Les Ets Dupré-Lardeau ne courent pas après le volume. Avec 25 000 t de céréales collectées, le négoce fait figure de petit poucet dans le sud de l'Indre, à côté de son collègue Villemont, de la coopérative Axéréal ou de Soufflet. Pourtant, cette entreprise familiale, implantée depuis quatre générations, tire son épingle du jeu grâce à son sens du service et du sur-mesure. Didier Luneau, gérant depuis 2007, n'était pas destiné à diriger l'entreprise. Il avait opté pour un BEP d'agent administratif. C'est en rencontrant sa femme qu'il découvre le secteur agricole. Il commence comme magasinier-chauffeur dans l'entreprise de ses beaux-parents, puis gravit les échelons, en tant que commercial, puis cogérant. En 2011, à 44 ans, il passe une validation d'acquis d'expérience et obtient son BTS technique de vente, option agrofourniture. « C'est une belle reconnaissance, je suis commercial dans l'âme. Cela m'a aussi permis de radiographier l'entreprise de A à Z et d'avoir un regard plus global », souligne Didier Luneau. A la suite de cette formation, il enclenche une refonte complète du système informatique et installe le logiciel Agorinfo, dont les développements sont financés par plusieurs utilisateurs.
Blé fourrager principalement
L'entreprise repose sur deux activités principales : la collecte de céréales et la distribution d'intrants (phytos, engrais, semences, alimentation animale). Jusqu'à présent, elle employait une dizaine de personnes, mais Didier Luneau a réduit la voilure le temps que des annonces gouvernementales éclaircissent la question de la séparation de la vente et du conseil. « Sur l'océan Atlantique, on va plus vite avec un catamaran. Même si la traversée est plus longue avec un simple voilier, elle est moins risquée et plus pérenne. Le principal est que l'on arrive à bon port. » Et le port d'attache des Ets Dupré-Lardeau, c'est de répondre aux besoins de ses clients, « faire le job simplement » et être reconnu pour la qualité du service.
Concrètement, dans cette zone de polyculture-élevage, Dupré-Lardeau collecte principalement du blé (40 %), de l'orge, du colza, et dans une moindre mesure de l'avoine, du triticale, du maïs... Depuis deux-trois ans, 70 % du blé part en alimentation animale. « On s'adapte à la demande et au cours des marchés des céréales, explique Maryline Dubus, responsable collecte. Ici, le blé fourrager est au même prix que le blé meunier rendu La Pallice, avec des exigences moins fortes au niveau du PS. » Le blé part en Vendée, en Bretagne, ou encore dans le Limousin. « C'est intéressant d'un point de vue logistique car les camions déchargent les aliments dans la région et rechargent ensuite chez nous », souligne le gérant. Des trains sont également expédiés vers la Bretagne, régulièrement, au départ d'Argy grâce à un embranchement fer, partagé avec deux négoce voisins Villemont et les Ets Renaud.
De plus en plus de « direct ferme »
Dupré-Lardeau dispose de trois sites de collecte. Le plus important est le site historique, de Lothiers-Gare, à Tendu. De nombreux travaux ont été entrepris pour soulager la pénibilité des employés. Il y a deux ans, une cellule sur caillebotis avec vis racleuse a été installée pour vider le stockage à fond plat. Des boisseaux chargeurs ont été équipés de pesons. Cette année, le négociant a mis en place un automate, afin de surveiller à distance les silos et piloter les chargements des camions. « J'investis chaque année entre 80 000 et 100 000 € dans l'entretien et l'amélioration du silo. C'est l'avenir. Cela apporte un confort de travail aux salariés et nous permet d'être à l'aise pour affronter l'avenir. Nous avons notre destin en main », ajoute le gérant. Si le négociant n'investit que dans un seul de ses silos, c'est parce que la vente en directe se développe à vitesse grand V. En 2017, ce mode de commercialisation représentait 30 % des volumes, contre 16 % en 2016. Les camions partent directement des fermes, sans passer par les silos.« Cela peut poser des problèmes d'échan-tillonnage à l'expédition. C'est pour cela que nous demandons des échantillons de marchandise dès la moisson. Dès cette récolte, nos livreurs référencés feront l'objet d'un audit dans le cadre du CSA-GTP "expédition directe ferme" », explique Maryline Dubus.« Ensuite, nous les appelons quand nous avons une opportunité qui correspond à leur qualité. Je connais chaque client et sais à quelle période il préfère vendre ou de quel volume il dispose. » Pas de message massifié donc, mais un coup de téléphone personnel. « Avant, nous donnions les prix régulièrement. Mais les agriculteurs reçoivent trop d'informations et nous n'étions plus lisibles. Nous sommes en pleine réflexion sur cette communication », précise la responsable collecte. Les Ets Dupré-Lardeau font partie du réseau Atlantique céréales, une aide précieuse pour l'analyse des marchés.
