La science se dépense pour les biostimulants
De nouveaux outils et de nouvelles connaissances en science du végétal et en microbiologie sont mis en application dans la conception des nouvelles générations de biostimulants. Ces dernières devront aussi être mieux positionnées dans les itinéraires techniques pour assurer un retour sur investissement maximum.
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Gel tardif, déficit hydrique, chaleur excessive… Les effets des facteurs limitants du rendement des cultures liés aux stress abiotiques se multiplient sur fond de dérèglement climatique. Et il est plus que jamais besoin de les déplafonner, sachant que les itinéraires techniques classiques sont mal outillés pour déverrouiller ces sources de stress pénalisantes. Ceci d’autant plus que le recours aux intrants comme l’irrigation, les protections phytopharmaceutiques et les engrais sont de plus en plus limités par la réglementation ou par leur coût. Dans ce contexte, les biostimulants sont une source d’espoir pour permettre de mieux répondre à ces stress abiotiques et optimiser des itinéraires techniques dont les performances sont mises à mal par ailleurs.
Un marché de près de 70 M€ en France
« L’approche combinatoire, intégrant tous les aspects de la protection des plantes, s’affirme », confirme cette année Phyteis. La fédération des acteurs de la protection phytosanitaire ajoute que les ventes de biostimulants de la part de ses adhérents se sont établies à 41 M€ en 2022. « C’est plus de la moitié du marché des biostimulants homologués, estimé à près de 70 M€ en France », insiste la fédération. Ces chiffres montrent également toute l’importance qu’a prise l’industrie phytopharmaceutique sur ce segment de marché. Ce qui est plutôt bon signe en matière d’innovation, du fait que ces entreprises ont une culture marquée en recherche et développement.
Les premières générations de biostimulants ont exploré de façon empirique le potentiel de composés comme les extraits d’algues, les acides humiques, les acides aminés, certaines vitamines, bactéries ou champignons. Les nouvelles générations de biostimulants ne font pas table rase de ces « vieilles recettes ». Cependant leur formulation s’appuie sur les connaissances du fonctionnement des systèmes physiologiques du végétal et de la science des sols pour activer de façon plus consciente des fonctionnalités biologiques précises. Ces générations profitent entre autres de l’explosion du potentiel de recherche en matière de génétique végétale, de métabolomique, de métagénomique et de techniques d’analyses dont la précision et l’accroissement des cadences ont offert des potentialités nouvelles. La recherche sur les microbiotes (communautés microbiennes des sols, des semences, des racines, des feuilles, etc.), les sols, la neurobiologie végétale et les sciences de l’évolution des écosystèmes appliquées à l’agriculture sont autant de domaines d’études en bourgeonnement qui pourraient ouvrir la voie à des applications prometteuses.
Combiner les propriétés
Dans ce contexte, les fabricants ont détecté un potentiel d’innovation en matière de biostimulants par itération, c’est-à-dire par l’ajout de technologies à ce qui existe déjà. « Le potentiel commercial et agronomique lié au lancement de produits qui contiennent des familles uniques d’ingrédients comme les algues, les acides humiques ou les acides aminés, formulés séparément, nous semble limité. Aujourd’hui, nous misons beaucoup plus sur des solutions qui consistent à combiner les différentes familles. Cette approche nous permettra d’aller beaucoup plus loin », anticipe Jean-Paul Labat, directeur de DF Blue Agro, fabricant et fournisseur de solutions de nutrition dans le sud-ouest de la France. Ce dernier y a investi 1 M€ en 2022 dans un nouveau laboratoire de recherche et développement ayant pour vocation première de produire de nouvelles générations de biostimulants et des engrais de spécialité.
De nombreuses sociétés misent ainsi désormais sur les synergies et formulations combinées. Par exemple, le fabricant Compo expert a lancé cette année son produit Basfoliar Spyra SL qui contient un grand nombre de composants naturels complexés. Cette formulation « permet de lutter efficacement contre les désordres physiologiques accentués par les stress abiotiques », promet le fabricant.
Le néerlandais Van Iperen et son partenaire LandLab ont mis en lumière un programme dédié de recherche de biostimulants à base de plantes qui a reçu le prix européen EU Life Award 2023. Baptisé Plants for plants, ce projet a visé à l’amélioration de l’absorption de l’eau et du phosphore par les plantes, et la stimulation de leurs défenses. « Nous commençons par identifier un manque dans une culture. Nous recherchons ensuite d’autres espèces végétales qui ont déjà acquis les propriétés recherchées. Puis nous élaborons un extrait spécifique et l’appliquons à la culture cible dans le cadre de programmes de fertilisation », explique le président de Landlab, Adriano Altissimo.
