Login

Faire mieux connaître la filière

La filière a mis en place des essais sur les grandes variétés de blé et d'orge pour mettre en évidence les progrès réalisés en matière de recherche.

Les résultats du secteur semencier sont positifs pour 2022-2023. Mais face à la méfiance de la société civile et aux difficultés de recrutement, les acteurs de la filière multiplient les actions de communication sur leurs métiers et les enjeux.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

La campagne 2022-2023 s’est passée de façon satisfaisante pour les semenciers français. Les ventes de semences et plants ont fortement progressé par rapport à la campagne précédente selon les chiffres provisoires, au 9 novembre, de Semae. Toutes les espèces sont concernées, hormis les fourragères, les betteraves et les pommes de terre qui, elles, sont en recul. Le chiffre d’affaires est annoncé en hausse, à 4,27 Mds€. Selon l’interprofession des semences et plants, il est porté « par une importante hausse des prix, en particulier à l’export (croissance à deux chiffres pour certaines espèces), mais aussi pour les ventes en France pour lesquelles une mise à jour des prix de gros n’avait pas eu lieu depuis quelques années ».

Forte progression des exportations

Près de la moitié de ce chiffre d’affaires est réalisée par les exportations. Ces dernières progresseraient à nouveau pour atteindre un record absolu de 2,17 Mds€, notamment vers l’UE à 27 qui reste la première zone d’exportation (1,53 Md€ en 2022-2023 contre 1,35 la campagne précédente). « On progresse aussi sur le Proche et le Moyen-Orient, ainsi qu’au Maghreb », précise Nicolas Perrin, directeur des affaires internationales chez Semae. Pour lui, cette hausse est liée au fait que « les entreprises ont fait preuve d’agilité et de flexibilité pour chercher d’autres débouchés du fait de la guerre en Ukraine ». Quant aux importations, elles s’accroissent également, surtout vers les pays tiers (328 M€ en 2022-2023 contre 231 M€ la campagne précédente). La balance commerciale est ainsi annoncée en hausse de 8 % par rapport à 2021-2022, et se rapproche de 1,2 Md€.

Chiffres d’affaires confortés

Ces bons résultats se retrouvent dans les comptes des entreprises semencières. La plupart ont vu leur chiffre d’affaires se conforter (lire pp. 34-35). Toutefois, la hiérarchie n’a pas évolué et Limagrain reste en tête du classement en France avec un chiffre d’affaires annoncé à 292 M€ sur l’exercice 2022-2023 contre 216 en 2021-2022. Le groupe a par ailleurs repris cet été la totalité du capital coté en Bourse de Vilmorin & Cie. Cette structure regroupe les activités semences de Limagrain, dont ce dernier détenait déjà 71,22 %. Une façon pour l’entreprise auvergnate de « retrouver une plus grande liberté dans ses choix stratégiques ». Les dirigeants du groupe français reconnaissent que « le métier de semencier, avec ses cycles de sélection, s’inscrit dans un temps long qui ne correspond pas nécessairement au rythme des marchés boursiers ». Le classement sur le marché français ne reflète pas la hiérarchie mondiale. Alors qu’au niveau de l’Hexagone, trois groupes français se disputent les premières places, ce sont quatre groupes étrangers qui dominent à l’international : Bayer (Allemagne) arrive en tête, devant Corteva Agriscience (États-Unis), Syngenta (Chine) et BASF (Allemagne), selon des chiffres d’Unigrains publiés en novembre 2022. Le premier français est Limagrain, cette fois-ci en cinquième position.

Un effort de pédagogie

Si les résultats économiques des entreprises semencières sont positifs, la défiance du grand public envers l’agriculture ne recule pas, au contraire. Dans ce contexte, la filière entend être plus audible. « L’enjeu est de faire passer le message aux politiques, et à la société dans son ensemble, que la filière française joue un rôle majeur et stratégique pour la balance commerciale, la souveraineté alimentaire et la transition agroécologique, tant au niveau de la sélection variétale que de la production de semences », insiste Didier Nury, ancien président de l’Union française des semenciers (UFS). Ce dernier a été remplacé le 7 novembre par Olivier Paul, DG de Lidea. « Notre secteur est très mal connu dans le monde public, poursuit Didier Nury. Mais il y a une grande évolution de ce côté-là : la filière elle-même fait un effort de pédagogie depuis deux à trois ans pour communiquer et cela commence à payer. Des évènements ont mis la filière semences en avant, comme le conflit russo-ukrainien et les évolutions climatiques qui se sont accélérées ces deux dernières années. » Aujourd’hui, il observe davantage d’écoute. « Les sollicitations de la presse que nous avons désormais sortent du cadre agricole, alors qu’il y a un an ce n’était pas le cas. » Pour Didier Nury, « il faut apprendre à parler de nos métiers dans des termes plus simples qu’auparavant, sans être en situation défensive face aux attaques. Cela passe par une adaptation du discours, à des prises de contact pour se faire connaître des parlementaires, des décideurs locaux. Beaucoup découvrent la filière, mais ils ressortent de nos rendez-vous avec une vision totalement différente, ce qui permet de supprimer toutes les idées préconçues. C’est un très gros pas en avant et une source de satisfaction importante. »

L’innovation, 13 % du chiffre d’affaires

Didier Nury insiste par ailleurs sur la nécessité de préserver le soutien à la recherche et à la sélection, via notamment le crédit impôt recherche pour les établissements de sélection. « C’est clairement un outil d’accélération de l’effort de recherche. » Le maintien de ce crédit d’impôt est en cours de discussion dans le cadre du projet de loi de finances 2024. Il rappelle qu’en moyenne 13 % du chiffre d’affaires des semenciers sont consacrés à l’innovation, avec des variations par espèces et par établissements. « Nos entreprises maintiennent l’effort de recherche et ont besoin d’être soutenues par les politiques publiques pour aller vers une agriculture plus vertueuse et plus résiliente par rapport au changement climatique.

Le défi du recrutement

Autre enjeu de la filière : maintenir l’attractivité de la production de semences (lire pp. 28-29). Didier Nury plaide pour une contractualisation annuelle au même titre qu’un accompagnement technique et la mise en place de mécanismes amortisseurs de fluctuation. Les semenciers doivent par ailleurs faire face aux difficultés de recrutement. Sur les 17 000 emplois dans les entreprises semencières et de distribution de semences, majoritairement en zone rurale, « entre 10 et 20 % des postes mériteraient d’être renforcés au moment du pic d’activité, en été, pour accompagner les agriculteurs, puis à partir de septembre-octobre pour les récoltes d’automne », détaille l’ancien président de l’UFS. Les raisons sont multiples, mais cela est principalement dû, là encore, au manque de connaissance du secteur des semences par la société civile. Les entreprises travaillent cette attractivité en intervenant, par exemple, auprès d’établissements de formation. Pierre Pagès, président de Semae, insiste aussi : « Il faut être acteur de l’attractivité de nos métiers, avec notamment des actions ciblées, à destination des jeunes à travers les forums de métiers, les salons de l’emploi… Nos filières ne sont pas suffisamment connues dans les territoires. Nous avons pour cela mis en place des collectifs professionnels régionaux pour améliorer cette connaissance. »

Sommaire

Semences

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement