« Ce n'est pas simple de faire naître une entreprise à partir de trois », reconnaît Jean-Marc Ferlini, directeur général d'Agri Agen. Pourtant, le pari semble réussi pour le négoce du Lot-et-Garonne, qui a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 21 M€, soit près de deux fois plus que l'addition des trois chiffres d'affaires des structures de base, sans compter l'ouverture de nouveaux sites l'été dernier. Une réussite qui repose sur une solide relation client, mais aussi sur un management bien structuré. Au printemps 2013, Jean-Marc Ferlini a mis en place un comité de direction, dont il est membre avec cinq collaborateurs, chacun représentant l'un des secteurs de l'entreprise.L'histoire commence en 1969, avec la création de la SA Coueque, « un tout petit négoce familial à orientation productions animales », relate Jean-Marc Ferlini. La question de la succession se pose quelques années plus tard, et en 1987, Jean-Marc Ferlini, alors commercial chez Timac, rachète l'entreprise à parts égales avec Tony Gonzalez. Ils donnent ainsi naissance à Agri Agen, mais le négoce reste connu comme Coueque. « Nous avons développé les aspects grandes cultures et collecte », raconte le directeur général. En 1995, un silo avec séchoir est construit, et de quasi inexistante, la collecte atteint les 8 000 t.
Le petit rachète le gros négoce
En 2004, un négoce voisin, la société familiale Giovannini, est confronté à son tour à un problème de succession. Membre lui aussi du réseau de négoces Act'agro, Giovannini, très orienté grandes cultures et collecte, réalise alors près de 6,5 M€ de chiffre d'affaires, soit 3,4 M€ de plus que Coueque. « Monsieur Giovannini avait la volonté de céder son négoce à un négoce », raconte Jean-Marc Ferlini. De fait, Coueque le rachète, et le nom Agri Agen est apposé en dessous de Giovannini. Ensemble, les deux structures collectent 35 000 t. Cinq ans plus tard, Coueque et Giovannini, totalement intégrés, prennent entièrement le nom Agri Agen. La progression du négoce ne s'arrête pas là : en 2011, Agri Agen acquiert Castagné, lui aussi face à une question de succession. De taille plus modeste, ce négoce réalise 2,7 M€ de chiffre d'affaires. Depuis, Agri Agen a encore grandi pour réaliser en 2013 un chiffre d'affairesde 21 M€, fait pour 40 % par l'appro et 60 % par les 54 000 t de collecte.
Un Codir de six membres
Se côtoient ainsi dans l'entreprise des anciens des trois négoces. « Nous avons intégré sept personnes de Coueque, dix-huit de Giovannini et cinq de Castagné », énumère Jean-Marc Ferlini. Une intégration qui semble réussie. « Dans une équipe, pour être bon, il faut être bien entraîné, illustre Denis Maurel, CAP (conseiller agronomique préconisateur) et ancien de Giovannini. Monsieur Ferlini a senti qu'il fallait faire des particularités de chacun une force. Par exemple, le portefeuille des CAP n'est pas basé sur un secteur géographique. » A chacun sa spécialité : céréales à paille, oléagineux, cultures spécialisées... « Nous avons beaucoup travaillé sur l'unicité de la communication, estime Jean-Marc Ferlini. L'agriculteur peut changer d'interlocuteur sans qu'il y ait de soucis. » Le directeur général explique : « Nous avons un management très transversal. Le travail d'équipe sans intérêt et réflexion ne vaut rien. Je demande à ce que chacun soit autonome, avec une capacité de décision. »
Le négoce a mis en place depuis sept mois un comité de direction de six membres. « Au fur et à mesure, l'entreprise grandit, cela modifie le rôle de chacun, d'où la nécessité de s'adapter », confie Denis Maurel. Le Codir est composé de Nathalie Ferlini, Claude Bibé, Denis Maurel, Guillaume Pécondom, Dominique Auffret et Jean-Marc Ferlini, simple membre lors de ces réunions. « Chacun est en relation avec un secteur bien défini de l'entreprise, précise Denis Maurel. Nous nous réunissons environ toutes les cinq semaines, pendant deux heures : c'est très formalisé, avec un compte rendu. Cela permet de s'exprimer, de dialoguer de façon beaucoup plus constructive. » Une démarche aussi jugée très positive par Guillaume Pécondom : « C'est l'occasion de pouvoir s'arrêter dans le temps, de prendre un moment pour se focaliser sur certains points. C'est un gros plus. » En outre, les membres du Codir organisent régulièrement des entretiens avec leurs collaborateurs, « ce qui nous permet de fait remonter et redescendre les informations », ajoute Jean-Marc Ferlini. Cette organisation fluide transparaît dans la relation client. « Si l'entreprise progresse, c'est que cela se ressent », estime Denis Maurel. Le directeur a aussi veillé à ce que sur chaque dossier, au moins deux personnes soient opérationnelles, pour pallier les impondérables. « La polyvalence de chacun est un gros atout », affirme Guillaume Pécondom.
