Le scope 3 aussi dans le viseur
La nutrition animale engage également le travail de décarbonation sur son scope 3, qui comprend son amont agricole et son aval élevage.
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En parallèle des efforts menés pour réduire leurs propres émissions, les entreprises de la nutrition animale s’attaquent aux émissions des scope 3 amont (approvisionnements de matières premières) et aval (élevage, voire produits animaux). Difficile en effet de s’arrêter aux scopes 1 et 2, surtout dans la perspective de la généralisation de l’édition des rapports extra-financiers et leur remise à plat des implications sociales, environnementales et sociétales des entreprises.
Le levier ingrédient
Pour l’amont, les trois grands axes sont de substituer les ingrédients à fort impact en GES, d’optimiser les ressources agricoles et d’améliorer les outils d’analyses de cycle de vie. La substitution des matières premières, en premier lieu le soja, restant le levier majeur à disposition des fabricants d’aliments. D’où l’importance du Manifeste des fabricants d’aliments pour le soja (charte d’engagement Duralim). Ils ont collectivement choisi une approche par palier afin d’atteindre, au 1er janvier 2025, 100 % de soja non déforestant sur la base du mass balance. Cela représente une économie d’environ 1,5 Mt d’équivalent CO2 par an. Les deux points intermédiaires de 50 % en 2023 et de 75 % en 2024 ont déjà été atteints. Restera à voir comment la transition va s’effectuer entre les engagements volontaires des acteurs économiques et le cadre réglementaire européen contre la déforestation importée qui impose une traçabilité à la parcelle à partir du 31 décembre 2025 après le report d’un an annoncé par la Commission européenne et validé par le Conseil de l’UE cet automne. La question de l’élargissement de cette réglementation à d’autres produits tels le maïs et la volaille reste également posée afin de réduire de nouvelles sources de distorsion de concurrence avec des pays comme le Brésil.
Dépendance à l’importation
La volonté de produire du soja local, trituré sur place, est accompagnée par le développement d’outils depuis cinq ans. Elle se heurte toutefois à la difficulté d’appropriation de la culture. Aujourd’hui, 88 % des tourteaux de soja consommés en France sont importés, le solde étant assuré par la trituration en France de graines françaises (3 %) et de graines d’importation (9 %). L’équilibre est nettement plus favorable pour le tourteau de colza (respectivement 42, 32 et 26 %). À noter que pour les trois céréales principales (blé, maïs, orge), l’origine France couvre 95 % des besoins.
La question de la dépendance aux produits d’importation ne porte pas uniquement sur les protéines : 80 % des approvisionnements européens en acides aminés et vitamines viennent de Chine, par exemple. Face à la flambée des prix de la vitamine E, les acteurs français veulent réagir. « Nous pouvons substituer au moins une partie des apports avec des produits naturels, ce qui permet de réduire le prix de la formule tout en conservant la fonction antioxydant », illustre Amélie Gavard, responsable de la formulation chez CCPA. Quant à Eurolysine, qui retrouve son nom après le rachat de Metex par le groupe Avril adossé à la BPI, elle participe aussi au maintien d’une certaine autonomie de la France et de l’UE dans le secteur des acides aminés qui, à leur tour, contribuent à la décarbonation de l’élevage en réduisant le recours aux protéines importées.
Mesurer, mesurer et encore mesurer
Car pour accompagner également la décarbonation de son aval, l’élevage, la nutrition animale s’attaque à trois dossiers : l’amélioration de la performance nutritionnelle, la réduction des rejets des animaux dans l’environnement et la gestion durable des emballages (lire ci-contre). « Une baisse de 0,1 point de l’indice de consommation permet de baisser d’environ 6 % l’empreinte carbone de la part alimentaire de l’élevage d’un poulet standard », chiffre par exemple Stéphane Landreau (LDC amont).
Afin d’avoir une lecture plus précise par élevage, Le Gouessant réalise depuis 2021 des diagnostics Cap’2ER niveau 2 dans les exploitations laitières. Le groupe coopératif accompagne ensuite les adhérents dans la mise en place d’un plan d’actions réalisable et économiquement cohérent, puis dans le suivi sur 3 à 5 ans. « Sur les 15 fermes auditées, 5 sont engagées dans la vente de crédit carbone », précise Sylvie Guitton, responsable du service environnement. En porc, l’outil GEEP propose aux éleveurs d’évaluer les performances environnementales de leur atelier. Depuis 2023, quatre diagnostics ont été réalisés. Parallèlement, la coopérative a été retenue dans le projet européen Climate Farm Demo : 5 fermes de son club Fermes 4 soleils, en volailles de chair, poulettes et pondeuses, sont accompagnées dans un parcours d’évolution des pratiques face au changement climatique et aux émissions de GES.
Chasseurs de méthane
Autre point clé : l’UE vise une réduction de 30 % des émissions de méthane entre 2020 et 2030. La R&D est mise à contribution, de la formulation des rations à certains apports spécifiques (lipides, tanins et saponines, algues, nitrates, huiles essentielles, additifs zootechniques…).
Dans l’Hexagone, le Challenge méthane, qui se donnait pour objectif d’économiser 250 t de méthane entérique en 2024, est en passe d’être atteint par le groupe des fabricants d’aliments engagés (Alicoop, Valorex, Chays, NatUp, Nealia, Novial, Oze, Scar, Tromelin, Unéal, Vauthier Sepac). Lors du Space, le compteur avait dépassé les 200 t économisées. Les entreprises s’appuient pour cela sur les graines de lin extrudées, mais aussi l’outil Visiolait d’analyse des matières grasses du lait et la démarche environnementale Eco-Méthane de Bleu-Blanc-Cœur. La SAS Apis-Gène, fondée en 2003 pour collecter des fonds et investir en recherche en génomique des ruminants, coordonne de son côté le projet Méthane 2030 avec l’Idele pour réduire de 30 % les émissions de méthane entérique dans les élevages bovins.
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Alimentation animale 2025
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