Insuffler un nouvel état d'esprit
Avant de prendre à bras-le-corps le sujet et faire en sorte que le travail dans l'entreprise soit mieux vécu, quelques points clés et règles d'or pour commencer à cogiter.
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Les trois facteurs clés du bien-être
Ce sont le sens, l'autonomie et la reconnaissance. Donner du sens à l'entreprise est sans doute la priorité pour gérer les différentes catégories de personnel. « Comment fait-on pour que les gens se parlent ? A la fois dans l'intergénération et à la fois aussi entre services ? Pour cela, il faut fédérer autour d'un service environnement du travail », explique celui qui en est à la tête chez Limagrain. Ces entités que sont les services généraux, avec une connotation RH plus forte, permettent d'avoir une vue globale et ont pour objectif de lier les gens entre eux. Pour Laurent Legand, « l'écrit, les règles, c'est bien, mais ce qui est encore mieux, ce sont les valeurs. Contrairement à l'industrie, dans l'agriculture on est peu porté sur les objectifs, on n'a pas beaucoup de tableaux de bord, mais on a des valeurs qui sont très fortes. Donc l'apport de sens, je dirais qu'il existe presque par défaut ». Vanessa Mathieu met juste un bémol : « Dans le secteur, oui il y a des valeurs, on en met à tout bout de champ, mais on ne sait pas les définir et on n'a pas d'actions concrètes derrière. Je pense qu'on a un gros travail à faire sur nos valeurs pour que les TC se les approprient et que ce soit un véritable outil pour eux. » Quant à l'autonomie, si elle va de pair avec le métier de TC (ce qui contribue à leur satisfaction au travail), ce n'est pas forcément le cas pour d'autres catégories de personnel. Et Laurent Legand, au passé professionnel industriel, prévient : « Lorsqu'on doit faire du reporting sans arrêt, on n'est plus autonome. » Enfin, la reconnaissance permet d'avoir une identité, d'exister dans l'entreprise quand bien même les Français sont connus pour avoir un lien très affectif avec le travail.
Faire évoluer les mentalités des agriculteurs
Pour Vanessa Mathieu, « on ne pourra pas évoluer tant que la perception des agriculteurs ne changera pas ». Laurent Legand abonde : « Cette notion de bien-être au travail passera si c'est acquis par la tête pensante de l'entreprise, mais aussi par l'agriculteur. C'est qu'aujourd'hui, le directeur va prendre des décisions par rapport à son client, qui est l'agriculteur. Il peut y avoir une certaine pudeur à mettre des choses en place parce que l'on sait que ça sera mal vu par l'agriculteur. D'autant plus quand on est une coopérative. Mais on ne pourra pas bouger tant que l'agriculteur n'évoluera pas et vice versa. » Pierre Blondeau veut croire à l'éducation des agriculteurs sur le sujet « mais ça passera par le message que les dirigeants vont porter sur le terrain, pour essayer de réduire un peu cette frontière entre ceux qui bossent et ceux qui s'amusent ».
Un levier de performance tout simplement
« La qualité de vie au travail, ce n'est pas le Club Med, défend Vanessa Mathieu. C'est tout simplement un levier de motivation, de fidélisation, de productivité et donc de performance. La convivialité, les petits gestes et paroles au quotidien, l'écoute, ça ne coûte en effet pas très cher. Certes, c'est de l'attention, mais c'est le rôle du manager. » Christiane Belaubre se bat pour démystifier cette problématique : « Quand on parle aux dirigeants de souffrance au travail ou de bien-être au travail, je ne sais pas ce qu'ils s'imaginent, mais on a l'impression qu'on va tout casser, tout déstabiliser dans l'entreprise, qu'on va empêcher les gens de travailler. C'est trop tabou et pour des raisons idiotes, des clichés. Et je crois qu'on peut arriver à changer d'état d'esprit parce qu'on a des managers, aujourd'hui, qui sont dans des milieux très concurrencés, dans des périodes de crise, qui sont très sensibles aux résultats économiques et à la performance et il faut arriver à leur montrer que le bien-être au travail, c'est justement un facteur de performance économique, et que ça ne va pas contre la productivité de l'entreprise, ce n'est pas quelque chose qui empêche de travailler... Il faut le marteler aux dirigeants. » Et diffuser l'idée dans toutes les strates de l'entreprise. « Il faut communiquer massivement sur tous ces sujets-là, appuie Pierre Blondeau. Le bien-être au travail, ça paraît quelque chose de complètement nouveau pour plein de gens. » Mais il faut aussi arriver à le mesurer. « C'est juste qu'il faut des indicateurs. »
Les indicateurs du mal-être
Si vous vous sentez désarmé pour suivre le mal-être des collaborateurs dans l'entreprise, plusieurs indicateurs sont employables pour en avoir une idée générale : le nombre d'accidents du travail, le taux d'absentéisme, le taux de troubles musculo-squelettiques ou psychiques, les arrêts de travail, le nombre de démissions ou de départs négociés, les pannes de matériel... Ce sont là des indicateurs généraux, chiffrés. Karine de Guillebon reste néanmoins convaincue que « les meilleurs indicateurs de situation de mal-être ou de souffrance au travail sont informels et passent par les managers de proximité, qui sont en contact direct, chaque jour, avec leurs collaborateurs. Ce sont donc bien eux qui peuvent noter des changements d'humeur ou d'attitude à même de les alerter sur un possible mal-être. Car, avant de parler de souffrance, il y a d'abord un mal-être qui s'installe et qui est visible et détectable par un manager de proximité, un minimum à l'écoute de ses collaborateurs et sensibilisé à cette question ».
Des interlocuteurs vers qui se tourner
« Si j'étais un jour en situation de souffrance, je me tournerais directement vers la DRH ou le directeur », note le TC Pierre Chavallard. Pourtant, de nombreuses instances existent pour recueillir les doléances des salariés : les délégués du personnel, les délégués syndicaux, le CE et le CHSCT. Selon Agathe Cos, « le CHSCT prend de plus en plus d'ampleur, car on n'est pas dans des rapports de force subjectifs, la direction et les salariés peuvent trouver un terrain d'entente. C'est un vrai facteur de dialogue social ». Laurent Legand est d'accord : « C'est à mon sens l'un des deux vecteurs pour faire remonter le mal-être. Et il y a la MSA qui est aussi un vecteur important. Les préventeurs, et surtout les médecins du travail, nous font remonter des problématiques. » « On doit être partenaire des médecins du travail, mais si la plupart des difficultés sont remontées par le médecin du travail, c'est qu'à un moment donné j'aurai échoué », conteste la DRH Vanessa Mathieu. « Et pourtant les services RH sont trop souvent des services de paye, plus que des services traitant l'humain », regrette Pierre Blondeau. « Quand on m'a recrutée, on ne savait pas ce qu'était une DRH parce que la personne précédente faisait les payes et la gestion, confirme Vanessa Mathieu. Mais notre rôle, c'est quand même d'être proche des managers pour être au courant des situations. »
Ce n'est pas une question de taille
« Le bien-être au travail, ce sont des petites actions au quotidien, des choses concrètes, il faut parler avec les gens, reprend Laure Schohn. Chez nous, il y a eu un grand débat sur le café. Comment faire pour que tout le monde en ait, même les TC quand ils passent ? Bref, ce n'est qu'un exemple, mais on s'est rendu compte que le bien-être au travail est un vrai sujet. Et même si on n'a pas forcément la taille critique pour avoir une personne dédiée, on a fait l'effort d'embaucher récemment une DRH pour s'en occuper. » « Quand on est une grosse structure, ce n'est pas forcément plus facile, intervient Agathe Cos. Parce qu'il faut concrétiser les choses et cela signifie qu'il faut être sur le terrain. Et moi, je m'occupe de 200 techniciens. » Grandes ou petites, toutes les structures rencontreront des difficultés, mais toutes peuvent agir à leur niveau. Pour le mot de la fin, Pascal Brachet aura sans doute trouvé le slogan idéal : « On dit que la sécurité, c'est l'affaire de tous, et peut-être que le bien-être aussi, c'est l'affaire de tous ! »
« Le bien-être au travail, c'est un levier de motivation, de fidélisation, de productivité et donc de performance. »
FABIAN CHARAFFI
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