Les infrastructures, un maillon stratégique
Le plan national Infrastructures 2030 vise à moderniser les installations de stockage des grains dans un objectif de regain de compétitivité pour les organismes stockeurs.
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Face à la multiplication des débouchés, à l’évolution des contraintes sanitaires ainsi qu’à l’augmentation des charges, les infrastructures de stockage des grains ne sont plus adaptées à la réalité de la collecte actuelle. Moderniser ces installations, stratégiques pour garantir la sécurité et la qualité des denrées agricoles, est devenu un enjeu national. C’est ainsi que le plan Infrastructures 2030 a vu le jour en juillet 2023. Piloté par La Coopération agricole Métiers du grain, il associe le négoce (NégoA), et aussi les pouvoirs publics, interprofessions (Intercéréales, Terres Univia), instituts (Terres Inovia, Arvalis), bureaux d’études, et établissements bancaires. La concertation de ces acteurs a abouti à un consensus autour de six axes stratégiques : la souveraineté alimentaire, la transition écologique, la rentabilité, la logistique, la qualité des grains ainsi que la fiabilité des infrastructures.
Faciliter les allotements
La souveraineté alimentaire sera permise par une meilleure planification de la collecte de demain. Le projet a alors établi les besoins en ingénierie des infrastructures existantes, selon leurs usages : type de stockage (tampon ou long terme), type de travail du grain, type de marché (export, filières).
« Notre état des lieux a mis en évidence que les silos de type béton, traditionnellement utilisés pour stocker de grandes capacités, ont tendance à être remplacés par des cellules rondes métalliques, présente Catherine Matt, directrice de LCA Métiers du grain. Ces cellules présentent plusieurs avantages, dont une plus grande facilité d’allotement. »
Le groupe Calipso (220 000 t/an, 20 sites) a, par exemple, choisi d’investir 4 M€ sur son site d’Oisemont (Somme) pour remplacer son silo en béton vétuste par trois cellules rondes métalliques, de 1 500 t chacune. « Sur ce site, le facteur limitant est la surface d’exploitation, précise Gauthier Duval, responsable marchés céréales et négoces. La mise au point de cellules verticales offre donc un bon compromis entre volume de stockage et conservation des grains. La présence de trois cellules facilitera la gestion des allotements. » Inauguré le 25 juin, ce nouvel outil sera géré par un seul opérateur. « Il a été équipé d’une fosse à haut débit pour limiter l’attente des agriculteurs au silo, ainsi que de boisseaux d’expédition pour un chargement plus rapide des camions », conclut Gauthier Duval.
Plus de rénovation, moins de construction
Pour assurer la transition écologique, « l’intégration de la fin de vie des silos doit se faire dès la conception de l’installation », précise Cécile Baschou, responsable technique et risques industriels à LCA Métiers du grain. L’étude a mis en évidence une accélération de la rénovation des sites, ces deux dernières décennies. Cette tendance s’accompagne d’une diminution significative de la construction de nouvelles infrastructures.
Dans une logique de rénovation, mais aussi d’accroissement de ses capacités de stockage, le groupe Terrena (2 Mt collectées avec la coopérative et les cinq négoces) a lancé, fin 2023, un plan de modernisation de ses silos. « Il représente 181 M€ d’investissement sur huit ans : ramené aux 100 M€ qu’on investit tous les ans, c’est ambitieux », soulignait, en juin 2024, son président, Olivier Chaillou. L’objectif est de rénover les outils existants, mais aussi de renforcer les capacités de stockage : dans le cadre du projet Terrena 2030, le groupe s’est donné des objectifs de gain de parts de marché en collecte. 300 000 t de stockage vont ainsi être créées ou rénovées sur des sites Terrena, et 100 000 t chez les adhérents.
Veiller à la bonne ventilation
De son côté, la coopérative Noriap (1,5 Mt/an, 160 sites) a classé la rénovation de ses sites selon leur importance stratégique. Les silos offrant la possibilité d’un export multimodal sont priorisés. « Tous les ans, un budget est alloué à la ventilation, souligne Geoffrey Saintyves, responsable infrastructures supply chain chez Noriap. Souvent sous-estimée lors de la construction des sites, la ventilation joue pourtant un rôle prépondérant dans la conservation des grains. Elle contribue activement à maintenir leur qualité sanitaire en limitant le développement d’insectes, tout en permettant de réaliser des économies d’énergie. Sa rénovation représente donc un levier stratégique pour améliorer à la fois la performance des installations et la durabilité des opérations. » Le plan Infrastructures 2030 a notamment estimé à 47 % la consommation électrique dédiée à la ventilation (4,5 TWh/t), ce qui en fait le poste le plus énergivore.
