Agridor : garder un cran d'avance

Isabelle Prélat-Chassagne, DG du négoce Agridor et son père Michel Chassagne, président : « Nous cherchons sans cesse des axes de diversification. »Philippe Roy
Isabelle Prélat-Chassagne, DG du négoce Agridor et son père Michel Chassagne, président : « Nous cherchons sans cesse des axes de diversification. »Philippe Roy

Le dynamisme de la jeune dirigeante périgourdine est source d'un renouvellement continu d'une entreprise familiale qui cherche à anticiper les attentes du terrain.

Rebondir, Isabelle Prélat-Chassagne sait le faire dans sa petite société de négoce, Agridor, dirigée à ce jour avec son père, Michel Chassagne, président, et sa mère, Elisabeth Chassagne, DGA en charge des Lisa. Entre les imprévus liés aux aléas de la vie, notamment en matière de ressources humaines, et un monde agricole en plein mouvement, la dirigeante de 31 ans n'épargne ni son temps ni son énergie. Quand on quitte les bureaux d'Agridor, à Bergerac, après une journée remplie de rebondissements pour la jeune directrice générale, on ne peut que se dire « quel courage ». Titulaire d'un diplôme en droit et d'un DESS administration des entreprises, Isabelle a pris la direction générale du négoce début 2009, après avoir fourbi ses premières armes dans une autre société de son père, TEA, alors spécialisée dans la fabrication d'échantillons de mélaminés. « La société pour laquelle nous sous-traitions ces échantillons a repris à son compte leur fabrication en 2009, explique Michel Chassagne. Comme la formation vers les agriculteurs se développait et que j'étais moi-même sensibilisé à ce sujet par la chambre de commerce, j'ai invité Isabelle à se lancer sur ce créneau. »

Développer l'offre formations aux agriculteurs

Depuis, TEA s'est transformée en une société de conseil réglementaire et de formation pour les agriculteurs. Et alors que le fameux débat séparation du conseil et de la vente revient à l'ordre du jour, la jeune dirigeante ne regrette pas ce choix, si une évolution nécessaire devait être réalisée. « Cependant, facturer le service à part du produit n'est pas rentré dans les moeurs. Il y a une grande force d'inertie quand même en agriculture », reconnaît Michel Chassagne.

Cette diversification de TEA permet à ce négoce d'être « perçu autrement que sur un simple plan commercial » par les agriculteurs. Et elle permet à Isabelle de mettre sa touche personnelle. Le slogan « Votre partenaire Agridor vous accompagne vers l'avenir agricole » traduit bien l'élan de dynamisme qu'elle veut imprégner un peu plus à la structure familiale et le souhait d'accompagner de A à Z les clients. Les formations dispensées touchent aux bonnes pratiques agricoles, la traçabilité, la pulvérisation et au Certiphyto. Elles sont assurées en bonne partie par Nadia Rouby-Mersié, sa TC vigne. Isabelle Prélat-Chassagne en prodiguait aussi, mais n'en a plus le temps aujourd'hui. Elle s'appuie également sur des formateurs extérieurs et vient de conclure un partenariat avec un organisme de formation de Libourne. « Je souhaite développer mon offre de formations », confie-t-elle.

Une nouvelle idée tous les ans

La diversification est une règle d'or pour Agridor, tout en restant sur son métier de base articulé autour de trois marchés : la viticulture, l'arboriculture et les grandes cultures. Elle a été lancée par Michel Chassagne avec le concept SmartFresh, procédé de conservation des fruits, telles les pommes, pour lequel le négoce a été retenu comme applicateur. « Nous sommes une petite structure et comme toutes les petites entreprises, nous devons nous renouveler sans cesse tout en restant proches du terrain. Et tout en gardant une dimension humaine à laquelle je tiens avant tout », explique la jeune directrice. Ainsi, chaque année, elle tient à développer un nouveau créneau. L'an dernier, c'était le palissage sur le marché viticole. Précédemment, ce fut au tour des bouchons en verre et des containers. L'activité vigne qui représente 55 % du courant d'affaires du négoce, est le « dada » d'Isabelle qui souhaite « s'y spécialiser encore plus ».

