Drôme, 1896 : alors que les attelages sillonnent les routes de France, deux femmes se lancent dans la distribution de fourrage, de paille et de céréales pour les chevaux. C'est ainsi que la famille Pomarel se lance dans le négoce agricole. 2013 : le groupe Perret devient actionnaire majoritaire de cette entreprise qui réalise alors près de 5 M€ de chiffre d'affaires.
Entre-temps, en plus de cent ans et quatre générations, l'activité du négoce a évolué. « Mon père a développé l'entreprise en achetant un broyeur, il faisait des granulés de fourrage, et a lancé une activité de distribution d'engrais, et un peu de produits phytos », raconte Patrick Pomarel, actuel dirigeant de la société. Ses frères, Jean-Michel et Simon, ont pris la suite de leur père. « A la base, je devais pour ma part reprendre l'exploitation familiale, explique Patrick Pomarel. Je ne faisais que donner un coup de main pour le négoce. » L'embauche non satisfaisante d'un technicien cultures va finalement lui donner l'occasion de mettre un pied dans l'entreprise sur ce poste, à mi-temps, puis à temps plein, au début des années quatre-vingt-dix. Pour la ferme, un salarié est alors recruté.
Diversification des activités
A partir de là, le négoce prend un nouvel essor, et diversifie ses activités. « A cette époque, on travaillait surtout en arboriculture, mais la concurrence avait lancé le paiement à la récolte, ce que nous ne faisions pas, et il commençait à y avoir des difficultés sur les fruits », relate Patrick Pomarel. Dans le même temps, Rhône-Poulenc avait créé Rhodia espaces verts, et cherchait des distributeurs. Le négoce se lance dans cette voie, et réalise aujourd'hui 20 % de son chiffre d'affaires dans ce secteur. Un commercial espaces verts est embauché, un autre en grandes cultures, suivis de près par une personne pour le service horticulture-pépinières, une pour le maraîchage sous serre et la dernière pour la vigne. « On avait développé une offre terreaux pour les espaces verts, et naturellement nous sommes allés sur une activité horticulture-pépinières », précise Patrick Pomarel, ajoutant : « On travaille par activité, pas par zone géographique. » En parallèle, le négoce intègre des groupes de négociants, dont Agridis en 2001.
Cette même année, à la suite de dissensions entre les trois frères, naît la holding Pomarel et fils, composé de Pomarel transport et Pomarel négoce. Cinq ans plus tard, Simon Pomarel, qui gérait Pomarel transport, décide de quitter l'entreprise et la branche d'activité disparaît. Il garde en revanche ses parts dans la société. Patrick et Jean-Michel gèrent alors conjointement le négoce. « Ce n'est pas toujours facile de travailler avec la famille », justifie Patrick Pomarel.
Vendre ou racheter les parts
La situation change en 2012 : Jean-Michel Pomarel souhaite faire valoir ses droits à la retraite, et pour cela doit vendre ses parts. Dilemme : « Soit je rachetais, soit on cherchait un repreneur, raconte Patrick Pomarel. On a décidé qu'en dessous d'un certain seuil de prix, je rachetais les parts, et au-dessus, on vendait à l'extérieur. Cela a été une décision difficile. » Approché par différentes structures, coopératives et négoces, c'est finalement l'offre de Bernard Perret qui sera retenue. En avril 2013, c'est acté. Ses frères vendent, et Patrick Pomarel, qui devient gérant, garde 20 % dans l'entreprise. Aujourd'hui, le groupe Perret compte dix structures de distribution : Agri Drôme, Agrotech, Corse Agronomie et Préconisation, EVD, Hortiplus, Omag, Perret, Pomarel, Prodia, et Racine. Le tout pour un chiffre d'affaires estimé à plus de 136 M€ en 2014. Depuis le 30 juin dernier, le groupe Perret est à capitaux privés, après le rachat des parts de la coopérative Sud céréales (34 %), qui était actionnaire du groupe depuis 2010 (lire notre article page 8).