Pour s’assurer d’obtenir un grain de qualité, la coopérative Bonneval Beauce et Perche (425 000 t, 28 sites) a fait le choix d’investir près de 1 M€ dans ses systèmes de ventilation et l’achat de six groupes froids pour refroidir 60 % de ses capacités de stockage, dans les 90 jours suivant la moisson. « Leur mise en place a divisé par quatre notre consommation d’insecticides de stockage, et notre taux de refus chez Sénalia, au port de Rouen, est désormais trois fois inférieur à la moyenne », précise Guillaume Rivet, DG de la structure. L’utilisation de ces groupes froids se démocratise en raison d’une baisse du nombre de molécules à disposition des OS pour désinsectiser. « Il peut alors être nécessaire d’augmenter le nombre de cellules hôpital afin d’accueillir les lots contaminés, de les isoler et de les traiter », complète Cécile Baschou.
Enfin, l’allongement des durées de stockage dans les silos, dû à une diminution du stockage en propre par les acteurs de l’aval, « peut avoir des incidences sur la réalisation des points zéro et des nettoyages poussés en fin de campagne ». Pour toutes ces raisons, Jonathan Thevenet, directeur de l’organisme de formation Asfona, recommande d’investir dans la formation du personnel, « au niveau des bonnes pratiques de conservation : nettoyages poussés des installations par exemple » pour les nouveaux arrivés, mais aussi dans la recherche de performance auprès des salariés expérimentés. « Cela permet d’avoir des opérateurs capables de gérer les nouvelles technologies dans les silos et qui soient en mesure de faire face aux nouvelles problématiques qualité : analyse des lots dès la réception, isolement éventuel et traçabilité », souligne Jonathan Thevenet.
Créer des hubs logistiques
L’un des enjeux phares du plan Infrastructures 2030 concerne l’optimisation des flux logistiques. Afin d’éviter les goulots d’étranglement au niveau des infrastructures de stockage, la filière ambitionne la mise en place de hubs logistiques. Elle mise sur la concentration des efforts d’investissement sur les infrastructures de stockage performantes, la limitation des transports et l’optimisation de la valeur ajoutée sur les territoires.
Les OS doivent également s’adapter à la rapidité d’exécution de la moisson et pouvoir expédier plus rapidement vers l’aval. « Une réflexion est en cours sur la mise en place de plateformes d’attente mutualisées à la réception de la moisson pour réduire les durées de stockage, avant un transfert vers des silos plus spécifiques », poursuit Catherine Matt. « La rationalisation de notre outil de collecte est un axe important, abonde Matthieu Beyaert, responsable marché chez Noriap. La transformation de silos en plateformes d’attente permet de gagner en vitesse, en capacité, et évite d’entretenir des structures vieillissantes. » En plus d’absorber les cadences de plus en plus rapides à la moisson, cette solution faciliterait la gestion des allotements, dans un contexte où « les variétés, les qualités et les débouchés se multiplient », souligne Catherine Matt.
Un plan d’action pour fin 2026
Enfin, le nerf de la guerre reste bien sûr la rentabilité du modèle appro-collecte, qui « ne paye plus. Pour que l’activité soit viable, il faudrait retrouver une capacité d’autofinancement (Caf) d’au moins 10 €/t en moyenne », précise Catherine Matt. Pour y arriver, plusieurs pistes sont explorées : mutualisation, digitalisation, modernisation, accompagnement à la déconstruction…
« Nous irons bien sûr chercher du financement, qu’il relève de l’innovation, de l’accompagnement aux transitions comme l’appel à projets Résilience et capacités agroalimentaires 2030 de BPIfrance, de la digitalisation, de la qualité sanitaire, de la sécurité au travail, voire des aides à la déconstruction octroyées jusque-là aux sites industriels », conclut Catherine Matt.
D’ici à l’année prochaine, l’état des lieux du projet Infrastructures devrait être finalisé. Des mesures concrètes seront proposées aux entreprises avec l’élaboration d’un plan d’action d’ici à la fin 2026 ainsi qu’un scénario sur l’évolution des capacités de stockage à l’horizon 2040.
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