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Dans les méandres de la rémunération carbone

Réduire les émissions de gaz à effet de serre et contribuer au stockage du carbone, tels sont les leviers à disposition des acteurs agricoles pour participer à l’atteinte de la neutralité carbone, fixée par l’Union européenne pour 2050. Dans le secteur de l’appro-collecte, coopératives et négoces se mobilisent et multiplient les projets pour accompagner techniquement et économiquement leurs producteurs dans cette transition. Mais qui paiera la facture ?

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L’Accord de Paris, approuvé en 2015, fixe pour 2050 l’atteinte de la neutralité carbone. De son côté, la loi climat européenne entend réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, par rapport à 1990.

En France, ces ambitions se traduisent par le déploiement, dès 2015, de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Révisée tous les cinq ans, la SNBC est en cours d’actualisation. Sa troisième version prévoit le rehaussement de l’objectif de réduction des émissions brutes nationales de - 40 à - 50 %, d’ici 2030 par rapport à 1990. Ce qui suppose une réduction annuelle de 5 % entre 2022 et 2030, contre 2 % en moyenne entre 2017 et 2022.

Cinq leviers en grandes cultures

L’agriculture disposera pour la période 2024-2028 d’un plafond d’émissions fixé à 70 Mt équivalent CO2 par an, lequel descendra à 65 Mt pour 2029-2033.

Le secteur émet aujourd’hui 74 Mt éq CO2 par an, soit 19 % des émissions brutes nationales. 59 % sont liées à l’élevage, 26 % aux cultures et 14 % aux engins agricoles. 63 % des émissions sont émises directement (85 % par les rejets de N2O, 15 % par la combustion d’énergie), le reste indirectement (fabrication d’engrais et d’énergie).

L’exercice de modélisation de la SNBC permet à ce stade d’atteindre 67 Mt éq CO2 à l’horizon 2030. « Si, techniquement, ces objectifs sont atteignables, ils ne sont pas neutres économiquement pour les producteurs, et les difficultés ou opportunités dépendent des contextes de production », souligne Anthony Uijttewaal, chef du service agronomie, économie et environnement chez Arvalis.

Dans le cadre de la loi Climat et résilience, une feuille de route de décarbonation pour les cultures a été établie par Intercéréales, les instituts techniques (Terres Inovia, Arvalis, ITB), les associations spécialisées grandes cultures de la FNSEA et le cabinet Agrosolutions. Cinq catégories de leviers ont été identifiées. « D’un côté, des progrès variétaux, agronomiques (légumineuses, cultures à bas niveaux d’intrants, couverts végétaux, haies) et sur la fertilisation (pilotage, enfouissement, inhibition, substitution des formes d’azote) sont attendus pour réduire la volatilité du protoxyde d’azote et les quantités émises, précise Benjamin Lammert, président de la Fop et de Terres Univia. De l’autre, une diminution des émissions de CO2 par la réduction de la consommation d’énergies fossiles et leur substitution par des bioénergies. »

Des freins technico-économiques

Seulement, « aujourd’hui, l’agriculteur porte à lui seul une grande partie du risque associé à la transition », complète Carole Le Jeune, responsable carbone à La Coopération agricole. En effet, si 86 % des agriculteurs français sont déjà engagés dans la transition, la majorité d’entre eux soulignent un manque de moyens techniques et économiques ainsi que l’absence d’un cap politique clair (lire ci-dessous).

C’est pourquoi coopératives et négoces se mobilisent. Pour cela, ils utilisent deux leviers à leur disposition : le label bas-carbone, qui assure un complément de revenu pendant cinq ans grâce à la vente de crédits carbone générés par le projet labellisé, ou la prime filière qui récompense la performance des pratiques à l’échelle d’une culture. Les contrats filières sont aujourd’hui plébiscités par les agro­-industriels pour décarboner leurs émissions indirectes (Scope 3), à l’image du programme Transitions de Vivescia ou de celui d’Agrial et Savencia autour du lait bas-carbone.

« Cette transition ne sera pas possible sans revenu pour les agriculteurs, conclut Olivier Dauger, vice-président de l’AGPB. Ayons l’intelligence de réinventer des projets sur nos territoires et de relocaliser certains secteurs stratégiques. »

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