« En octobre, le négoce sera complètement intégré dans le groupe Perret », précise Patrick Pomarel, notamment pour des questions de simplification au niveau administratif, et pour permettre de compenser en cas de baisse sur une branche d'activité une année donnée. « Et au lieu d'avoir 20 % dans Pomarel, j'aurais des pourcentages dans le groupe Perret qui ne sont pas encore précisément définis. » Pomarel conservera son nom, « cela nous permet de nous démarquer sur le terrain », justifie Patrick Pomarel. Le négoce, adhérent à la Fédération du négoce agricole, est donc sorti d'Agridis, mais reste pour l'instant adhérent de Proverdis, la filiale espaces verts du groupement. Pomarel fait désormais partie d'Agrosud, et travaille avec la centrale d'achat Symphonie. Le groupe Perret possède une plate-forme Seveso pour stocker les produits.
Synergies au sein du groupe
Et en pratique, qu'est-ce qui a changé ? Peu de mouvements de personnel et Patrick Pomarel reste à son poste. « On bénéficie de synergies avec le groupe, explique le dirigeant. Par exemple pour les chauffeurs : Perret possède une société de transport, Bacuzzi, basée à Tresques, dans le Gard. On fait appel à eux en période de pics d'activité. » La branche vigne du négoce, soit environ 700 000 € de chiffre d'affaires annuel, est passée chez Agrotech, membre du groupe Perret et voisin, ainsi que le TCP (technicien conseiller préconicateur) rattaché à l'activité. Les équipes utilisent maintenant les mêmes logiciels que le groupe, pour la gestion et la comptabilité, mais aussi pour les préconisations phytos. Après Olympe, l'outil d'Agridis, depuis juin 2012, Pomarel a adopté Précovision, développé par Agrosud, en avril 2013. « Nous avons été audités pour l'agrément phytos à l'été 2013 », indique Patrick Pomarel. Autre nouveauté, la venue régulière de collaborateurs pour travailler en transversal. « Il y a un animateur Lisa qui nous aide pour le Lisa, un autre pour les espaces verts, illustre Patrick Pomarel. C'est nouveau et cela nous aide bien dans notre travail quotidien. » « Avec le rachat, les choses sont un peu plus structurées », estime Olivier Guilhot, magasinier.
Pour les gammes produits, « elles sont propres à chaque négoce du groupe, même si l'on peut choisir de porter le même produit leader sur une gamme donnée, précise le dirigeant. Bien sûr, on en discute ensemble, dans le groupe et avec Agrosud, et avec les équipes ».
Aujourd'hui, Pomarel, outre son directeur, compte neuf salariés : deux secrétaires, deux personnes au dépôt, deux chauffeurs et trois TCP, sur un site, à Etoile-sur-Rhône. Le site de Visan (Vaucluse) a été fermé lors du rachat. Et de mars à juin, un dépôt de proximité est ouvert à Cléon-d'Andran (Drôme). Les trois techniciens conseillers préconisateurs sont spécialisés chacun dans un domaine : maraîchage, horticulture et pépinières, grandes cultures et espaces verts. Patrick Pomarel se charge de l'arboriculture. Le négoce a réalisé sur la dernière campagne 4 M€ de chiffre d'affaires.
Quant à l'impact de la future loi sur les phytos en espaces verts (qui prévoit l'interdiction d'utiliser des produits phytosanitaires, à l'exception de ceux autorisés en bio, en 2020 pour les espaces verts publics et 2022 pour les particuliers), « ça pèse, c'est sûr, répond Patrick Pomarel. De plus en plus de communes passent en zéro pesticides ».
Autonomie et échanges
Après quatre générations, l'entreprise familiale passe donc dans le giron d'un autre négoce. Et pas d'une coopérative : un choix ? « Si la proposition d'une coopérative avait été meilleure, on aurait accepté, répond Patrick Pomarel. Mais à prix égal, on aurait choisi le négociant. » Le dirigeant dresse un bon bilan de cette première année sous une nouvelle configuration. « On a une grande liberté, une grande autonomie. On se dit les choses dans le groupe Perret. Si l'on n'est pas d'accord, on peut exprimer son point de vue. C'est la force de Bernard Perret : il sait faire confiance. » Côté stratégie, « Bernard Perret fait des plans à cinq ans. Moi je suis force de proposition sur un an, même si bien sûr nous en discutons », explique Patrick Pomarel.
Marion Coisne