Les Silos de Goujon, nouvelle donne en Occitanie

Vincent Costanzo (au centre) est le seul actionnaire de la SAS Silos de Goujon, mais il est accompagné d'un conseil d'administration composé des agriculteurs qui l'ont soutenu à ses débuts.
Vincent Costanzo (au centre) est le seul actionnaire de la SAS Silos de Goujon, mais il est accompagné d'un conseil d'administration composé des agriculteurs qui l'ont soutenu à ses débuts.

Il y a quatre ans, porté par un groupe de jeunes agriculteurs, Vincent Costanzo a créé les Silos de Goujon, à Auradé, dans le Gers. Un négoce familial qui fait petit à petit sa place au soleil.

Au lieu-dit Mon Plaisir à Auradé, quand il a repris la ferme familiale, Vincent Costanzo souhaitait faire évoluer les activités. Sa passion, depuis qu'il est petit et qu'il vendait des bagues à sa grand-mère, c'est le commerce. « J'aime le contact, raconte-t-il. Il m'aurait été impossible de rester seul à la ferme, à cultiver les 180 ha. J'ai la bougeotte et le goût des relations humaines. Je tiens ça de mon grand-père maternel. » Issu d'une famille très pauvre arrivée d'Italie en 1948 et qui a construit sa réussite à force de travail et d'économies, Vincent connaît la valeur de l'argent et de l'effort. « En prévision de ma future activité de négoce, nous avons bâti notre premier silo couvert de panneaux photovoltaïques, alors que j'étais encore au lycée, se souvient-il. Puis mes parents m'ont donné la maison en ruine de mon arrière-grand-mère que j'ai entièrement rénovée soirs et week-ends, avec mes copains du rugby, avant de la louer à des particuliers. Parallèlement, j'étais responsable commercial chez Euralis à Lescar (Pyrénées-Atlantiques). Tout cela m'a permis de réaliser mon premier emprunt, pour les investissements qui allaient suivre. »

« Quoi qu'il se passe, on te suit »

C'est avec un petit groupe de huit jeunes agriculteurs, installés à proximité de sa ferme, que Vincent a commencé à travailler. « Je voulais "révolutionner" le modèle existant et il s'est passé quelque chose d'incroyable, reconnaît le jeune homme. Ces producteurs m'ont proposé de décaler le paiement de leurs récoltes pour qu'on puisse démarrer ensemble la commercialisation. Nous avons alors mis en marché 1 000 t de céréales, 50 t par 50 t, et acheté un peu d'appro. Mais c'était compliqué car les fournisseurs subissaient des pressions pour ne pas nous livrer. » Malgré les difficultés, les Silos de Goujon ont vu le jour en 2015. Le nom choisi est celui de la ferme de la famille de Françoise, la mère de Vincent, située non loin de là. Trois silos à plat d'une capacité de stockage de 10 500 t (17 cellules) ont été bâtis, ainsi que 1 000 m² de hangar pour les appros. Et des locaux administratifs entièrement vitrés permettent de recevoir les clients dans de bonnes conditions.

Mais sur le terrain, la concurrence est rude, face aux grands groupes qui quadrillent la région. Il n'est pas rare que de fausses rumeurs sur une possible faillite de l'entreprise soient colportées. Il faut dire que la TPE fait des envieux. La plupart des jeunes agriculteurs qui l'ont rejointe ont pour cela quitté les coopératives auxquelles ils adhéraient. « Nous étions une bande de jeunes, nous nous connaissions déjà et nous en avions assez de travailler avec les coops car nous ne nous en sortions pas, témoigne Nicolas Lemoine, l'un de ces agriculteurs, en grandes cultures sur la commune voisine de Saint-Thomas. Quand Vincent a voulu se lancer, on lui a dit : "Quoi qu'il se passe, on te suit". Pour nous, c'était une formidable opportunité. » Guillaume Gaymard, qui s'est installé en bio en 2011 à Saint-Élix-d'Astarac, aurait tout abandonné si les Silos n'avaient pas été créés. « Je ne réussissais pas à produire en bio et j'allais quitter le monde agricole, confie-t-il. Mais j'ai bénéficié de cet élan et je suis reparti en conventionnel avec le groupe. »

