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Les NGT, ça avance mais…

Si pour le Collectif en faveur de l'innovation variétale, le projet de règlement relatif aux cultures issues des NGT est une « première étape vers une réglementation européenne modernisée», l'AFBV considère qu'il est « important d’apporter des précisions sur les types de croisements qui peuvent être réalisés ».

Le paquet législatif sur l’utilisation durable des ressources naturelles est paru le 5 juillet dernier. Avec notamment au menu le projet de règlement relatif aux cultures issues des nouvelles techniques génomiques. Les discussions s’enchaînent mais beaucoup d’acteurs demandent une clarification du texte.

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Le 5 juillet dernier, la Commission européenne dévoilait sa très attendue proposition de règlement sur les cultures issues des nouvelles techniques génomiques (NTG ou NGT en anglais). Le texte fait partie du paquet législatif sur « l’utilisation durable des ressources naturelles », comprenant également la proposition de règlement sur la production et la commercialisation des matériels de reproduction végétale et forestière (lire encadré). L’acronyme NGT regroupe différentes techniques d’amélioration des plantes, toutes apparues après 2001, date à laquelle l’Union européenne a adopté la directive 2001/18 qui encadre les organismes génétiquement modifiés (OGM).

Deux catégories

Avec son projet de texte, Bruxelles entend moderniser le cadre légal pour l’ajuster à la mutagénèse dirigée (introduction de mutations spécifiques dans des emplacements cibles du génome, sans insertion d’ADN) et la cisgénèse (modification du génome avec une séquence d’ADN de la même espèce ou « étroitement apparentée », contrairement à la transgénèse qui se rapporte aux espèces éloignées).

Deux catégories de NGT sont ainsi établies. Les plantes issues de NGT de catégorie 1 regroupent celles pouvant apparaître naturellement ou être produites par sélection conventionnelle. Elles sortiraient ainsi des règles européennes applicables aux OGM. Le statut de ces plantes NGT-1 est valable pour la descendance et les produits dérivés. La transparence pour ces produits serait assurée via une base de données publique créée par la Commission, les catalogues de variétés et l’étiquetage des semences et plants. Les NGT-1 restent soumises à tout cadre réglementaire applicable aux plantes sélectionnées de manière conventionnelle. Les plantes de catégories 2, toutes celles qui ne vont pas dans la première catégorie, seraient, elles, classées OGM et couvertes par la directive 2001/18.

« Une première étape »

Pour le Collectif en faveur de l’innovation variétale, qui regroupe 28 organisations comme Semae, l’UFS (Union française des semenciers), les fédérations des coopératives et des négoces, la FNSEA, JA, les instituts techniques, etc., il s’agit d’une « première étape vers une réglementation européenne modernisée et adaptée pour l’utilisation de techniques prometteuses ». Les membres soulignent toutefois qu’il est « indispensable que la réglementation soit équilibrée avec des contraintes proportionnées sous peine d’entraver tout développement de ces technologies ».

« Nous espérons que cela va avoir une répercussion sur les essais conduits en Europe, ce qui éviterait de délocaliser les recherches », a développé de son côté Agnès Ricroch, enseignante-chercheuse en génétique et amélioration des plantes à AgroParisTech et à l’université Paris-Saclay, lors d’une conférence-débat sur les NGT organisée le 5 octobre par l’Institut Sapiens. « La possibilité d’avoir accès à une boîte à outils élargie permettrait aux entreprises semencières d’aller un cran plus loin dans leurs recherches et de mieux répondre aux grands enjeux des agriculteurs et des filières », a soutenu Rachel Blumel, directrice de l’UFS, lors de cette même conférence-débat. Et de poursuivre : « Nos entreprises attendent d’avoir un cadre clair pour pouvoir utiliser ces techniques et essayer d’accélérer le pas de temps de la sélection variétale. »

Des précisions à apporter

Mais justement, le texte proposé est encore trop flou, notamment sur les critères permettant le classement des plantes. En effet, une plante NGT-1 ne peut avoir plus de 20 modifications sur son génome, sachant que pour chacune de ces modifications, des critères spécifiques basés sur la séquence d’ADN ont été définis (au nombre de cinq) et doivent être respectés. « Seules les modifications qui sont différentes doivent être prises en compte afin de ne pas pénaliser les cultures polyploïdes comme le blé », a insisté l’AFBV (Association française des biotechnologies végétales) lors de sa conférence de presse annuelle, le 19 octobre dernier. Elle considère par ailleurs qu’il est « important d’apporter des précisions sur les types de croisements qui peuvent être réalisés ». Car les modalités d’utilisation des plantes NGT-1 en sélection variétale interpellent fortement les semenciers. Des voix s’élèvent même pour dire que le texte, en l’état, risque d’être inapplicable par les sélectionneurs et d’emmener certains « dans le mur ».

Attention aux brevets injustifiés

Le diable se cachant dans les détails, la profession semencière entend peser sur les discussions concernant les textes d’applications, qui viendront plus tard (lire encadré). Autre inquiétude : celle de la brevetabilité du vivant. « Il ne faut pas que [la réglementation sur les NGT] soit le cheval de Troie de la privatisation du vivant », alertait Marin Desprez, directeur de la stratégie du groupe Florimond Desprez, lors du colloque « La création variétale au service de la ferme 2030 », organisé le 2 février dernier par Semae et l’AGPB. « Aujourd’hui, il y a un risque économique que ces technologies réduisent l’indépendance des agriculteurs et un risque réglementaire qu’elles s’accompagnent de la mise en place de brevets injustifiés qui seraient une menace pour les petites et moyennes entreprises semencières. Aujourd’hui, ce qui protège ces variétés, c’est le droit d’obtention végétale. L’activité foisonnante autour des NBT, ce sont plutôt des dépôts de brevets. »

Pas de surpromesses

Alors, les NGT sont-elles l’avenir de la création variétale ? Marin Desprez se montre prudent : « L’édition du génome est une technologie récente, intéressante au stade de recherche. Il faut être humble et modéré sur ce qu’elles peuvent nous apporter. Ce dont on peut être sûr, c’est que ce n’est pas une baguette magique : il ne faut pas s’imaginer qu’on va prendre n’importe quelle variété élite et qu’on va la transformer en une variété résistante au changement climatique. » Des propos qui font écho à ceux de Laurent Guerreiro, président du directoire du groupe RAGT, lors de la convention de la meunerie française, le 16 juin dernier. « L’édition du génome, cela reste un outil dont on a absolument besoin car ces techniques sont rapides. Mais il ne faut pas faire de surpromesses sur leurs capacités, car elles sont tributaires de la connaissance du génome. Dans un premier temps, leur portée sera donc relativement limitée. »

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