Les organiques dans un entredeux
Les engrais et amendements issus de la valorisation de matières fertilisantes d’origine résiduaire sont présentés comme l’une des clés de la transition des pratiques agricoles. Il reste cependant du chemin à parcourir pour que ces matières prennent leur juste place.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Boucler le cycle des minéraux. Ceci pour sortir d’une économie linéaire des fertilisants et aboutir à une économie circulaire respectueuse des ressources. Telle est la grande promesse du développement de la fertilisation organique en plus d’œuvrer pour la transition des pratiques vers l’agroécologie. Les engrais organiques font en effet globalement bien plus que de nourrir une plante. Ils nourrissent le sol, améliorant ainsi sa structure et sa biologie et séquestrant du carbone. Cet intérêt n’est cependant toujours pas suffisant, semble-t-il, pour soutenir la demande en termes de volumes face aux turbulences du marché.
Baisse des volumes de 25 %
À périmètre constant, le chiffre d’affaires des adhérents de l’Afaïa (le syndicat professionnel des acteurs de la filière des supports de culture, paillages, amendements organiques, engrais organiques et organo-minéraux et biostimulants), a bondi de 25 % entre 2021 et 2022 pour les engrais organiques et de 21 % pour les amendements (composts). Cependant, les volumes ont dans le même temps baissé respectivement de 25 et 7 %. Les fabricants d’engrais organiques ont modifié leurs pratiques pour pouvoir faire face à la spirale inflationniste. « Ils ont réduit leurs coûts et ont adapté leur rythme de production. Les distances de transport ont aussi été bien souvent réduites », souligne Stéphanie Tiprez, la nouvelle directrice de l’Afaïa. Tout ceci a pu contribuer à rendre le marché des engrais organiques moins dynamique. Les épisodes de grippe aviaire ont également affecté l’offre en fientes de volaille. Or cette ressource est absolument centrale dans le secteur des fertilisants organiques.
Terrial numéro 1 du secteur
Une fois de plus, la situation semble rester schizophrénique pour ce marché qui bénéficie d’un contexte en apparence extrêmement favorable, mais dont le chemin semble toujours semé d’embûches. Ce contexte n’a toutefois pas empêché des notes d’espoir de s’exprimer en 2023 avec l’annonce de certains investissements, comme celui réalisé conjointement par Frayssinet et Agronutris à Rethel (Ardennes). Il s’agit de créer une usine et un laboratoire de R & D dédié à la valorisation de 16 000 t par an de frass à proximité directe de l’élevage d’insectes d’Agronutris. Frayssinet doit profiter de ce partenariat pour lancer une nouvelle gamme de fertilisants dédiée au Grand Est. Dans le même secteur, Afyren a lancé en 2023 la production de ses premiers lots autour de la valorisation par fermentation des coproduits de la betterave sucrière dans son usine Afyren Neoxy, à Saint-Avold (Moselle).
Logiquement, les trois principaux acteurs du secteur progressent en valeur. Depuis son rachat d’Amendis l’an dernier, Terrial s’est installé en numéro 1 de la fertilisation organique avec 54 M€ de CA en 2022, suivi par Frayssinet (52 M€) et Angibaud (46 M€).
Gagner en précision
La tendance pour l’application des engrais organiques est de gagner en technicité et en précision pour améliorer leur niveau d’efficacité et limiter également les pertes dans l’environnement. Les digestats de méthaniseurs sont également pointés du doigt pour leur forte teneur en azote ammoniacal et leur teneur appauvrie en carbone. La combinaison de ces deux caractères pourrait dégrader les sols. Même si la question n’est pas tranchée, des initiatives émergent déjà pour faire évoluer le profil et la dynamique de l’azote au sein de ces produits organiques, à l’image de l’emploi des inhibiteurs employés pour améliorer l’efficience de la solution azotée ou de l’urée. Par exemple, Corteva Agriscience et Buisard Distribution vont déployer auprès de la distribution agricole, pour être vendu aux agriculteurs, aux Cuma et aux ETA, le dispositif Instinct Nitratop de stabilisation de l’azote du lisier ou du digestat. Il allie le produit stabilisateur d’azote de Corteva Agriscience, Instinct (et Instinct Max), à base de nitrapyrine (technologie Optinyte), et l’équipement Nitratop de Buisard (conçu à la demande de Corteva) qui, placé sur la tonne à lisier, permet, lors du remplissage de celle-ci, l’incorporation homogène de cet inhibiteur de nitrification dans le lisier ou le digestat.
Outre ces nouvelles technologies, les filières développent également des outils d’aide à la décision pour faciliter l’application de matières organiques. D’un point de vue réglementaire la Commission européenne tend à faire bouger quelques lignes également. Elle a soumis à consultation en octobre la possibilité d'utiliser du lisier transformé dans la formulation de fertilisants certifiés CE. Cette disposition est un levier pour faciliter les échanges au sein de l’Union.
Sommaire
Engrais
Pour accéder à l'ensembles nos offres :