Changement d’échelle
Les biostimulants sont parfois perçus comme la pierre philosophale, capable de transformer des coproduits le plus souvent organiques en produits à très forte valeur ajoutée au service des cultures. Avec le changement d’échelle du marché des biostimulants et ses flamboyantes perspectives de croissance, de nombreux professionnels tentent en effet de creuser cette piste d’innovation, parfois avec succès. L’entreprise française Toopi a ainsi annoncé à la rentrée avoir levé 16 M€ pour industrialiser son procédé de production de biostimulants cultivés sur substrat d’urine humaine (lire encadré). La société Veragrow s’est de son côté rapprochée de NatUp cette année pour pouvoir tester les biostimulants qu’elle commercialise à base de lombricompost. D’autres initiatives visent, par exemple, à trouver des valorisations sous forme de biostimulants pour les extraits de substrats issus de champignonnières, pour les coproduits issus de l’aquaculture, des abattoirs, etc. Dans l’Indre, le négoce Dupré-Lardeau a communiqué cette année à propos de ses démarches de revitalisation des sols à base de litière forestière fermentée (Lifofer), via un groupe pionnier d’une dizaine d’agriculteurs. Produit directement à la ferme avec une part de son de blé et de mélasse, ce biostimulant revisite des techniques ancestrales de fertilisation. Le bois et les coproduits du bois font l’objet de développements abondants via la production d’extraits ou de biochar. Le biochar de Terra Fertilis a ainsi reçu une autorisation de mise sur le marché de l’Anses pour un usage de biostimulant.
La tendance de valorisation des coproduits en biostimulants est une tendance lourde qui se nourrit des engagements des entreprises et des filières en faveur de l’économie circulaire. Elle prend ses racines également dans les politiques de RSE et les contraintes réglementaires liées à la responsabilité élargie des producteurs de déchets. Tout l’enjeu de ces filières de valorisation des coproduits est de parvenir à coupler à leurs productions d’extraits ou de macérations, les connaissances et techniques modernes en matière de physiologie végétale, ou de technologie d’extraction, pour créer une vraie valeur ajoutée. Le risque de ces filières est en effet de pousser un produit alors que le marché des biostimulants se professionnalise et que la demande va vers des applications précises et pointues.
L’apport de la génomique
S’il est un domaine des sciences qui a fait des progrès considérables ces dernières années, c’est bien celui de la génétique. Et ses applications sont prometteuses dans le domaine des biostimulants. La métagénomique qui consiste à étudier l’ADN libre dans l’environnement accélère ainsi considérablement la connaissance des microbiotes des sols et des plantes, sachant que seul 1 % de la microbiologie des sols est connue. La découverte de fonctionnalités ou d’interactions intéressantes pour les cultures est potentiellement considérable et porteuse d’innovation en biostimulants.
La génomique est également utilisée dans le domaine des biostimulants pour détecter l’impact de l’application d’un produit dans l’expression de certains gènes, par exemple. La métabolomique apporte quant à elle des informations sur l’impact réel sur le métabolisme. Ces deux sciences aboutissent aujourd’hui à pouvoir produire des biostimulants dont les effets sur le génome ou le métabolome sont démontrés. C’est le cas d’un produit comme le Genaktis, lancé par Timac Agro l’an passé.
« Biostimulant Ready »
La génétique apporte aussi des espoirs dans le domaine des biostimulants du côté de la recherche variétale, afin d’aboutir à des cultivars capables d’exprimer une réponse positive au produit. L’influence de la génétique dans la composition microbienne autour des racines a en effet été bien documentée par l’Inrae (Des gènes au microbiote des plantes, juillet 2022). Par exemple, l’efficacité de l’apport d’une souche de champignon mycorhizien dépend de la capacité de la variété à mycorhizer de façon plus ou moins rapide ou abondante. Des équipes de chercheurs en génomique envisagent déjà dans certaines régions du monde de créer des OGM de plantes capables de répondre à une application de biostimulants. Il s’agirait de variétés « Biostimulant Ready », qui seraient de facto « prêtes » à activer une réponse à l’application d’un biostimulant, à l’image des OGM « Roundup Ready » qui sont « prêts » à l’application du désherbant.
Dans une zone comme l’Union européenne, l’arrivée de ces technologies peut sembler illusoire. Cependant, l’idée de sélectionner des variétés plus sensibles à certaines formes de biostimulants par sélection classique reste intéressante. Le rapport « Quelles variétés pour l’agroécologie ? », publié en 2021 par le Comité technique permanent de la sélection (CTPS), souligne la nécessité d’adapter les modèles classiques de sélection variétale pour produire des variétés adaptées aux pratiques de l’agroécologie.
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