Ets Belleau, le discounter des phytos

Ce qui permet avant tout à Damien Belleau de tirer sur les prix, c'est d'avoir « moins de stock et de charges de structures que les autres distributeurs », assure ce jeune négociant de 30 ans.Photo Lydie Lecarpentier
Ce qui permet avant tout à Damien Belleau de tirer sur les prix, c'est d'avoir « moins de stock et de charges de structures que les autres distributeurs », assure ce jeune négociant de 30 ans.Photo Lydie Lecarpentier

Positionné depuis bientôt vingt ans sur ce créneau du phyto à bas prix, le négociant du Lot-et-Garonne est en réflexion pour se restructurer aussi bien en interne que dans ses modes d'achat, et retourner sur le terrain.

Sans fard, ce jeune patron nous ouvre volontiers les portes de son entreprise en ce début mai. C'est en effet à 27 ans, le 1er juillet 2014, que Damien Belleau succède à son père Didier à la direction des Ets éponymes, dont l'histoire remonte à 1998, lorsque Didier Belleau crée son commerce de phytos. Il s'installe dans un local de son exploitation du Lot-et-Garonne, département de polyculture-élevage où souvent les agriculteurs ont un atelier viande (Blonde d'Aquitaine) ou des vergers (noisettes, prunes...) en plus de leurs céréales. « Mon père, alors pruniculteur en difficulté financière, achète une palette de glyphosate », raconte Damien Belleau. Il en revend, ça marche, et c'est ainsi que petit à petit il monte son affaire et commence à embaucher.

Se recentrer sur deux sites pour partir sur de bonnes bases

Puis en 2004, alors que le local devient trop exigu, les Ets Belleau construisent à Castelnaud-de-Gratecambe, à mi-chemin entre Agen et Bergerac, un dépôt, qui deviendra le siège de l'entreprise. Avec une gamme de phytos « homologués », précise-t-il, de fertilisants foliaires et oligo, ainsi que des semences. A ce moment-là, sans formation particulière, Damien Belleau intègre l'entreprise en tant que livreur. En septembre 2010, un nouveau dépôt, géré par un unique TC, ouvre ses portes à Lectoure dans le Gers, terre de céréales, de melon, d'ail et autres cultures spécialisées. En 2013, alors que le passage de témoin se profile, l'entreprise se sépare de son site de Lafrançaise (Tarn-et-Garonne), créé deux ans plus tôt, où le chiffre d'affaires s'effondre. « Le technicien n'était pas compétent, j'ai dit à mon père que je préférais recentrer sur les deux sites pour repartir sur de bonnes bases », se rappelle Damien Belleau. L'ancien salarié, devenu patron, imprime sa marque et met en place dans le dépôt un espace jardinerie, « un service pour nous faire connaître en local ». Il réinsuffle un dynamisme, instaure un treizième mois, recadre certains aspects, et... s'appuie sur le golf, pour gagner en concentration, gestion de la pression et maîtrise de soi. « Loin de l'image de bourgeoisie que l'on en a. »

2 piliers pour cet ex-talonneur

Mais surtout, il ne manque pas d'instiller dans son entreprise les valeurs du rugby, bien ancré sur ce territoire. Son frère, Anthony Belleau, est tout de même demi d'ouverture au RC Toulon. Lui, a arrêté le rugby à la reprise de la société, « après une grosse poire » et un séjour à l'hôpital, narre l'ex-talonneur du club de Monflanquin, où il continue d'exercer une activité de bénévole un vendredi soir par mois, « dans la bonne humeur et la convivialité ».

Ses piliers dans l'entreprise ? Jérôme, le comptable, qui « abat un gros boulot » et Adrien, son « second » depuis cette année. « C'est un enfant du pays, il sait tout faire, il est très compétent, il a un bon contact avec les clients, il est capable de me remplacer en toutes circonstances. » L'entreprise s'appuie également sur Denis, le livreur qui fait l'interface avec l'agriculteur. « Je ne délivre pas de conseils techniques, mais c'est moi qui porte l'image de l'entreprise, qui assure le relationnel et qui repart avec le règlement », rend compte l'intéressé. « J'ai une équipe formidable sans qui on n'en serait pas là aujourd'hui », résume le jeune négociant.

