Pouvoir continuer à investir et exporter
Malgré une nouvelle progression de la balance commerciale des semences françaises, la mauvaise campagne de production et la fermeture de la Russie aux exportations compliquent les activités des entreprises. Elles attendent de pouvoir poursuivre les investissements dans la recherche.
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La campagne 2023-2024 se distingue par un nouveau record des exportations françaises de semences et plants, à près de 2,3 Mds€, selon les chiffres provisoires de Semae au 25 octobre. Soit une progression de 5 % par rapport à la campagne précédente. La France reste ainsi le premier exportateur mondial. Par espèces, le trio de tête reste le maïs-sorgho (+ 6 % à l’export, pour 870 M€), les potagères (+ 12 %, 595 M€) et les oléagineux qui, eux, marquent le pas (- 2 %, 422 M€). Ces ventes sont tournées essentiellement vers l’Union européenne, qui reste la première zone d’export avec 1,6 Md€ (+ 5 % par rapport à 2022-2023). L’Allemagne se place largement en tête des destinations des semences françaises, suivie par l’Espagne et l’Italie. « Le débouché européen continue de se consolider, remarque Nicolas Perrin, directeur des affaires internationales chez Semae. C’est une conséquence du contexte géopolitique global. » En effet, si les exports vers les pays tiers progressent au total (+ 7 %), ils régressent à nouveau en Russie, (- 7 %, après - 22 % en 2022-2023) et en Ukraine (- 16 %), deux clients importants pour l’Hexagone (lire graphe ci-dessous).
Bonne surprise
Les importations gagnent aussi du terrain, à 1 Md€, mais moins vite que les exports. Si bien que la balance commerciale progresse à 1,3 Md€ (+ 6 %) « Il s’agit d’une très bonne surprise, considère Nicolas Perrin. Pourtant, l’évolution du contexte géopolitique rend plus compliqué l’accès à certains marchés. » La Russie, qui a des besoins importants, est encore le premier débouché des semences françaises vers les pays tiers cette année. Mais pour combien de temps ? Même avant la guerre, le pays avait clairement affiché sa volonté d’être plus indépendant en termes d’approvisionnement en semences, à hauteur de 75 %. « Avec le conflit, cela s’est accéléré et, aujourd’hui, le marché russe est plutôt fermé, regrette Olivier Paul, président de l’UFS (Union française des semenciers). Le pays n’ouvre que par quotas très limités en fonction de ses besoins. C’est le cas pour les semences de betteraves qu’il ne produit pas, mais en maïs, par exemple, c’est très compliqué. »
Se projeter vers d’autres marchés
Dans ce contexte fluctuant, les entreprises françaises doivent se projeter vers d’autres marchés pour valoriser leur production. Mais les semences sont régies par un système réglementaire complexe en termes de certification, de propriété intellectuelle, de produits phytosanitaires… « Cela prend du temps pour réorienter les activités, il faut avoir la génétique adaptée et les nouveaux marchés sont parfois déjà occupés », souligne Olivier Paul. « Beaucoup de choses peuvent être remises en question d’un jour à l’autre, mais les entreprises trouvent les ressources pour maintenir une activité en progression à l’export et c’est assez remarquable, considère de son côté Nicolas Perrin. C’est possible grâce à la valorisation des semences potagères et au maïs qui continue de progresser en Afrique notamment. »
Limagrain toujours en tête
Les exports représentent environ la moitié du chiffre d’affaires de la filière, même si ce dernier n’était pas encore connu mi-novembre, tout comme les ventes en France. Du côté des entreprises, les chiffres sont annoncés en hausse pour le trio de tête, à savoir Limagrain, Semences de France et Corteva, qui devancerait désormais KWS et le groupe Florimond Desprez (lire notre palmarès pp. 30-31). Reste que la perte de marchés comme la Russie peut avoir des conséquences sur l’économie de certaines sociétés. D’autant plus que la campagne 2023-2024 de production de semences a été rendue difficile par les mauvaises conditions climatiques. Les surfaces de multiplication se sont encore rétractées (- 2 %), cachant une forte disparité. La forte chute des hectares de maïs multipliés (- 23 %) est compensée par une progression des potagères et florales, ainsi que du lin textile. La profession craint des pénuries de semences pour certaines variétés de tournesol, soja, sorgho et fourragères, à cause de problèmes de qualité. Le nombre d’agriculteurs multiplicateurs (16 636 en 2024) régresse également de 2 %, notamment en maïs (- 7 %), en betteraves (- 7 %) et en céréales à paille (- 6 %). La profession continue ainsi d’alerter sur la perte d’attractivité du métier de multiplicateur.
Continuer à investir
Les semenciers demandent d’avoir accès aux moyens de production comme l’eau, les biotechnologies et les phytos. Sur ce dernier volet, l’année a été marquée par les avancées concernant le Parsada, le plan d’accompagnement des filières agricoles face au potentiel retrait des substances actives phytopharmaceutiques (lire ci-dessous). En revanche, le dossier européen concernant les nouvelles techniques génomiques est bloqué puisque les États membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord avant les élections européennes de juin 2024 (lire pp. 32-33).
L’enjeu est aussi de continuer à investir dans la recherche variétale, grâce notamment au crédit impôt recherche (CIR). L’UFS s’inquiète de sa remise en cause chaque année dans le cadre du projet de loi de finances. « C’est une véritable épée de Damoclès, difficile à gérer pour nos organisations qui investissent sur un temps long », insiste Rémi Bastien, vice-président de l’UFS. Le CIR ne représente pas moins de 100 M€ pour le secteur semencier sur les 400 à 450 M€ investis dans la recherche.
Le syndicat semencier se mobilise par ailleurs contre « l’émergence d’une assimilation entre les semences traitées et les produits phytos » quand il s’agit d’exporter. Selon Rachel Blumel, directrice de l’UFS, cette assimilation observée depuis dix-huit mois aurait des « impacts préjudiciables pour l’ensemble de la chaîne agricole ». En effet, le ministère de la Transition écologique demande désormais de déclarer les semences traitées en « mélange de produits phytos ». En parallèle, la France n’a désormais plus la dérogation lui permettant d’exporter des semences produites avec des substances interdites dans l’UE, mais autorisées dans les pays de destination. Seule l’Espagne a conservé cette dérogation. Les semenciers demandent donc au gouvernement de les accompagner dans la recherche d’alternatives. Afin d’améliorer la compréhension des sujets sur les semences auprès des politiques, l’UFS, qui a fêté ses 15 ans d’existence en novembre dernier, a lancé une plateforme interactive sur son site internet. Elle présente le parcours de la semence, de sa création à son usage local. De son côté, l’interprofession doit communiquer en fin d’année sa nouvelle vision stratégique 2025-2027 concernant la compétitivité du secteur, les défis à relever sur la transition agroécologique et le changement climatique, les attentes sociétales et le maintien de la biodiversité.
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Semences 2025
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