Acquérir de la notoriété
Autre obstacle à surmonter pour une jeune structure : se faire connaître. « Le nom Agri Agen n'était pas connu. Il a fallu se faire identifier, et pas uniquement par nos clients, mais aussi par les instances économiques, les politiques, etc. Mais nous y sommes arrivés, se félicite Jean-Marc Ferlini. A chaque occasion, nous avons présenté l'entreprise, distribué des plaquettes. Ou encore, il y a trois ans, nous avons mis en place une plate-forme couverts végétaux et sorgho, à laquelle ont participé les concessionnaires de matériel agricole de la région. »
Bien structuré en interne, Agri Agen a aussi su nouer des partenariats fructueux de l'amont à l'aval. Adhérent à la fédération du négoce agricole, c'est aussi l'un des vingt-six négoces du réseau Act'agro (52 M€ de CA), qui est rattaché à la centrale d'achat D'Clic. Jean-Marc Ferlini est d'ailleurs président d'Act'agro, membre du comité de direction de D'Clic, et administrateur à la FNA. « Act'agro compte sept permanents, précise son président, dont un directeur commercial, un responsable technique et une responsable réglementation. » Pour la collecte, le négoce travaille avec Atlantique céréales, qui met en marché chaque année 1 Mt de céréales.
« Nous avons le souci de vouloir participer au résultat d'exploitation de nos clients », déclare Jean-Marc Ferlini. Pour ce faire, le négoce a mis en place une offre de services et de solutions. « Avec la volonté d'être accessible au client, à l'écoute », ajoute le directeur. « On est très réactifs, le moindre problème est géré rapidement. Quand un client passe le portail, il faudrait qu'il soit déjà reparti, avec toutes les infos nécessaires, illustre Claude Bibé. Il n'a pas de temps à perdre. »
De la pulvé à la comptabilité
Sur les services, « on a toujours essayé d'être proactif », affirme Jean-Marc Ferlini. Pour preuve, « en 2005, on a été les premiers à parler de mycotoxines. On a écarté certaines variétés de blé et de maïs, on a organisé des épandages par hélicoptère sur maïs contre les foreurs, et on a communiqué auprès des acheteurs ». Côté engrais, Agri Agen a développé en 2009 un outil, Ferticarte, qui calcule les apports en fonction des objectifs de rendement de l'agriculteur, avec des solutions personnalisées à la clé. « Aujourd'hui, cette approche est utilisée dans 80 % des cas », affirme le directeur. Le négoce accompagne ses clients sur tous les aspects de son métier : organisation de formations pulvérisation, aide aux déclarations Pac, sessions Certiphyto utilisateur mais aussi pour les applicateurs en prestation de service. Pour sa part, Agri Agen est détenteur de l'agrément phytos depuis mars 2013, après un audit en janvier.
Quant au directeur administratif et financier, il se penche aussi sur la comptabilité des agriculteurs. « Certains clients viennent nous voir pour une confirmation, ou pour la construction d'un plan financier, explique Claude Bibé. Nous pouvons les aider auprès des banques. » Un accompagnement qui semble payer, quand on mesure le chemin parcouru. Des projets à venir ? « Nous avons ouvert deux sites de collecte en 2013, nous allons déjà digérer tout cela, répond Jean-Marc Ferlini. Nous allons continuer à nous impliquer dans le résultat de nos clients. »
Marion Coisne