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A la distribution traditionn elle de se réinventer

ARNAUD CHAPUIS

De la politique commerciale aux missions des équipes terrain, les coopératives et les négoces vont devoir intégrer les évolutions du marché.

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« Mine de rien, les acteurs sur internet, ils mettent la pression sur les autres acteurs », résumait Thierry Desforges, agriculteur, lors de nos Rencontres. Et ce, quel que soit le développement des plateformes en ligne, plafond de verre ou non. Que faire ? « L'arrivée de structures d'e-commerce vient bouleverser le modèle établi, reconnaît Jean-Guy Valette, du Naca. Il n'est pas question de ne pas prendre en compte ce qui se passe. » Adeline Coustenoble, chez Valfrance, voit le côté positif : ces start-up sont un « moteur d'innovation ». Elle a rédigé une thèse, financée par sa coopérative, dont le titre, judicieusement choisi, est assez explicite : « Guide de survie des entreprises traditionnelles dans un monde de plateformes ». Parmi les pistes qu'elle évoque, celle de la nécessité de « concilier le réseau de distribution physique et le digital », en expliquant que « le digital ne sert pas qu'au e-commerce ». Le digital est un moyen, pas une fin. « La clé, c'est l'agilité, en se disant, je vais utiliser tous les outils du digital. Après tout, ce ne sont que des outils. Ce n'est pas une fin en soi », analyse Marine Pouyat, consultante. Il ne faut pas perdre de vue les fondamentaux : comme le dit Paolin Pascot ci-dessous, ceux qui prendront les parts de marché seront ceux qui répondront aux besoins des agriculteurs.

Reste qu'à nouveaux outils, nouveaux codes : parmi eux, l'importance de la transparence. Marine Pouyat développe : « Il n'y a qu'une seule forme de commerce. Sauf qu'il y en a qui utilisent les codes du digital et d'autres non. Pour moi, ceux-là, ils sont morts. Dans ces codes, il y a la transparence. C'est fondamental. Peut-être que vous l'aviez déjà dans vos entreprises, mais si vous ne l'adoptez pas de la manière codifiée digitale, vous ne l'avez pas réellement, parce que le digital, c'est la société d'information. N'importe qui peut y accéder partout et tout le temps. » « La nature du service recherché n'est pas forcément une nature d'e-commerce, mais c'est une nature de recherche de transparence et d'informations complémentaires non biaisées. C'est ça que peut apporter l'e-commerce, sans forcément être du marchand », appuie Eric Seban, d'InVivo.

Valoriser l'atout TC

Dans ce nouvel écosystème, que deviennent les technico-commerciaux. « On a de nombreux atouts, que ce soit le réseau physique, ou la compétence de nos techniciens. Aujourd'hui, il faut voir comment le digital peut compléter ces vrais atouts, pose Adeline Coustenoble. Et je pense que c'est là-dessus qu'on va être pertinents, par rapport à des nouveaux entrants qui, au final, ont bondi sur des faiblesses ou des failles dans nos métiers. Il faut qu'on réfléchisse à comment on peut arriver à utiliser le digital dans le bon sens avec nos propres forces. » Même réflexion chez Eric Seban : « Cela nous oblige à repenser notre offre de services. Dans la manière dont on aborde le métier de technico-commercial. Quel est le type de profil qu'il doit avoir ? Est-ce qu'il est généraliste ? Est-ce qu'il est spécialiste ? Quels types de service à valeur ajoutée ? » Ou encore côté fournisseur, comme le dit Audric Chauveau : « Vous avez la clientèle, ils ont confiance en vous. Est-ce que les TC n'ont pas mieux à faire que de vendre une solution azotée sur laquelle il n'y a rien à apporter ? Pourquoi vous, coopératives, vous ne pourriez pas aussi commercialiser les engrais en direct ? Depuis tout à l'heure, dans les freins, on a vu le fait qu'on ne connaisse pas le vendeur, ou encore la problématique de facturation. Or, l'agriculteur qui n'a pas de carte bleue, s'il est déjà connu à la coopérative, potentiellement, il pourrait valider une commande en ligne sans avoir ce problème de facturation. » Les TC pourraient ainsi dégager du temps pour travailler sur des produits plus techniques, comme les engrais foliaires. Yara avance petit à petit sur le sujet. Pas question de vendre en direct, mais pour sa gamme d'outils-services (N-Tester, etc.), la firme a mis en place la possibilité de payer sur internet, en remplacement du formulaire papier et du chèque envoyés par La Poste. Les plateformes en ligne présentent pour les fournisseurs un intérêt non négligeable : elles multiplient l'accès à leurs produits. « On a une chance fantastique, c'est que nos produits sont disponibles sur ces plateformes sans que l'on ait forcément besoin de travailler en direct avec elles, donc notre problème principal est résolu », résume Audric Chauveau, mettant ainsi sur le tapis une épineuse question.

Honteuse collaboration

Les coopératives et négoces qui vendent sur les sites comme Agriconomie restent dans l'ombre. Dire qu'ils ne s'en vantent pas est un doux euphémisme... « Notre plus grand fournisseur, c'est un acteur de la coopération », fait part Paolin Pascot. Même si pour Eric Seban, les comportements évoluent : « Le regard a changé, ce n'est plus honteux de travailler avec Agriconomie. » Cela dit, les coopératives ou négoces ne se sont pas bousculés au portillon pour venir témoigner aux Rencontres. Il faut dire que pour les premières, la vente à l'échelle nationale se heurte à la valeur forte qu'est la territorialité dans la coopération. Pourtant, pour les distributeurs traditionnels, travailler avec ces nouvelles plateformes, que ce soit pour l'appro, le conseil ou la commercialisation peut être intéressant, et les start-up y sont plutôt ouvertes. Alors, concurrents ou partenaires ? « Il va falloir coconstruire », répondent de concert Paolin Pascot et Pierre-Antoine Foreau. Jean-Guy Valette, lui aussi, est assez d'accord : « Chacun ici et là est capable, je l'ai dit et je le redis, de s'adapter et de se remettre en cause et peut-être demain de coconstruire, en se mettant autour d'une table, sans volonté hégémonique de part et d'autre. » La distribution agricole traditionnelle a encore des cartes à jouer. « Ce que propose Pierre-Antoine et Paolin, c'est-à-dire le meilleur service pour l'agriculteur, je pense que les acteurs traditionnels que sont les négoces et les coopératives sont les mieux à même pour répondre à cela. Mais il va falloir être intelligents, agiles, rapides. Il va falloir s'associer et collaborer ou construire un certain nombre de solutions », affirme Eric Seban.

ARNAUD CHAPUIS

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