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Un avenir incertain pour la séparation

De leur étude de la séparation conseil et vente pour les produits phytosanitaires, les députés Dominique Potier et Stéphane Travert ont conclu que « le statu quo n’était pas envisageable ». Tour d’horizon, avec la profession, des évolutions possibles.

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« La fin de la séparation vente et conseil se profile, puisque tout le monde admet qu’on peut parler d’un échec », résumait le député Dominique Potier lors de l’audition de La Coopération agricole, le 25 octobre. Après la publication mi-juillet du rapport qu’il a corédigé avec Stéphane Travert sur la séparation conseil et vente pour les produits phytosanitaires, le député est maintenant rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur l’échec des plans Ecophyto, présidée par Frédéric Descrozaille, et pour laquelle LCA, comme la FNA, était auditionnée. Beaucoup de questions sont encore en suspens sur l’avenir de la séparation. Le gouvernement reviendra-t-il vraiment dessus ? Si oui, via quel texte législatif, et à quelle échéance ? Dans leur rapport, Dominique Potier et Stéphane Travert ont ouvert des pistes de réflexion. Pour permettre aux vendeurs de refaire du conseil spécifique, ils proposent de revenir sur la séparation capitalistique, mais avec création d’une filiale dédiée, séparation des facturations, et équipes distinctes.

La filialisation ne convainc pas

Une solution à laquelle la profession n’est pas favorable. Chez LCA Métiers du grain, le président Antoine Hacard penche plutôt pour « une séparation organisationnelle, avec dissociation des collaborateurs : d’un côté les TC, de l’autre l’équipe agronomique. On accepte l’idée d’une facturation différenciée, mais on est contre la filialisation. Filialiser implique de la déperdition, avec des coûts de fonctionnement supplémentaires, et des problèmes administratifs à résoudre. » Même son de cloche pour le négoce. « Quelle viabilité [de la filialisation, ndlr] dans les PME ? », s’interroge Sandrine Hallot, directrice du pôle produits, marché et services à la FNA. Le 10 octobre, auditionné par Frédéric Descrozaille et Dominique Potier, Nicolas Charpentier, à la tête du négoce éponyme, défendait : « Créer une deuxième société dans nos sociétés pour séparer le conseil et la vente n’est pas vraiment acceptable », évoquant un alourdissement de la démarche, et la difficulté à trouver des conseillers à recruter.

Renforcer la formation

Les rapporteurs proposent aussi la création d’un ordre des conseillers, pour renforcer et formaliser les règles déontologiques de la profession, à l’image de ce qui se fait au Québec, où l’ordre des agronomes encadre précisément l’exercice de l’activité. Parmi les obligations, le suivi d’au moins 40 heures de formation continue en deux ans, et le respect d’un code de déontologie. « Ce système permet de contrôler l’objectivité et la qualité du travail, avec des audits réguliers, observe Sandrine Hallot. C’était ce à quoi nous étions tenus en tant que distributeurs de produits phytosanitaires depuis la mise en place de l’agrément, jusqu’à janvier 2021 et la séparation. » Sans se prononcer sur la création d’un ordre français, elle prône un renforcement de la formation des équipes techniques. « Nous sommes pour professionnaliser encore plus le secteur », appuie Sandrine Hallot, évoquant « la nécessité de donner au législateur des garanties sur les compétences des équipes terrain ». Lors de l’audition de la FNA, le 10 octobre, Bernard Perret, PDG du groupe Perret, a même été plus loin, en parlant d’un Certiphyto conseil à renouveler tous les deux ans, et non cinq.

Des CEPP interdits aux vendeurs

En outre, depuis la mise en place de la séparation conseil et vente, la question de la promotion de certaines fiches actions CEPP (certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques) par les vendeurs restait en suspens. Toujours le 10 octobre, Sandrine Hallot alertait les députés sur une décision du Conseil d’État de mi-juillet : le texte, qui « dit qu’on n’a pas le droit de conseiller des CEPP, nous préoccupe énormément. » Elle pointait notamment le risque ne plus pouvoir promouvoir les fiches sur des produits de biocontrôle, soit 47 sur 120 d'après son décompte. De fait, si la décision est passée relativement inaperçue, sa teneur est importante.

Le Conseil d’État avait été saisi par la Scara fin 2021, pour contester le refus de publication de deux fiches actions CEPP : « Diminuer l’utilisation de produits phytopharmaceutiques en recourant à une certification environnementale des exploitations en grande culture de Champagne crayeuse » et « Raisonnement de la protection des céréales à paille contre les maladies fongiques du feuillage avec l’aide du service C-3PO ». La première avait été déposée en novembre 2020, et la seconde en février 2021. La coopérative auboise n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet, expliquant seulement avoir eu des avis a priori positifs de la commission d’évaluation, mais sans publication des fiches.

Accompagnement ou conseil ?

En pratique, c’est sur la fiche « certification environnementale » que le sujet coince. Selon le Conseil d’État, cette dernière prévoit que les agriculteurs soient « “accompagnés, formés et étroitement conseillés” par le pôle Agronomie, innovation et services de la Scara et par ses techniciens, y compris “sur le terrain” et au travers notamment d'“interventions en bout de champ” ». Pour l’institution, l’action « inclut des activités de conseil stratégique », et « ne saurait donc être mise en œuvre par des vendeurs de produits phytopharmaceutiques ». Tout en concluant que « par suite, et contrairement à ce que soutient la Scara, le ministre chargé de l’agriculture a pu légalement refuser, pour ce motif, de retenir cette action parmi les actions standardisées qu’il a arrêtées ».

Chez LCA Métiers du grain, qui « a pris acte de cette décision », « nous allons demander une exemption d’interdiction de faire du conseil stratégique pour les démarches environnementales », réagit Antoine Hacard.

Quid des autres fiches ?

Et si ce projet de fiche CEPP est considéré comme du conseil, cela pourrait s’appliquer à d’autres, déjà parues. La question s’était déjà posée dès le début de la réforme, notamment avec la fiche n° 2017-016 (1). Interrogé par Agrodistribution, le ministère avait répondu fin janvier 2021 que « cette fiche CEPP conduit un exploitant à acheter un abonnement à un OAD (outil d’aide à la décision) qui implique de fait une prestation de conseil qui ne peut plus être fournie par un technicien de l’entreprise de distribution depuis le 1er janvier 2021 », ajoutant qu’une mise à jour de la fiche interviendrait « dans les meilleurs délais ». Plus de deux ans et demi plus tard, rien n’a bougé. Réinterrogé en octobre 2023 sur le sujet, le ministère n’a pas répondu.

(1) Accompagner l’exploitant agricole pour le déclenchement des traitements de la vigne au moyen d’un outil d’aide à la décision de prévision et de conseil tracé à la parcelle

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