L’annonce d’une proposition, dans le projet de loi de finances pour 2024, visant à augmenter la redevance pour pollutions diffuses (RPD) de 20 % fait grincer des dents distributeurs et agriculteurs. « Une fois de plus, ce sont les agriculteurs qui payent et on commence à en avoir un peu marre », soupire Christophe Grison, président de la coopérative Valfrance, dans une vidéo publiée le 28 septembre sur X (ex-Twitter). Il estime que la RPD représente actuellement en moyenne 6,8 % de sa facture de produits phytosanitaires. « Avec la hausse, je vais être à 10 % de plus que mes voisins » luxembourgeois, allemands ou espagnols, indique l’agriculteur à Agrodistribution.
Olivier Bidaut, à la tête du négoce Asel, et président de la commission Agrofourniture de la FNA, a aussi fait le calcul : la RPD représente 6,3 % du chiffre d’affaires phytos de son entreprise, dans une région avec des cultures plus consommatrices, comme la betterave. Ce projet de hausse est « incompréhensible » pour lui. « On ne sait déjà pas ce qu’ils font des 180 M€ prélevés », déplore le négociant, pour qui une hausse de 20 % dans le contexte économique actuel paraît compliquée. Le choix du timing le fait aussi tiquer : « Décider en octobre pour une mise en place au 1er janvier, c’est méconnaître l’organisation du marché », avec le risque d’achats massifs des agriculteurs avant la fin de l’année, sans tenir compte des disponibilités et des stocks des produits.
Hausse des coûts pour les coops
Pour Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain, « c’est un coup porté à la compétitivité française de la production de céréales. Le risque pour les coopératives est de voir leurs volumes de collecte de céréales diminuer, qui seront compensés par des importations », avec à la clé « une hausse des coûts de fonctionnement des coopératives ». Pour lui, « nous sommes malheureusement entrés dans une phase de décroissance de production de céréales françaises, un peu à l’image de ce qui s’est fait dans l’industrie il y a vingt ans ».
188,7 M€ de RPD en 2021
En 2021, la recette de la RPD a atteint 188,7 M€ (96,9 M€ en 2020 et 139,2 M€ en 2019), d’après l’annexe au projet de loi de finances pour 2023 concernant les Agences de l’eau. Le document rappelle que « le rendement de cette taxe est très fluctuant, principalement en fonction de la météo de l’année qui a un impact direct sur les décisions d’achats de produits phytopharmaceutiques ».
La hausse de la RPD était notamment évoquée dans un rapport de 2021 du CGAAER, du CGEDD et de l’IGF, intitulé « Évaluation des actions financières du programme Écophyto », et publié en 2022 par France Nature Environnement, comme une piste d’action pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. « En taxant l’achat de PPP [produits phytos, ndlr], la RPD dissuade leur usage, et incite à privilégier les autres solutions de protection des plantes, toutes choses égales par ailleurs ».
Les auteurs précisent : « Pour que le signal soit perçu et que la réaction des acteurs aboutisse à une réduction de l’ordre de 50 % de l’utilisation des PPP, un doublement du prix est nécessaire. C’est donc un réel choc fiscal qui doit être réalisé », ajoutant que « sans autre mesure, la hausse de la RPD aurait un effet négatif sur la compétitivité de l’agriculture française, mais d’ampleur limitée : le poste PPP ne représentant aujourd’hui que 4 % de la valeur de la production agricole, et moins de 2,5 % si on y ajoute les subventions reçues ».
« Aucune transparence »
Le projet a aussi fait réagir la FNSEA, qui « s’indigne » et dénonce une « pénalisation incompréhensible », dans un communiqué du vendredi 29 septembre. Sur X, l’AGPM s’insurge contre un « énième alourdissement des charges agricoles », et une « énième distorsion de concurrence avec nos voisins européens aussi, sans aucune transparence sur l’affectation de cette taxe ! »