Rééquilibrer le marché, un défi
Le salut du marché réside dans un rééquilibrage de l’offre et de la demande. Côté offre, des surfaces sont mises en retrait, voire déconverties, et des volumes déclassés. Côté demande, coopératives et négoces misent sur des cultures plus porteuses, en attendant une reprise de la consommation.
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Trop d’offre, et pas assez de demande. Si le constat est simple, les moyens de rééquilibrer la balance le sont moins. Plusieurs phénomènes à l’œuvre devraient y contribuer, sur lesquels les collecteurs tentent d’agir dans la mesure du possible. Côté offre, limiter les volumes passe d’abord par une maîtrise des conversions. À la Cavac, « on n’accompagne plus de nouveaux producteurs en grandes cultures en bio depuis 18 mois », explique Jacques Bourgeais, directeur général. La coopérative vendéenne annonce 25 000 ha de grandes cultures bio, avec une collecte 2023 de près de 80 000 t. Aujourd’hui, la grande question, c’est l’ampleur des déconversions (lire encadré).
Ajuster les assolements
Les OS travaillent, encore plus qu’habituellement, à ajuster les assolements en fonction de la demande. À la Corab, le DG, Camille Moreau, est même allé au-delà. « À mon sens, il faut être en légère sous-production. Nous avons choisi de produire moins que nos besoins. » Résultat, il est actuellement acheteur de blé. Ayant vu venir la crise, la coopérative a réduit sa production de blé de 35 % depuis deux ans. À la Drômoise de céréales, « on essaye d’orienter les producteurs vers des filières qui fonctionnent mieux, on leur donne les éléments pour qu’ils voient si cela vaut le coup de rester en bio », indique le responsable céréales, Martial Guerre, reconnaissant que « l’assolement n’est pas dépendant que du marché », en particulier en bio. La coopérative a aussi fait des arbitrages sur certains produits en C2 (deuxième année de conversion), non collectés en bio, et passés en conventionnel. Pour le DG d’Agribio Union, Stéphane Vanrenterghem, le constat est clair : « Il ne faut plus collecter de C2. »
Mais la diversification à ses limites. « On continue à diversifier, mais c’est impossible de remplacer 50 % des surfaces de blé par des légumineuses », reconnaît Barbara Barboteau, chez Aquitabio. Elle observe des mises en jachère chez certains agriculteurs, en attendant des jours meilleurs. Même constat à la Cocebi, où Romain Schaetzel observe que « les prix en baisse mettent des fermes en difficulté, et le choix est souvent fait d’augmenter les surfaces en luzerne ou en herbe pour limiter les charges ». Pour autant, la collecte 2024 y est estimée stable, les surfaces en retrait étant compensées par de nouvelles adhésions. Pour Bastien Vincent, chez Fermes bio, si la mise en jachère ou en herbe peut permettre de faire le dos rond en temps de crise, elle ne peut être que temporaire, car « ni bonne pour le revenu de l’agriculteur, ni bonne pour l’image de la bio ».
Gare aux surcharges sur les niches
À la Cocebi, les équipes travaillent sur un autre levier face à la crise : la R & D agronomique. « Outre le contexte économique, nous sommes confrontés au changement climatique, analyse Romain Schaetzel. Pour la lentille, par exemple, la demande est toujours là mais on peine à y répondre. Avec les printemps plus chauds et secs, les rendements sont affectés. On essaye d’en comprendre les raisons et de travailler sur de nouveaux itinéraires techniques. » À la Corab, des essais sont menés notamment sur la graine de chia et le lin. Outre des marchés porteurs, « on cherche des cultures adaptées au changement climatique », ajoute Camille Moreau. Et si tout le monde espère trouver la culture miracle, attention aux risques de surcharge, rapidement atteints sur des petits marchés. « Un afflux peut entraîner l’effondrement de petites filières structurées, même avec de petits volumes à l’échelle nationale, mais qui représente beaucoup pour ces cultures », avertit Bastien Vincent à l’union Fermes bio.
D’autres volumes partent en conventionnel. À l’automne, un déclassement de 100 000 t de céréales était attendu pour 2023-2024 : 59 000 t de blé tendre, 23 000 t d’orge et 18 000 t de triticale. Chez Aquitabio, Barbara Barboteau les estime à environ 5 % des volumes, « quasiment exclusivement du blé » : « Après le début de la guerre en Ukraine, on pouvait déclasser sans trop perdre. Aujourd’hui non. Mais mieux vaut déclasser et sortir les volumes », pour permettre d’assainir le marché. La grande interrogation, c’est la récolte 2024, avec des semis très impactés par la météo. À l’heure de la rédaction de ce dossier, il était encore trop tôt pour avoir des projections fiables. « Peut-être qu’on va épurer le marché plus vite qu’on ne le pensait il y a quelques mois », espère-t-elle.
De nouvelles habitudes à prendre
Côté demande, coopératives et négoces s’activent pour trouver de nouveaux débouchés, et adaptent leur façon de travailler. Chez le négoce Active Bio, Ludivine Quillec travaille avec des agriculteurs bio stockeurs de toute la France. Depuis un an, elle a vu la différence dans les achats de ses clients, industriels et éleveurs, en France. La société a réussi à tirer son épingle du jeu mais avec de nouvelles habitudes à prendre : pas de gros volumes, mais des petites quantités au mois le mois. « Il n’y a pas de positionnement sur le long terme », observe la dirigeante. Elle a réussi à passer quasiment autant de volumes que les années précédentes, mais avec plus de travail et d’incertitude. « On y a mis toute notre énergie. Il ne faut rien lâcher, et être prêt dès qu’une opportunité se présente », analyse Ludivine Quillec. La situation est un peu plus simple pour les structures ayant des débouchés en interne, car elles peuvent privilégier leurs volumes. « Notre usine d’aliment du bétail offre un débouché important pour les céréales bio », témoigne Martial Guerre à la Drômoise de céréales, même si les volumes nécessaires sont moindres.
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