Le moral au fond du pot
RAS LE BOL LAITIER
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« Le secteur laitier toujours en crise. Une manifestation, ce matin, contre la liquidation d'une fromagerie… » D'un geste las, secouant la tête, Sébastien baisse le son de la radio. Ce technico-commercial de 30 ans ne connaît que trop la réalité de ces propos. Son secteur regorge d'exploitations en polyculture-élevage à forte dominante laitière, composant plus de 80 % de son portefeuille. Depuis des mois, il se torture les méninges à trouver les mots pour réconforter et remotiver des producteurs face à un avenir qu'ils peignent en sombre.
13 h 30. Sa voiture commerciale blanche emprunte la voie communale qui mène à la Haute Heuseraie. Là, Michel Potolé l'attend pour la première visite de morte-saison. Dans un pré voisin, le troupeau d'une quarantaine d'Holsteins se repaît d'un mélange trèfle blanc et ray-grass anglais. Sébastien gare sa voiture en évitant une flaque d'eau laissée par la pluie de la nuit dernière. Il repère Michel affairé sous un hangar à l'entretien de son tracteur.
« Bonjour Michel, comment vas-tu ? Alors, tu fais le mécano aujourd'hui ? », lance en souriant le jeune TC.
« Oh, c'est moyen, moyen. Un gars du syndicat m'a appelé ce matin. La laiterie refuse de revoir le prix du lait. Je jetterais bien l'éponge… »
« Ne dis pas cela. Cela fait plus de trente ans que tu t'investis dans cette exploitation. Ne baisse pas les bras ainsi. »
« Des mots, toujours des mots. Mais j'en ai marre d'entendre “allez Michel, ne t'arrête pas, faut y croire”. Bon sang, ce n'est pas toi qui connais un revenu qui dégringole. Un prix du lait divisé par deux en un an, il faut quand même l'encaisser ! »
« Mais, je comprends, répond légèrement agacé Sébastien qui aimerait bien rentrer dans le vif du sujet. Bon, j'étais venu te voir pour la morte-saison. Tu as un instant pour en discuter ? »
« Alors là, mon p'tit gars, tu tombes mal. Je n'ai pas la tête à cela. Et si ça se trouve, il n'y aura plus de ferme dans six mois. »
Sur ce, Michel replonge son nez dans le moteur laissant Sébastien tout pantois. « Et bien qu'attends-tu là, planté ? Je te dis que je ne veux rien commander aujourd'hui. » Bredouillant un « au revoir, à plus tard », le jeune TC retourne à sa voiture, la mine défaite, le moral à zéro
Hélène Laurandel
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