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Réinterroger les pratiques managériales

FABIAN CHARAFFI

Introduire une approche managériale performante qui tient compte de l'humain constitue une clé essentielle à l'accès au bien-être en entreprise.

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Si vous avez l'impression lorsque vous croisez vos supérieurs qu'ils vous disent « Bonjour, combien ça va ? », c'est qu'il y a sans doute des choses à revoir ! « Il faut former et accompagner, en commençant par le haut de la hiérarchie », prévient Agathe Cos. « Dans les programmes de formations des agromanagers qui se font aujourd'hui dans la profession, il n'y a aucune place pour le bien-être au travail, la place de l'humain dans l'entreprise », déplore pourtant Christiane Belaubre. Dans ce contexte, c'est sûr que la sensibilisation du management à la question de la prévention du mal-être au travail, mais aussi à la question du bien-être, s'avère limitée... Reste aux entreprises à s'en occuper en interne. Ce qui consiste déjà à permettre aux managers de se consacrer... au management !

Agir avec du travail participatif

Pierre Chavallard, TC depuis sept ans et en charge de l'animation de quatre confrères depuis un an, a pris ce rôle à coeur : « J'ai la chance de manager des gens qui sont plus jeunes que moi, qui sont rentrés après dans l'entreprise, et surtout on m'a déchargé d'une bonne partie de mon rôle commercial. Ce n'est pas souvent le cas. » Vanessa Mathieu réplique : « Mais parce que le technico ne veut pas laisser une partie de sa clientèle ». Une fois son rôle pris à bras-le-corps, le manager doit « très clairement, selon Christiane Belaubre, donner du sens au travail, faire en sorte que la personne se projette, qu'elle soit reconnue. Pas forcément par un salaire supérieur, parce que sinon ça serait sans fin. Mais avec de la bienveillance, de la sincérité, des petites attentions, on peut faire en sorte que les salariés se sentent importants, même aux plus petits postes. » « Ce qui est crucial pour donner du sens, c'est de mettre en relation des salariés qui ne travaillent pas forcément sur les mêmes métiers et de constituer des groupes qui portent des projets », avance Pierre Blondeau. « Chez nous, reprend Christiane Belaubre, on implique énormément les salariés dans les projets d'entreprise, du plus petit au plus grand, et en faisant en sorte qu'ils aient l'impression de prendre la décision. Et ils se sentent utiles. » La responsable QSE livre un témoignage concret : « J'ai été missionnée sur une filiale du groupe qui était au bord de la banqueroute, pour des raisons réglementaires, une entreprise éteinte, un lieu sinistre, avec des salariés pas motivés, sans directives. Cela avait des conséquences sur la productivité des gens. Je les ai réunis en leur disant que c'était à eux de choisir la manière de sauver leur outil de travail et leurs emplois. C'est ainsi qu'ils se sont intéressés à ce qu'ils faisaient. Ils ont fait des propositions chiffrées. C'est même allé jusqu'au détail suivant : « Maintenant qu'on a une jolie cour, on va planter un arbre, on va mettre une table et on y mangera l'été. En un an et demi, la vie était revenue et ils avaient donné du sens à leur présence dans l'entreprise. » Ou comment redonner de l'énergie à ses troupes...

L'environnement de travail comme les perspectives d'évolution sont devenus des critères essentiels pour les jeunes générations. Laure Schohn est d'ailleurs stupéfaite de l'absence de visibilité de carrière qui se dégage du sondage : « En gros, on est commercial et on verra bien ! Alors que les populations d'ingénieurs ont besoin de ce plan de carrière. » « Au bout de deux ans, s'ils n'évoluent pas, ils vont se sentir bridés », abonde Christiane Belaubre. Pierre Blondeau tempère : « On peut aussi rester TC pendant trente ans. La mission peut s'enrichir, on acquiert une autre façon de travailler au fil du temps. C'est suffisamment valorisant pour ne pas avoir besoin de construire un plan de carrière. » Ce qu'approuvent Pascal Brachet et Alain Hascoet, respectivement TC depuis trente-quatre et vingt ans : « Notre métier est varié et on n'a pas forcément envie d'aller chercher autre chose. Après, on n'est pas obligé de suivre forcément une carrière hiérarchique, ça peut être une carrière transversale. »

Savoir réorienter les objectifs

Aux Ets Bernard, « on a trente TC et quatre responsables de région et, à un moment donné, les postes saturent, confirme Vanessa Mathieu. C'est pourquoi on a mis en place des dossiers transverses pour eux. En bâtissant un projet stratégique à long terme, si un salarié ne sait pas forcément ce qu'il va faire dans deux ou trois ans, il sait au moins où l'entreprise va ». Pour revenir au management en tant que tel, il faut prendre conscience « qu'il peut y avoir des périodes difficiles qui peuvent être aussi liées à la sphère personnelle, informe Pierre Blondeau, chez Limagrain. Il faut pouvoir réorienter les objectifs, temporairement, et il faut tenir compte de la singularité de la personne. Ce n'est pas facile parce qu'il y a une très grande diversité de managers ». Et, complète Christiane Belaubre, il faut bien intégrer dans le travail du manager que « ce qui peut être un facteur de mal-être pour certains peut être un facteur de bien-être pour d'autres. Il faut apprendre à percevoir les signaux et ne pas penser qu'ils sont identiques ». Enfin, « ce n'est pas parce qu'on est à l'écoute qu'on perd de vue les objectifs. On montre juste aux salariés qu'on les a entendus et qu'on peut les aider ».

Est-ce que tout ça doit être formalisé ? « Il faut déjà avoir l'état d'esprit, répond Pierre Blondeau, qui a emmené son équipe au Salon du bien-être, à Paris. On est dans l'humain, l'oral est important, la présence aussi. En revanche, l'écrit est nécessaire pour donner une vision et faire en sorte que tout le monde ait bien entendu. » Malgré tout, « on reste dans l'intuitif et on manque d'outils pédagogiques », reconnaît Laurent Legand. Ce qui laisse à Christelle Halipré le soin de préciser que « les préventeurs de la MSA ne sont pas assez sollicités par les entreprises. Sachez qu'on est là, à côté des médecins du travail, et qu'on dispose de nombreux outils pour accompagner les entreprises ».

FABIAN CHARAFFI

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