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Numagri veut créer un langage commun

Maximin Charpentier, président de la chambre régionale d’agriculture Grand Est , et Maud Anjuere, directrice chaîne alimentaire durable chez Coop de France. © Cédric FAIMALI

Le projet Numagri, porté par la filière agricole, veut standardiser les données pour créer de nouveaux usages, et ainsi revaloriser les productions auprès des consommateurs en leur apportant une information fiable.

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«Aujourd’hui, les données ne sont pas portables entre deux stations météo de marques différentes, car elles ne sont pas standardisées », illustre Sébastien Picardat. En un exemple, le directeur d’Api-Agro a résumé la problématique de beaucoup de données agricoles : elles ne sont ni interopérables, ni portables. Une situation qui va évoluer grâce au projet Numagri, lancé en 2018 par la Fondation Avril, avec la volonté de structurer et d’organiser les flux de données, notamment pour mieux informer le consommateur. « Nous avons beaucoup d’idées d’usages rendus possibles par les données, mais nous sommes confrontés à un problème de standardisation, explique Maximin Charpentier, président de la chambre d’agriculture du Grand Est. L’enjeu, c’est aussi de capter les données par rapport aux Gafa et aux grandes puissances du machinisme. »

Dialoguer avec le consommateur

C’est ainsi qu’est né Numagri, porté par un consortium composé de la Fondation Avril, des chambres d’agriculture, de la FNSEA, de JA, Coop de France, Terres Univia et Api-Agro. Au cœur du projet, la volonté de créer un langage commun. « Nous voulons que les données collectées par les coopératives puissent continuer à être valorisées, explique Maud Anjuere, directrice chaîne alimentaire durable chez Coop de France. C’est aussi une opportunité pour accompagner la digitalisation du secteur. »

Le projet a franchi une première étape, avec le choix d’un partenaire de standardisation, GS1 France, présent à l’international. « L’objectif, c’est de pouvoir s’échanger des informations de façon fluide, dans une logique d’intérêt général », résume Cédric Lecolley, directeur commercial de GS1 France. Ce sont les parties prenantes, ici les représentants de la filière agricole, qui créent les règles. « Si elles ne le font pas, d’autres le feront pour elles », met en garde Cédric Lecolley.

Des standards accessibles à tous

En pratique, « standardiser ne veut pas dire interdire la différenciation, poursuit le directeur commercial. On peut toujours être créatif, mais dans un cadre. » Il prend l’exemple d’un panneau publicitaire A3 : les dimensions sont toujours les mêmes, mais le contenu est libre. Autre point important : « Les standards produits sont la propriété de tous, personne ne peut se les approprier », appuie Cédric Lecolley.

Première étape, l’exploitation agricole. « Il faut donner une identité numérique aux fermes, en partant du registre des actifs agricoles, poursuit-il. Ensuite, nous travaillerons sur les usages, par exemple la gestion des produits phytosanitaires. » Une analyse de l’existant est prévue, pour intégrer les standards qui fonctionnent aujourd’hui. Une fois les données standardisées, des plateformes comme Api-Agro permettront les échanges, qui pourront aussi se réaliser de façon bilatérale.

Vendre produit et information

Un langage commun, oui, mais pour quoi faire ? « Demain, un producteur vendra autant un produit que de l’information, projette Philippe Leroux, directeur de la Fondation Avril. Revaloriser les productions passera par la maîtrise des données agricoles ». En résumé, l’idée est de pouvoir montrer les pratiques pour en faire un argument vis-à-vis des consommateurs, sur le marché intérieur, mais aussi à l’export. Philippe Leroux voit plusieurs catégories d’usages : « Répondre aux attentes de la société, mieux maîtriser la façon dont on produit, par exemple en approfondissant la connaissance des coûts de production, donner des éléments pour la recherche, et fournir des informations pour reconquérir des marchés à l’international. » Il cite aussi l’intérêt pour les OS d’avoir accès aux pratiques culturales, pour connaître par exemple précisément les apports d’engrais réalisés sur un lot de blé.

Au sein des coopératives, « cela pourra permettre d’améliorer la gestion des stocks, la logistique… », cite Maud Anjuere, qui souhaite mettre en place des actions de promotion pour sensibiliser les coopératives à la numérisation, en leur donnant des outils et des conseils.

Un chantier « titanesque »

Maximin Charpentier évoque l’accès au marché du carbone, et la traçabilité : « L’idée, c’est que ce soit nous qui amenions des éléments de langage, et pas la distribution qui nous les impose. » Le consommateur est en ligne de mire, avec « son appétit croissant pour la donnée », juge Cédric Lecolley, évoquant les applications comme Yuka. « Demain, le consommateur achètera des produits en fonction de leur impact sur l’environnement, sur le bien-être animal… On entre dans un monde d’une infinité de données. Avec Numagri, on va interconnecter tout le monde. Cela va permettre aussi de rééquilibrer les rapports de force au niveau de la chaîne de valeur », conclut l’expert en données. Affaire à suivre, le chantier s’annonce « titanesque mais indispensable », pour reprendre les mots de Philippe Leroux.

Marion Coisne

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