Entreprendre en conservant la souplesse et la réactivité d'une PME, sans s'éloigner d'un bon rapport qualité-prix dans les formules proposées par les différents métiers... C'est tout l'enjeu des développements et de la réflexion stratégique d'Appro Vert qui dispose de quatre points de stockage dans l'Orne pour 45 000 t de capacité et 100 000 t de collecte. Pour y parvenir, le négoce situé à une encablure du port de Rouen par l'autoroute A28, fait force commune au sein du réseau Actura qui lui permet de profiter d'achats massifiés. Pour le reste, il entreprend de se démarquer auprès de ses clients agriculteurs. Cette stratégie passe par une volonté d'indépendance gagnée dans ses différents métiers par des investissements, dans les hommes, les outils de formulations d'engrais ou d'aliments et dans un tout nouveau silo de 10 000 t, à Argentan. Capable de sécher et de normaliser les grains, ce dernier a mobilisé un financement de 2,5 M€ et s'est imposé depuis son inauguration en juin 2016, comme un centre névralgique dans la gestion de la collecte.
Des formules à la carte
« L'avantage de disposer de nos propres outils, notamment pour la fabrication d'engrais de mélange, que nous avons adaptés plus tard en 2012 à celle du mash en alimentation animale, c'est que nous réalisons des formules à la carte et de façon très réactive pour nos clients. Nous gardons aussi des possibilités d'innover et de nous démarquer », résume Didier Launay, responsable des approvisionnements et associé du négoce Appro Vert.
« Alors que 2016 a été une année compliquée pour la collecte, nous avons gagné des parts de marché grâce à notre nouveau silo, qui a fonctionné à plein pour travailler des grains de qualité très hétérogènes, et notamment des lots d'orges qui étaient faibles en poids spécifiques », souligne Florian Baloche. En 2009, il a repris à son père les rênes de l'entreprise familiale, après neuf ans passés en tant que salarié à différents postes. L'entreprise veut rester à taille humaine, ce qui ne l'empêche pas de connaître une assez forte croissance. « Nous sommes des entrepreneurs, avance le jeune directeur. Nous nous sommes par exemple diversifiés dans le secteur de la nutrition animale. Nous avons depuis multiplié par quatre l'activité. A l'époque, nous n'imaginions pas que cette diversification serait porteuse d'autant de synergies positives pour nos métiers. Nous avons le goût du défi, et des réussites comme celles-ci nous motivent. »
La croissance s'explique par la volonté d'atteindre une taille critique à savoir le secteur de l'Orne pour la collecte auquel s'ajoutent les départements limitrophes en alimentation animale. La collecte a presque doublé en sept ans. « Nous aurions sans doute pu aller encore plus vite, mais cela n'a jamais été le but. Nous voulons construire notre développement sur des bases solides en gardant les valeurs de proximité et de confiance qui font notre force », commente le responsable. La construction de « bases solides », Appro Vert la conçoit en grande partie au travers de sa relation clients. « La qualité des relations que nous établissons avec les agriculteurs est la clé de notre avenir, assure Florian Baloche. C'est pourquoi nous travaillons à installer dans la durée un vrai dialogue de chef d'entreprise à chef d'entreprise où chacun a ses propres responsabilités. Nous voulons pouvoir avoir avec eux un vrai discours sur la valeur ajoutée et qu'ils puissent clairement différencier ce qui peut être une charge ou un investissement pour leur exploitation. Nous voulons que les agriculteurs puissent mesurer de façon fiable les bénéfices que nous pouvons leur apporter et être ainsi reconnu comme un vrai partenaire économique de leurs entreprises. Notre philosophie n'est pas que l'agriculteur nous délègue ses décisions, mais plutôt que nous soyons partenaires pour construire une stratégie qui lui soit adaptée. » L'achat de collecte n'échappe pas à cette approche de la relation client. « Avant de parler de prix, nous parlons de stratégie et de prix d'objectif », développe Florian Baloche qui est aussi le responsable des marchés des matières premières. Appro Vert réalise ainsi très peu d'achats de collecte en gestion déléguée au « prix de campagne ». L'essentiel de la collecte est acquis à des prix « cours du jour ». L'entreprise a développé un site extranet et construit une ferme virtuelle avec une stratégie de vente que les agriculteurs peuvent prendre en modèle. Appro Vert envoie à ses clients des signaux de marché par SMS, en général pas plus de cinq par an, mais bien ciblés. Les conseils délivrés sont bien suivis. Le négoce se différencie aussi en développant des contrats de vente d'aliments à termes auprès des éleveurs.
Se spécialiser davantage dans chaque métier
Dans un marché concurrentiel, le négoce estime que c'est le niveau d'expertise qui doit faire la différence. « Même si nous devons être compétitifs sur les produits banalisés, notre avenir passe par la recherche d'autres facteurs de gains pour les agriculteurs en développant des expertises pointues et du conseil à haute valeur ajoutée, insiste le responsable du négoce. Un bon conseil vaut mieux qu'un prix. Proposer des stratégies pour intervenir sur les marchés, des formulations en nutrition animale calées sur des analyses de maïs ensilage, des plans d'épandage modulés via des cartographies par drone ou des analyses de sol... Ce sont autant de solutions que nous proposons et qui peuvent être source d'économies importantes pour les producteurs. » C'est pour être en mesure de proposer des solutions et des conseils toujours plus précis et pertinents que le négoce a décidé de spécialiser très tôt ses métiers de l'approvisionnement grandes cultures en passant par la nutrition animale. Cela s'est traduit dans les bâtiments en séparant bien les activités de collecte et d'appro dès 2006. En 2012, le lancement de la marque Délice Nutrition a aussi eu pour but de bien différencier les activités animales de celles liées au végétal. « Demain, nous devrons certainement encore nous spécialiser davantage », anticipe Florian Baloche. Pour faire vivre l'expertise de chacun, l'entreprise a adopté une gestion des ressources humaines avec une politique de délégation assez poussée. « Nous voulons nous rendre disponibles au personnel, pour écouter les demandes et prendre des décisions de façon collégiale. Tout le monde doit pouvoir s'exprimer et les TC font partie de notre comité de direction. »
Miser sur les innovations pour se démarquer
L'entreprise mise beaucoup sur l'innovation pour se démarquer. Elle a fait partie des premières à proposer des cartographies de préconisation par drone. Aujourd'hui, elle s'intéresse de près aux sujets de la transformation digitale. « Pourquoi l'agriculture échapperait-elle à la révolution du Big Data ? Nous devons être en veille et questionner notre modèle économique à la lueur des transformations que nous voyons poindre car nous n'y échapperons pas, anticipe Florian Baloche. Je pense que nous ne devons pas nous effrayer des changements qui s'annoncent. Au contraire, nous voyons que notre secteur agricole est plein d'avenir avec de nombreux investissements. Concernant les technologies, je suis persuadé que demain, il y aura de plus en plus besoin d'hommes pour accompagner les évolutions. De notre côté, en tant que négoce de taille familiale, il faudra que nous continuions à nous différencier. Nous sommes résolument des entrepreneurs. Nous voulons prendre le train en marche. Si nous pouvons avoir une longueur d'avance tant mieux, mais nous ne cherchons pas non plus à être à tout prix avant-gardistes. »
Alexis Dufumier