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Pourquoi les circuits courts ne sont pas aussi vertueux que l’on veut le croire ?

Le confinement aura été un test grandeur nature pour les circuits courts. Mais si ces modes de distribution ont des bénéfices socio-économiques avérés, ils sont loin de se distinguer par leur bilan carbone.

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1Un cliché à déconstruire

Ventes directes à la ferme, en tournée, sur les marchés, Amap… Les circuits courts, aussi divers soient-ils, présentent de nombreuses vertus économiques et sociales pour le producteur comme pour le consommateur. En revanche, sur le plan environnemental, leurs bénéfices sont moins évidents. Dans une note parue en 2013, le Commissariat général au développement durable (CGDD) pointait déjà du doigt le cliché de réduction du bilan carbone liée à ces circuits de proximité. En gros, les produits parcourent une distance plus faible, mais les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne sont pas, pour autant, systématiquement moindres, car davantage de déplacements individuels sont réalisés pour de plus petites quantités d’aliments. Acheter directement chez les producteurs, mais en voiture, à plusieurs endroits différents, ne fait pas forcément sens, si l’on s’en tient à un objectif de sobriété carbone.

2Plus de CO2 par tonne-kilomètre

« Plus de proximité ne signifie pas nécessairement moins d’émissions de GES », validait l’Ademe dans un avis publié en juin 2017. Au contraire, « les émissions par kilomètre parcouru et par tonne transportée sont environ 10 fois plus faibles pour un poids lourd de 32 t que pour un véhicule utilitaire de 3,5 t. » Ce dernier, utilisé par un producteur pour vendre ses produits au marché, va émettre en moyenne 1 068 grammes de CO2 par tonne/kilomètre alors qu’un ensemble articulé de 40 t transportant des marchandises sur une longue distance va émettre seulement 84 g CO2/t.km, chiffrait de son côté le CGDD. Autre exemple contre-intuitif proposé par cet organisme : la fabrication d’1 kg de pain à domicile ou par une boulangerie artisanale consomme respectivement 2 fois plus et 1,5 fois plus d’énergie que celle par une boulangerie industrielle.

3circuits courts : le grand écart

Une récente étude soutenue par l’UE et publiée l’été dernier dans la revue universitaire Sustainability analyse l’empreinte carbone de différents circuits courts dans sept pays (France, Hongrie, Italie, Norvège, Pologne, Royaume-Uni, Vietnam). Ne prétendant pas à la représentativité, elle a le mérite de chiffrer les empreintes carbones du transport pour divers circuits (voir infographie). L’empreinte croissant en fonction de l’implication du consommateur dans le transport, elle serait donc la plus élevée… pour la cueillette à la ferme.

4La production prépondérante

Ces résultats restent néanmoins à nuancer, car les produits locaux sont aussi souvent moins emballés et transformés, conservés moins longtemps, et donc moins consommateurs d’énergie. Par ailleurs, du point de vue de l’Ademe, « dès lors qu’ils sont optimisés (adéquation du moyen de transport, optimisation du circuit de livraison, remplissage du camion, véhicule propre…), les circuits courts de proximité peuvent présenter un potentiel intéressant en termes de réduction des émissions de GES. » Surtout, les pratiques de production sont beaucoup plus déterminantes en matière de bilan environnemental que les modes de distribution. « 57 % des émissions de GES de la chaîne alimentaire sont liées à la phase de production et 17 % aux phases de transport », relève ainsi le CGDD. Mais là aussi, attention aux raccourcis : certes, les exploitations en circuits courts ont souvent moins recours aux intrants, mais le bilan environnemental dépend aussi du rendement à l’hectare, qui est « en général moindre pour l’agriculture biologique », rappelle le CGDD. Valentin Bellassen, chercheur à l’Inrae, tranche le débat : « Clairement, si l’enjeu est l’empreinte carbone des aliments, il faut consommer moins de produits animaux. » Quel que soit le circuit...

Renaud Fourreaux

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