Un levier face au changement climatique
En tant que premier maillon de la chaîne, les semences se positionnent comme un levier fondamental pour répondre aux attentes sociétales dans un contexte de changement climatique. Encore faut-il faire émerger les bonnes variétés et les diversifier.
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Le changement climatique est une donnée prise en compte depuis plusieurs années par les semenciers. Les résistances au stress hydrique ou aux températures élevées font déjà partie des axes de sélection au même titre que le rendement ou la tolérance aux bioagresseurs. Mais pour certains, il faut aller encore plus loin. « Le changement climatique fait évoluer le système de la distribution française, observait Erwan Bougoüin, directeur commercial de Mas Seeds France, lors d’une conférence de presse, le 20 septembre, à Haut-Mauco (Landes). Aujourd’hui, les attentes ont changé, il faut garantir un rendement en prenant en compte différentes contraintes. On parle désormais de la régularité des variétés. »
Prioriser les actions
« Nous sommes, pour les céréales notamment, dans un vrai changement de paradigme », a prévenu de son côté Laurent Guerreiro, président du directoire du groupe RAGT lors de la convention de la meunerie française, le 16 juin dernier. Selon lui, le système d’inscription actuel ne permet pas l’émergence de blés ayant des caractéristiques d’adaptation intéressantes. « Aujourd’hui, les variétés sont construites sur un pilier “rendement-résistance maladies-qualité nutritionnelle”. Mais, sans oublier ces critères, on ne peut pas aujourd’hui minorer l’adaptation au changement climatique, la stabilité de ces variétés », développe-t-il.
Pour trouver le bon équilibre, il est nécessaire selon lui de discuter avec tous les maillons de la filière « pour voir quels sont les paramètres sur lesquels nous pouvons décider collectivement un abaissement du niveau d’exigence. Il faut, par exemple, accepter que le rendement stagne pour pouvoir travailler davantage la tolérance au chaud », argumente Laurent Guerreiro. C’est une question d’équation : si on ne fige pas un paramètre, on ne peut pas faire de progrès sur d’autres. Le nombre de cibles est vaste, il faut les prioriser et accepter l’impact sur d’autres critères. Cela a été compris pour le maïs : sans dégrader la tenue de tige et la qualité d’ensilage, on peut avoir des variétés plus adaptées au changement climatique. « Il faut arriver à le faire comprendre pour le blé, avec les meuniers, par rapport à la teneur en protéines », poursuit-il.
Critères d’inscription
« La section maïs du CTPS est la première qui va bouger, annonce Laurent Guerreiro. Car c’est une culture qui est pointée du doigt à cause de l’irrigation. Mais au fur et à mesure, toutes les espèces vont être concernées. » Des discussions sont en cours pour le maïs entre le Geves (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences), Arvalis et les obtenteurs afin de définir les modalités d’intégration des critères de tolérance au changement climatique. Ainsi, les sélectionneurs poussent pour que leurs essais soient aussi pris en compte lors de l’inscription. « Nous sommes en train de réfléchir à introduire des essais en situation de stress dans les stations de sélection, contrôlés par le Geves, avec les mêmes témoins que ceux retenus par le CTPS », explique-t-il.
Dans son rapport « Quelles variétés pour l’agroécologie », paru l’an dernier, le CTPS avait déjà souligné la nécessité de faire évoluer les réseaux d’essais et les dispositifs pour considérer davantage de services, de milieux et de pratiques agricoles. « L’évaluation des variétés reposera alors sur une combinaison d’essais au champ, dont certains en agroécologie visant à caractériser l’adaptation des variétés à différents systèmes de cultures, et d’essais en conditions contrôlées dédiés à l’étude de caractéristiques d’intérêt (allélopathie, résistance à des stress biotiques ou abiotiques…) », avait souligné le CTPS.
19,5 % de mélanges en blé tendre
Mais la génétique ne pourra pas tout faire. La lutte contre le réchauffement climatique passe aussi, par exemple, par des techniques culturales adaptées et les mélanges variétaux. Ces derniers sont connus pour être plus résilients et plus facilement adaptables. Ils permettent aussi de diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires. De plus en plus d’agriculteurs ont recours à des mix de variétés de la même espèce dans un champ, essentiellement les utilisateurs de semences fermières, mais cela progresse aussi pour les semences certifiées. En 2023, cette pratique a représenté, selon Arvalis, 19,5 % des surfaces de blé tendre (+ 2 points par rapport à la campagne précédente). En surfaces emblavées, ces mélanges intraspécifiques se trouvent devant la première variété semée en pure au niveau national. En blé dur, les mélanges de variétés représentent 6,3 % (+ 1,9 point par rapport en 2022), et pour les orges, 5,8 %. Les mélanges prêts à l’emploi ont aussi vu le jour en maïs, mais les surfaces concernées sont plus faibles qu’en céréales.
Les mélanges interspécifiques (plusieurs espèces dans la même parcelle) couvrent, quant à eux, 1,3 % de la sole en blé tendre, en association avec de la féverole, du pois, de la vesce, de la luzerne ou des mélanges de ces espèces. Pour le blé dur, ce chiffre est de 0,9 % (luzerne ou lentille) et de 1,6 % pour les orges. La céréale est souvent majoritaire.
Plantes de services
Les sélectionneurs travaillent beaucoup sur les associations variétales, certains avec des programmes de sélection qui cocultivent le blé et un couvert végétal, par exemple du trèfle ou de la vesce. Objectif : trouver la meilleure combinaison dès le début de la sélection. Les semenciers proposent aussi un grand éventail de Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique) et de plantes de services (cultivées en même temps que la culture de rente) : des crucifères antinématodes, des radis ou des choux pour une meilleure structuration du sol, des méteils pour apporter de l’azote à la culture. Car parmi les innovations futures, Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture à l’Inrae, pointe la nécessité d’améliorer l’efficience azotée des plantes. « Le grand défi en agriculture n’est pas la problématique phytosanitaire, mais celle de l’azote », a-t-il expliqué lors d’une table ronde dédiée à la création variétale au service de la ferme en 2030, organisée le 2 février dernier par Semae et l’AGPB. Les couverts végétaux ne viendront par ailleurs plus d’une seule variété, « avec un seul génotype tel qu’on l’a développé les cinquante dernières années. Nous allons vers davantage de diversité au sein des couverts, avec des mélanges de variétés et d’espèces. »
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