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Révolutions dans les schémas de collecte

Un maillage dense de silos, des transferts intersilos pas toujours optimisés… Nombreux sont les OS qui cogitent pour réduire les coûts et rendre le dispositif plus agile. Mais en même temps, les besoins d’allotement vont croissant.

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Dans bien des cas, le réseau de silos actuel, s’il était bien adapté au contexte des années 2000, montre ses limites face à la diversification croissante des productions céréalières et des cahiers des charges, la nécessité d’outils de collecte et de stockage polyvalents et la souplesse dans l’organisation. « L’âge moyen des infrastructures de collecte est de 30 ans et, dans l’intervalle, on a perdu 70 % d’agriculteurs. Il faut que nous adaptions l’ensemble du dispositif de la coopérative à l’évolution des adhérents », justifie ainsi Paul-Yves L’Anthoën, DG d’Axéréal.

Entre 3 et 5 €/t pour un transfert

On peut se demander si c’est une hérésie de dimensionner des silos de collecte pour une activité qui reste saisonnière. En tout cas, un certain nombre d’OS se sont posé la question et les petits silos de réception sont particulièrement sur la sellette. « Les flux de céréales entre le silo de collecte et le lieu de commercialisation représentent au sens large 65 à 70 % des charges d’exploitation des coopératives céréalières », calcule-t-on chez Services Coop de France. Un transfert intersilos coûte entre 3 et 5 €/t. Alors que l’on peut perdre des contrats pour 2 €/t ! D’où l’intérêt de tout mettre en œuvre pour optimiser ces flux, notamment en plaçant la marchandise si possible directement dans le bon silo dès la première livraison, afin de limiter les stockages et transports intermédiaires. Sachant qu’en limitant ces coûteux transferts, on améliore la traçabilité, on génère moins de CO2 et on limite les risques (accidents, contamination, erreurs de manipulation). C’est ‘tout bénef’! Mais plus que jamais, les collecteurs doivent résoudre un exercice délicat : maîtriser leurs charges de structure tout en préservant la proximité du terrain. Avec une nouvelle inconnue qui vient s’ajouter à cette équation d’optimisation logistique : « La capacité à être très réactif par rapport à la demande du client », fait savoir Jérôme Bos, directeur de la chaîne du grain chez Axéréal.

Est-ce à dire que l’on va vers une réduction massive du nombre de silos ? Pas sûr. Déjà, la tendance, depuis le plan silos, est plutôt à l’extension des capacités de stockage. Et cela semble continuer (lire p. 29). Le besoin d’allotement reste fort chez les OS, d’autant que l’orientation en filières prend de l’ampleur. Même chez les OS en rupture avec leur dispositif, « on continue d’investir dans des zones très spécifiques ou par rapport aux besoins de nos clients, mais on est devenu extrêmement sélectif, expose Jérôme Bos. En revanche, on a divisé par deux nos coûts de construction pour avoir des outils beaucoup plus simples, plus rapides à construire, au prix du silo à plat. » Soit environ 150 €/t stockée.

Grandes ou petites entreprises, tous les OS cogitent pour trouver des nouveaux schémas logistiques, réécrire les plans moissons, traquer les coûteuses ruptures de charge. « Tout le monde est concerné car c’est une grosse proportion des frais des OS, expose Thibaut de Saint-Denis, président de la start-up Biosco. La problématique de la supply chain pour les OS est liée à sa complexité, on a un grand nombre de sites de collecte et de stockage, et donc finalement de cellules, il faut trouver la meilleure combinaison, le meilleur plan de stockage. » Et de mettre en avant son outil RonGo, adopté par cinq OS, et avec lequel les entreprises « peuvent espérer, à terme, réduire de 10 % les charges liées à la collecte, au transport et au stockage ». Comment ? « Par exemple, en utilisant les silos les moins chers en premier, en stockant au bon endroit dès le début, en limitant les transferts, en priorisant les dégagements, etc. » Le logiciel est également capable de simuler l’impact d’une ouverture ou d’une fermeture, temporaire ou définitive, de site. D’autres outils d’optimisation logistique émergent, comme Optagri, ou évoluent, à l’instar d’Optiflux (Services Coop de France), qui est devenu accessible à distance via une plateforme internet, « de façon à permettre aux coopératives de faire des simulations à leur rythme et d’actualiser les données en temps réel au cours de la collecte », explique Kristell Rougé, consultante logistique chez Services Coop. « Cet outil permet une réduction en moyenne de 15 % des volumes transférés et de 20 % des coûts », avance-t-elle.

InVivo et les silos virtuels

Et l’humain, dans ces réflexions de rationalisation ? Sachant que le personnel n’est pas en surplus dans les coops et négoces. « Attention à ne pas prendre l’équation à l’envers, comme malheureusement certains le font en disant “mes gains de marge viendront d’abord de la réduction de la main-d’œuvre”, sans avoir réfléchi en amont au message que vous voulez porter, à la relation que vous souhaitez avoir avec l’agriculteur, aux services que vous voulez apporter aux clients et aux agriculteurs, avertit Antoine Bernard, du cabinet de conseil en supply chain Citwell. On peut redéployer le personnel, il peut y avoir des changements de métier, mais ne commencez pas par traiter d’abord l’aspect humain, qui n’est que la conséquence d’une redéfinition de processus en cohérence avec l’offre de services. Et l’intelligence artificielle et le big data vont notamment permettre de cibler des services à forte valeur ajoutée. » Même si, pour l’instant, il n’y a pas grand-chose encore en matière d’intelligence artificielle, au sens du ‘machine learning’ (entendons : des algorithmes programmés pour s’auto-améliorer). Biosco est en train d’y travailler pour une issue d’ici deux ans concernant « la partie dégagement et l’approche marché ».

Chez InVivo Trading, « on utilise des technologies de processus algorithmiques pour analyser l’offre et la demande, relate son directeur, Stéphane Bernhard, mais pas encore d’intelligence artificielle, qui supposera une digitalisation de la chaîne avec des capteurs de bout en bout ». Et d’exposer la réflexion actuelle de silo virtuel, ou plus précisément de terminal portuaire virtuel : « C’est une vision dans tous les ports de France, d’une logistique export tirée, avec une rotation portuaire maximale, des céréales stockées là où c’est le moins coûteux, où il peut y avoir plus de maîtrise de qualité. Le digital peut beaucoup aider, mais cela suppose aussi une évolution des relations entre différents participants et la constitution d’un moteur collectif de négoce qui tire la chaîne logistique », idée chère à son patron, Thierry Blandinières. Et de déclarer : « En France, on a un bon système logistique, mais pas un bon système pour la supply chain ». À savoir : chaque maillon logistique est efficient en tant que tel, mais comme la supply chain n’est pas intégrée, que la logistique est morcelée, on a des à-coups, des ruptures de charge et, finalement, une inefficience. Lui ne parle pas forcément de 5 ou 10 €/t qu’il faudrait rogner (« On n’est pas loin d’être les moins chers du monde pour transporter une tonne d’un champ jusqu’à un bateau »), mais d’une agilité pour créer de la valeur d’autant, viser des marchés spécifiques plus profitables, et atteindre une meilleure rotation des outils logistiques.

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Réinventer la chaîne du grain

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