Si le négoce dessert avant tout le Lot-et-Garonne et le Gers (près de 70 % du CA), il a des clients jusqu'à trois heures de route à la ronde. Un rayon permis par ce positionnement de discounter de l'appro. « Le discount du phyto », c'est justement le slogan de l'entreprise, nom déposé à l'Institut de la propriété industrielle. « Et ceci, précise-t-il, depuis le premier jour où mon père vendait du glyphosate générique bien moins cher que tout le monde. » Le négoce continue d'ailleurs d'avoir une gamme importante de produits génériques (environ 30 %) et se fournit également en importation parallèle (légale) depuis l'Espagne ou l'Allemagne. Mais ce qui lui permet avant tout de tirer sur les prix, c'est d'avoir « moins de stock et de charges de structures que les autres distributeurs. On achète comme eux, ou moins bien qu'eux sûrement, mais on revend moins cher. » Autre atout : la polyvalence. « Les techniciens sont aussi secrétaires, comptables, vendeurs », plaisante Damien Belleau. Mais regrette qu'ils soient « moins sur le terrain malheureusement ».

Les commandes se font donc par téléphone, ou par mail, via le site internet (qui va être prochainement refondu) où l'agriculteur peut faire une demande de devis en ligne, renvoyé sous 48 heures. « L'appui technique, on le donne aussi plutôt par téléphone, reprend Adrien Albasi. Mais si nécessaire, on se rend sur place. » « Nos clients savent souvent ce qu'ils veulent, ajoute Denis Desplats. D'ailleurs, à une heure à la ronde, ils sont prêts à venir pour disposer du produit immédiatement. » « Beaucoup ont leurs habitudes, renchérit Damien Belleau, mais on s'aperçoit que certains ont besoin d'être davantage rassurés, confortés. Et le client qui n'est pas suivi, la concurrence passe et on le perd. Le manque de travail de terrain nous pénalise pour développer le chiffre d'affaires. »

Un partenariat avec un autre négociant d'ici l'été

« Il faut qu'on arrive pour le prochain exercice à retrouver un juste milieu pour être efficace sur les compétences de chacun. Garder notre positionnement, tout en améliorant notre façon de travailler. Sans être dans une stratégie de forcing de vente pour nos techniciens, l'objectif est de repartir à fond à la reconquête du terrain et d'aller beaucoup plus en prospection. » Prioritairement en restructurant les deux départements socles, ainsi que le Tarn-et-Garonne. « Pour cela, il faut libérer du temps à passer en cultures pour les techniciens. Une fois par an, ce n'est pas assez. » Cela va se concrétiser par le lancement en cultures d'un nouveau TC, Damien Hochard, peut-être aussi par l'embauche d'un apprenti actuellement dans l'entreprise, et par le recentrage des TC sur leur métier. Au risque de se rapprocher d'un schéma plus classique ? « Oui, mais plus efficace. »

Le négoce n'est plus adossé à une centrale d'achat après avoir travaillé avec l'une d'entre elles quelques années. « C'était simple, on était livré en 48 h, mais nous n'avions pas forcément accès à tous les produits et il fallait tout acheter chez eux, avec des prix pas forcément réalistes. » Néanmoins, le jeune patron reconnaît d'une part que « travailler en direct avec une multitude de fournisseurs, c'est une grosse perte de temps » et que d'autre part « ce n'est pas forcément une bonne stratégie de ne pas avoir trop de stock ». Ainsi, les Ets Belleau sont en train de finaliser un partenariat, « d'ici le mois de juillet », avec un négociant qui dispose d'une plateforme logistique conséquente. Il s'agirait pour Belleau de bénéficier d'un accès aux produits, de stocks plus conséquents, d'une rapidité d'approvisionnement, et pour le négociant en question de vendre davantage pour amortir sa structure logistique. A l'étude également dans cet accord : le développement d'une gamme de consommables pour le matériel agricole. Histoire de diversifier quelque peu l'activité.

La collecte ? « Plus jamais ! »

Mais le négoce ne s'est pas cantonné à l'appro par le passé. En 2007, il construit un outil de collecte de céréales et de stockage d'engrais sur son site principal et va compter jusqu'à 18 salariés. Mais la volatilité secoue alors durement le secteur. « On s'est planté, on a fait un bilan fortement déficitaire », admet sans détours Damien Belleau. La seule solution fut de vendre le bâtiment en 2012, en l'occurrence à Vidal, filiale de La Périgourdine. Compte-t-il un jour y revenir ? « Jamais ! répond-il vacciné. La collecte, ce n'était pas notre métier, on ne gagnait pas d'argent, on vit mieux sans. » La réponse est différente sur les engrais. Pour satisfaire sa clientèle, le négociant va commencer à redévelopper cette activité dès cet été, sans stockage, en direct usine : « ammonitrate, urée, 18-46... les grandes lignes pour commencer. » Et, pourquoi pas, avec d'autres gammes de fertilisants, transformer l'essai.

Renaud Fourreaux

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