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Un marché du blé « équilibré » mais « dans l’attente »

Maxence Devillers, analyste marché, et Gautier Le Molgat, directeur général d’Argus Media France, ont dressé le bilan de la production de blé tendre 2024 et analysé le marché mondial, lors d'une conférence de presse, jeudi 29 août à Paris.

En ce début de campagne, les bonnes disponibilités des principaux pays exportateurs de blé et la prudence des acheteurs maintiennent les prix bas, mettant à mal la rentabilité des agriculteurs et des OS. Argus Media France a livré son analyse, jeudi 29 août, lors de sa conférence de presse annuelle, à Paris.

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« La filière va vivre une année difficile », a introduit Gautier Le Molgat, directeur général d’Argus Media France, lors de la conférence de presse annuelle de l’expert, jeudi 29 août à Paris. Sur un an, le blé tendre à perdu 560 000 ha et 20 % de rendement, faisant chuter la production à 25,17 Mt. Un coup dur pour les céréaliers qui doivent également affronter des prix non rémunérateurs. Car, en ce début de campagne, le marché mondial tire les prix vers le bas.

« L’ajustement se fera sur l’export »

« La production française de blé tendre 2024 va être suffisante pour couvrir les besoins domestiques et les exportations européennes, rassure Maxence Devillers, analyste chez Argus Media France. L’ajustement se fera sur l’export vers les pays tiers puisque, de 10 Mt exportables lors de la campagne précédente, nous passons à 4,1 Mt. » L’Allemagne accuse également une perte conséquente de sa production. Ainsi, les deux principaux producteurs de blé tendre ont fortement contribué à faire chuter le disponible exportable de l’Union européenne de 11 Mt. Une hémorragie limitée par les bonnes récoltes en Roumanie, Bulgarie, Espagne et Italie.

Dans la région de la mer Noire, les épisodes de sécheresse ont mis à mal la production de blé, en recul de 8,8 Mt en Russie et de 14 Mt en Ukraine. Toutefois, les disponibilités exportables restent correctes puisque, avec un stock de report de près de 15 Mt, « la Russie connaît le troisième meilleur niveau de son histoire », souligne Maxence Devillers. Quant aux autres grands pays exportateurs, les États-Unis, l’Australie et l’Argentine, ils connaissent de bonnes à très bonnes récoltes qui viennent contrebalancer la situation dégradée en Europe et en mer Noire.

Des importateurs moins aux achats

Si les disponibilités sont bien là, l’offre mondiale à l’export de blé est en recul de 3 Mt par rapport à la campagne précédente, selon Argus Media France, et les acheteurs sont aux abonnés absents. Les principaux importateurs de blé russe que sont la Turquie, le Bangladesh et le Pakistan, ont réduit leurs importations, représentant une perte de 5 Mt. « Le Pakistan connaît une année record et la Turquie, par protectionnisme, a mis en place un ban à l’importation qui devrait être levé au 15 octobre », explique-t-il.

Pour compenser la perte de ces clients importants, la Russie a baissé ses prix pour conquérir de nouveaux marchés, notamment le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, traditionnellement clients du blé européen et français. « Ainsi, le blé russe a trouvé un nouveau client avec le Maghreb tandis que l’Europe, qui a moins besoin d’exporter, a perdu ces parts de marché. Actuellement, le marché du blé est donc plutôt équilibré, mais avec des prix au plus bas », constate Maxence Devillers.

L’évolution des besoins d’importation en Chine et en Inde, évalués respectivement à 11 Mt et à 3 Mt, reste également un facteur crucial à surveiller, car ces deux pays sont pour l’instant absents des débats. « Cette situation pèse sur les cours mondiaux, puisque le marché est dans l’attente du retour de ces deux acheteurs. En revanche, le soutien aux cours du blé pourrait venir du maïs », précise-t-il.

Les OS également en difficulté

En attendant, ces prix fragilisent la rentabilité des exploitations. Argus Media France estime la perte de marge cumulée pour le blé tendre, l’orge fourragère, et le colza à 800 €/ha. « Il va très certainement y avoir des problèmes de trésorerie », regrette Maxence Devillers.

Les organismes stockeurs vont également se retrouver en difficulté avec des pertes de volumes allant de 9 % en Bourgogne-Franche-Comté à 45 % en Nouvelle-Aquitaine. « Les OS vont devoir revoir leur plan d’investissement, analyse Gautier Le Molgat. À court terme, il y a aura une réorganisation des silos avec, par exemple, des amplitudes horaires moindres puisque même s’il y a eu une compensation des cultures d’hiver par celles de printemps, à la fin, il va manquer 15 à 18 % de la collecte. Il risque d’y avoir une forte concurrence en plaine. »

Cette diminution des volumes affectera également les transporteurs ainsi que la filière export pays tiers. Délestée de 60 % de ses volumes à exporter, elle estime que son chiffre d’affaires pourrait chuter de 1,4 milliard d’euros.

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