Réinventer la chaîne du grain
Marges de l’appro sous pression, empreinte industrielle dense, export qui patine, mouvement de fond sur la traçabilité… Tous les collecteurs sont amenés aujourd’hui à repenser leur dispositif de collecte et le fonctionnement de leur supply chain. Les innovations digitales sont les bienvenues.Par Renaud Fourreaux
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S’il n’y avait pas la séparation du conseil et de la vente, la logistique serait aujourd’hui le sujet n° 1 pour le secteur de l’appro-collecte. Les deux sujets sont de fait liés : la séparation, de même que la transparence des prix (fin des 3R), va mettre encore plus sous tension les marges des coopératives et négoces, alors que les métiers du grain mobilisent beaucoup de capitaux. Des marges que les OS vont devoir aller chercher ailleurs, en premier lieu dans la logistique, « qui n’a pas été optimisée jusque-là », selon Thibaut de Saint-Denis, président de la start-up Biosco. Et d’expliquer pourquoi l’heure est venue de repenser la supply chain du grain, de la semence jusqu’au consommateur : « Les OS se sont vraiment pris un coup de massue en 2018 : pénurie de camions et de péniches, grève SNCF, crue de la Seine, basses eaux sur le Rhin et la Moselle… Il y a 4-5 ans, il y avait sûrement moins de pression sur la disponibilité des transports. Il faut ajouter à cela une succession de collectes chaotiques depuis 2014, une plus grande complexité de stockage dans les entreprises liée au développement de filières spécifiques, la concentration des entreprises qui les rend plus hétérogènes, et puis la toute-puissance des ogres russes et ukrainiens en train de prendre des marchés. »
« Le millefeuille à la Française »
C’est d’ailleurs dans le secteur de l’export qu’est ressentie de manière la plus prégnante la défaillance de la chaîne du grain en France. D’où les signaux d’alarme qui ne cessent d’être tirés en ce début d’année, parmi lesquels le fameux appel de Thierry Blandinières à « fusionner les bureaux de trading et repenser complètement la supply chain pour réduire les coûts d’intermédiation de 5 à 10 €/t sur le blé », lors d’un débat organisé par le think tank Agridées le 22 janvier à Paris. « Du champ au bateau, il y a énormément d’intermédiaires. On est un peu dans le millefeuille à la française, et ça coûte. On n’est pas du tout compétitifs. Face à une concurrence internationale organisée, c’est le moment de faire une révolution culturelle. » Pour l’instant, cet appel est resté lettre morte, et les acteurs de l’export demeurent sceptiques quant à une issue dans les prochains mois.
Reste qu’il y a un souci, et pas que dans les métiers du grain. Conscient, le gouvernement lançait en février une mission qui devrait déboucher sur un plan d’action « à rendre avant fin mai », pour identifier les voies d’amélioration de la compétitivité de la chaîne logistique, notamment lorsque les flux sont en concurrence internationale. Ces réflexions à l’export pourraient d’ailleurs servir aussi à l’ensemble des chaînes du grain, quel que soit le client. À la différence près que sur les débouchés domestiques et européens, la logistique est moins fragmentée et davantage programmée.
« Il y a un schéma directeur qualitatif sur la supply chain qui est à construire en France, résume le président d’Axéréal, Jean-François Loiseau. Cela va demander des investissements différemment positionnés et une logistique repensée qui fera appel à de l’intelligence artificielle. » « Ceux qui réussiront sont ceux qui auront cette vision d’un modèle flexible, réactif, et seront attentifs à avoir la bonne donnée, à savoir le coût rendu client », indique Antoine Bernard, du cabinet de conseil en supply chain Citwell. Pourquoi pas, d’ailleurs, en créant une direction supply chain, afin d’animer les différents métiers concernés (commerce, production, marketing, logistique)… NatUp l’a fait, preuve que ça bouge !
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