A côté des céréales « standard », Didier Luneau a développé un marché de niche pour l'oisellerie qui représente entre 5 à 10 % de son chiffre d'affaires. Il commercialise environ 1 000 t de millet et de tournesol strié avec la Belgique et l'Angleterre. Un marché qui demande une qualité irréprochable. « C'est avant tout un travail d'équipe. Nous sommes équipés d'un trieur, comme tout le monde, mais il y a une très bonne cohésion entre la responsable collecte et le chef de silo, ce qui permet de bien coller au marché », ajoute le chef d'entreprise. Seul bémol sur ce marché qui tend à se développer : l'ambroisie. Cette plante invasive, présente dans l'Indre, contamine les lots qui peuvent être bloqués à la frontière.
Une large gammeet beaucoup de travail
Du côté des appros, l'entreprise est membre du réseau A2M pour les phytos et les semences, ce qui lui permet d'obtenir les derniers produits et une puissance d'achat importante. La moitié des quantités d'engrais, qui représentent 23 % du chiffre d'affaires appro, est livrée en direct dans les fermes. L'entreprise s'est équipée pour proposer ce service face à la demande de plus en plus grande de ses clients. La gamme d'engrais et de phytos est très large. Les clients appellent régulièrement pour demander des produits spécifiques. « Nous sommes compétitifs dans ce secteur, mais cela demande beaucoup de travail. L'assistante commerciale s'occupe de trouver le produit et le chef de silo gère la logistique », souligne Didier Luneau, qui donne un coup de main sur le terrain, entre le silo juste en face des bureaux et le magasin jardinerie-bricolage « France rurale ».
En plus de la fourniture d'intrants, Dupré-Lardeau propose des collectes de plastiques et ficelles. Il fait partie des premiers négociants français à assurer la collecte pour l'association Agroplast. Aujourd'hui, c'est le plus gros collecteur privé de films plastique du département, avec une centaine de tonnes par an. C'est également le chef de silo qui surveille la conformité des déchets.
Un nouveau bâtiment en projet
Dans l'avenir, Didier Luneau souhaite toujours s'appuyer sur ces deux activités, collecte et appro. Ne lui parlez pas de diversification. Après une expérience de quatre ans dans les espaces verts, il souhaite se concentrer sur son métier. Il en est de même avec le périmètre de collecte. Il vient de vendre sa filiale, les Ets Lumet, implantée au nord de l'Indre, au négociant du secteur, les EtsRenaud. Le chef d'entreprise n'est pourtant pas avare de projet. Il participe à un projet de méthanisation, Métha Brenne Elevage, à Ciron. Ce projet, qui date de dix ans, vient de déposer un dossier de subvention à l'appel à projets 2018 de l'Ademe. Il permettrait au négoce de valoriser ses écarts de triage. Le gérant réfléchit également à rénover son site internet, et il a lancé une étude pour construire un nouveau bâtiment de stockage (4 000 t) et de matériel... « A 50 ans, je fonctionne plus par raison que par passion. Mais j'aime toujours autant mon métier », conclut le négociant.
Aude Richard
Un site bien placé au centre de la France
Très proche d'une sortie de l'autoroute A20, Dupré-Lardeau bénéficie d'un emplacement stratégique pour le transport, pour approvisionner aussi bien le port de La Pallice que les coopératives animales bretonnes.



