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Les OS encaissent le choc

Si Agribio Union a tenu à aller au bout de la construction de son silo de Roquelaure (Gers), certains projets sont revus à la baisse, voire remis en cause.

Passées d’un boom à une chute du marché, avec des investissements engagés, les entreprises s’organisent pour passer le cap. Les OS doivent gérer des cours plus volatils, et des stocks importants et persistants.

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Face à la crise, les agriculteurs bio sont en première ligne, et la pérennité de certaines fermes pourrait être remise en question. Mais les coopératives et négoces sont aussi touchés. Commercialement, la prise de risque est aujourd’hui exacerbée. Historiquement, les marchés bio étaient stables : les prix étaient construits à partir des coûts de production, et leur volatilité était limitée, rappelle Stéphane Vanrenterghem, avec 50 à 70 €/t de variation au maximum, ce qui limitait les risques pour toute la filière. Aujourd’hui, « le risque est de banaliser le bio par rapport au conventionnel pour les espèces en surplus, pointe le directeur d’Agribio Union. À court terme, temporairement, on ne peut plus garantir un prix en prime sur le conventionnel pour certaines espèces. À moyen terme, les prix devront obligatoirement à nouveau couvrir les coûts de production. » En Isère, Mélanie Jouve, responsable développement agriculture biologique à la Maison François Cholat, et responsable animation commerciale chez Aliments Marion, témoigne : « C’est difficile d’anticiper une telle baisse du marché alors qu’on a acheté, pour les négoces comme pour les agriculteurs, et il faut pouvoir assumer ensuite. »

Retard d’exécution

Autre conséquence de la crise, les contrats ont du mal à être exécutés. « Les marchandises sortent très lentement, analyse Martial Guerre, responsable de la commercialisation pour la Drômoise de céréales. Or les agriculteurs sont payés au 1er juillet. Avec des taux à 4 %, le financement coûte de l’argent. C’est non négligeable. » Sans compter qu’une durée de stockage rallongée, c’est autant de risques en plus en termes de développement d’insectes, et donc de déclassement en conventionnel. En revanche, à la Drômoise de céréales, « pour l’instant on n’a pas de hausse des coûts liée à une baisse des volumes, précise Martial Guerre. Mais s’il y a beaucoup de déconversions, avec un impact fort sur la collecte, cela nous coûtera plus cher », les volumes étant un diviseur de charges. Un point important, alors que la filière était jusqu’à récemment dans une optique de croissance.

Révision de projets

Les investissements réalisés ces dernières années, aidés par le Fonds Avenir Bio (lire ci-contre), sont parfois passés en surcapacité. « La plupart des OS, y compris nous, ont investi dans des outils de stockage-triage pour accompagner une croissance de 5 à 10 %, or là nous avons une décroissance de 5 à 10 % », analyse Camille Moreau, directeur de la Corab. Si Agribio Union a tenu à aller au bout de la construction de son nouveau silo de 15 000 t de capacité à Roquelaure (Gers), l’agrandissement prévu du site de la Sica Silo Bio Ouest, à Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime), géré par la coopérative, a été revu à la baisse. En 2018, en plein boom du marché bio, un doublement des capacités du silo était prévu. Finalement, « on a bien agrandi le site, mais j’ai renégocié le devis pour enlever quatre cellules initialement prévues », indique le directeur. Les travaux sont en train de se terminer.

À Nitry (Yonne), la construction de l’usine de floconnage Avena Bio devrait s’achever en mars-avril, pour un démarrage de la production en avril et des premiers flocons d’avoine mis en marché cet été. Ont investi dans le projet les coopératives Cocebi (36 % des parts), Probiolor (14 %) et Biocer (3 %), les industriels Favrichon (25 %) et Céréco (11 %), ainsi que le distributeur Biocoop (11 %). « La crise n’a pas remis en cause notre projet, car les fondamentaux, l’atout d’une filière 100 % bio et française et le gain logistique, ne le sont pas », explique Romain Schaetzel, directeur de la Cocebi BioBourgogne. Actuellement, le floconnage est fait à l’étranger. Coopérative 100 % bio, la Cocebi a collecté 38 000 t en 2023. Chez Terrena, « nous avions un grand plan, calé sur l’objectif [de la Pac, ndlr] de 18 % des surfaces en bio en 2027 », relate Jérôme Caillé, président de Terrena Bio, et de la commission bio de La Coopération agricole. Mais au vu des difficultés, « on a ralenti les investissements ».

Efficacité industrielle

Malgré la situation du marché, la Corab a tenté de maintenir prix et volumes pour ses adhérents sur la récolte 2023. « Si on veut une filière bio demain, il ne faut pas sous-payer les producteurs », justifie Camille Moreau. Reste que pour la coopérative, c’est un manque à gagner. Outre une révision des travaux d’agrandissement, la Corab s’est penchée sur ses postes de charge : parmi les leviers face à la crise, Camille Moreau identifie « l’efficacité industrielle ». Des locations de sites ont été stoppées, et le travail du grain passé à la loupe pour ajuster les process. Une démarche démarrée avec la hausse des prix de l’énergie, avec à la clé des économies précieuses en ces temps de crise du bio.

Les doubles opérations sont systématisées : par exemple, le tournesol et l’avoine sont triés en même temps, pour optimiser la consommation d’énergie du ventilateur. « C’est plus technique de gérer deux camions en même temps, mais on réduit la consommation de 20-30 % », met en avant Camille Moreau. La ventilation, habituellement faite le jour et la nuit, n’est plus faite que la nuit. « On la coupe aux heures de pointe, quand l’électricité est plus chère, précise le dirigeant. Après, en refroidissant moins rapidement, on atteint moins vite nos paliers. On prend un risque. » À la Cocebi aussi, avec les investissements faits, « l’équation économique n’est pas simple », reconnaît Romain Schaetzel. Plusieurs leviers ont été actionnés : renforcement de la supervision de la consommation électrique, changement d’organisation dans l’usine de décorticage, ou encore une installation à venir de panneaux photovoltaïques en autoconsommation.

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