Tout en développant un secteur telles les grandes cultures avec la venue de nouveaux clients « qui cherchent une relation humaine qu'ils ne retrouvent pas chez les grands groupes de la distribution agricole ». L'adhésion au réseau Agridis apporte, notamment pour ce marché, un prix et une sécurité de l'appro et un accès aux produits. Un technico-commercial a été recruté pour ce marché en septembre dernier pour seconder Patrick Vallée, responsable grandes cultures. Un silo de stockage à plat de 2 500 m2, pouvant recevoir 5 000 t de marchandises, a vu le jour pour la récolte 2012, avec une couverture en panneaux photovoltaïques. Après la fermeture de deux sites en 1995 et étant donné leur situation en ville, de l'espace silo était loué chez des collègues négociants et en portuaire, jusque-là. « Il y a du développement à faire sur ce créneau. Nous verrons si d'autres investissements sont nécessaires à l'avenir. Il s'agit d'évoluer régulièrement. C'est une course d'endurance en fait », précise Baptiste Prélat, responsable d'exploitation et conjoint d'Isabelle. En attendant, les nouveaux investissements vont se concentrer sur la rénovation et la mise aux normes des sites.

Agir plutôt que de subir

« Garder un cran d'avance par rapport aux agriculteurs » est le leitmotiv de la dirigeante qui, dans cet objectif, a l'intention de développer en 2013 un nouveau service autour de stations météo. « Ces stations seront installées chez les agriculteurs qui recevront des préconisations sur abonnement », souligne-t-elle.

C'est d'ailleurs ce leitmotiv qui l'a poussée en 2008 à monter un réseau dans le cadre du SCA (système de conseil agricole), promulgué par la dernière réforme de la Pac. « Même si à ce jour, en Aquitaine, le dossier SCA ne bouge plus depuis deux ans, devenir tête d'un réseau m'a permise de prendre ma place dans le milieu professionnel », remarque Isabelle Prélat-Chassagne qui reste vigilante, avec son équipe, sur tous projets et dossiers intéressant son secteur.

C'est ainsi, que le négoce périgourdin vient d'intégrer, sur la campagne 2012-2013, un système de biosurveillance, en Aquitaine, dans le cadre d'un suivi des effets non intentionnels (ENI) des produits phytos. « Nous sommes seulement deux distributeurs agricoles à y être aux côtés de lycées agricoles et de chambres d'agriculture. Nous préférons agir plutôt que de subir, et être présent là où il faut », développe Patrick Vallée. Deux parcelles, en vigne et en maïs, sont ainsi suivies. « Cette démarche séduit d'ailleurs les agriculteurs », confie-t-il. C'est dans un même état d'esprit qu'Agridor a entamé, il y a cinq ans, un partenariat avec PRP. « Nous avions une demande d'agriculteurs qui voulaient se reconvertir au bio. Le meilleur compromis que nous avions trouvé autour de produits pouvant servir en bio et en conventionnel a été l'offre PRP, détaille Patrick Vallée. Nos plus anciens clients travaillent depuis plus de dix-huit ans avec leurs produits. Et nous en gagnons de nouveaux, notamment des jeunes, et pas forcément des producteurs bio. » Ainsi, sur cent cinquante clients du fichier grandes cultures, une centaine sont utilisateurs de cette gamme.

Certifié pour le printemps

Aujourd'hui, le dossier qui mobilise l'équipe est la certification d'entreprise, gourmande en temps. L'audit à blanc prévu en décembre dernier a été reporté sur le début 2013. Isabelle Prélat-Chassagne n'a de cesse d'expliquer cette démarche à ses technico-commerciaux et à les impliquer dans l'élaboration du module préconisations par un informaticien prestataire de service. Elle se fait épauler depuis deux ans sur ce lourd dossier par son assistante, Nathalie Durand, qui s'appuie fortement sur la FNA (Fédération du négoce agricole), dont son outil en ligne et ses visioconférences. L'objectif étant d'être certifié en avril ou en mai prochain.

Hélène Laurandel

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