural, mais pas l'inverse, jusqu'à la loi d'avenir de 2014, avec l'article 1 nouvellement créé, qui définit l'agroécologie », explique la spécialiste. D'où ce poste inédit : responsable du droit de l'agroécologie. Carole Hernandez-Zakine travaille ainsi sur les phytos, le droit de l'eau, les GIEE, les mesures de compensation... Sans oublier le projet de loi biodiversité, « toujours pour promouvoir la production agricole dans les territoires des coopératives ».

Marion Coisne

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