Gestion commune et structure légère

Vincent est le seul actionnaire de la SAS Silos de Goujon, mais il est accompagné d'un conseil d'administration (CA) composé des dix agriculteurs qui l'ont soutenu à ses débuts. Très actifs, ceux-ci communiquent régulièrement pour signaler un insecte ou une maladie dans un champ, venir en aide à un collègue, prêter du matériel... Le CA se réunit tous les deux mois pour prendre les décisions importantes. Ses membres représentent 2 000 ha de cultures et participent aux choix techniques pour l'achat des appros, mettant à profit leur expérience et les conseils d'Arvalis. « Vu les petites quantités que nous achetons, nous ne pouvons pas proposer beaucoup de références, détaille le chef d'entreprise. Nous préférons choisir quelques produits dont nous connaissons l'efficacité, pour lesquels nous négocions un bon prix et sur lesquels nous margeons peu. Cela nous permet d'être bien placés face à la concurrence. » La structure légère de la TPE, composée de six salariés permanents très polyvalents, dont une étudiante en alternance et Pascal, le père de Vincent qui participe un jour par semaine, permet de réduire au maximum les coûts fixes. À terme, Vincent compte proposer une ouverture du capital aux membres du CA qui souhaiteraient s'investir davantage.

20 000 t attendues à l'été 2019

Les Silos de Goujon travaillent aujourd'hui avec plus de 200 agriculteurs, dont 150 actifs, implantés dans le Gers, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne et le Lot-et-Garonne. Les cultures collectées sont à 70 % des céréales (blé de force, blé dur), 25 % des oléagineux (tournesol classique et oléique, colza) et 5 % du soja, du maïs et du lin. Des productions contractuelles à prix garanti en maïs waxy et en lin se mettent en place. Après une bonne année 2017 et 8 000 t de céréales commercialisées, la collecte 2018 aurait dû atteindre 15 000 à 17 000 t, mais les très mauvaises conditions météo l'ont réduite à 12 000 t. « Nous avons perdu 40 % de la récolte et même la moitié en blé dur, déplore Vincent. Nous avons presque vendu la totalité de nos tonnages aux fabricants d'aliments du bétail du Sud-Ouest, mais nous gardons un résultat positif. Et l'été prochain, nous visons 20 000 t ! »

« Aux Silos de Goujon, nous sommes beaucoup plus impliqués et investis dans le choix de nos productions et dans les techniques utilisées, reprend Nicolas Lemoine. Cela implique une autre façon de penser, c'est beaucoup plus enrichissant. » Et en termes de valorisation des cultures, le négoce est « toujours au-dessus des coops, 5 à 10 % en général ». « Même une année apocalyptique comme 2018, 70 % des agriculteurs exclusifs travaillant avec nous ont fait une année correcte, assure le dirigeant. Et comme nous avons augmenté nos volumes d'appro et mieux négocié les coûts, nous avons pu baisser nos prix de 10 % sur toutes les références. » Marine Dupré, en charge de la gestion, précise « qu'au 15 août dernier, 80 % des paiements avaient été versés aux agriculteurs qui avaient vendu ». Du coup, le bouche-à-oreille fonctionne et l'entreprise grandit. L'administration, tenue de main de maître par Marine Dupré et Myriam Sutto, est très appréciée des clients qui reçoivent tous leurs documents le jour des transactions et des flashs d'actualité sur les marchés trois fois par semaine.

Entraide et esprit de famille

« Je viens d'adhérer à la FNA et nous devrions bientôt accéder à un réseau de négoces qui travaille dans le même esprit que nous et qui nous permettra d'accéder à une centrale d'achat, poursuit Vincent. Nous avons aussi négocié un prix de groupe pour une assurance récolte et des frais bancaires, et avons ouvert un coin boutique pour vendre sans aucune marge des produits de nos producteurs. » Un achat de perche pour alloter les récoltes et mieux valoriser la qualité est prévu pour l'été prochain et quatre agriculteurs projettent de créer des capacités de stockage qui pourront être utilisées comme silos relais. Enfin, « l'esprit de famille » se traduit aussi par des moments de détente. Les Silos ont offert début février trois jours de ski dans les Pyrénées, tous frais payés, au conseil et à ses salariés. « Certains n'avaient pas pu partir en vacances, relève Vincent, ce n'était pas juste. »

Florence JacquemoudPhotos Isabelle Souriment

La zone d'activité s'étire d'année en année Implantés aux confins du Gers et de la Haute-Garonne, les Silos de Goujon rayonnent sur ces deux départements, mais aussi sur le Tarn-et-Garonne et le Lot-et-Garonne.

En chiffres CA 2017-2018 : 4,3M€ dont :Collecte : 12 000 t dont : Stockage : 10 500t (17 cellules). Clients : 200agriculteurs (150 livreurs actifs) Effectif : 6salariés. Véhicules : 1 semi-remorque, 1 fourgon, 1 camion benne, 12 bennes céréalières de 15 à 30 m3.

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