Décarboner sans décapitaliser, c’est possible
La nutrition animale a des solutions fonctionnelles pour décarboner les élevages. Afin d’atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, il n’est donc pas nécessaire de décapitaliser, au contraire.
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Le rapport de la Cour des comptes pointant une « nécessaire » réduction des cheptels bovins pour répondre à l’objectif de la neutralité carbone, au motif que l’élevage bovin représente 11,8 % des émissions de gaz à effet de serre, a enflammé le monde agricole en mai dernier. Cela car la décapitalisation est déjà engagée et qu’elle provoque une augmentation des importations, puisque la consommation ne baisse pas mais aussi car la décarbonation n’a pas besoin de décapitalisation. Ainsi, en début d’année, le groupe Bel et l’Organisation de production de ses éleveurs, APBO (Association des producteurs Bel de l’Ouest), ont testé en grandeur nature l’impact d’un additif, le Bovaer de DSM-Firmenich, avec l’Idele. Le test s’inscrit dans la logique d’une filière laitière bas carbone amorcée en 2018 aux côtés du pâturage et de l’agroforesterie.
Jusqu’à - 42 % de méthane entérique
« La réduction du méthane entérique a été estimée, en conditions optimales d’utilisation (dosage et régularité de consommation tout au long de la journée), entre 29 et 42 % selon les élevages sur les deux mois de l’étude. Ces résultats viennent confirmer les 30 % de réduction de méthane attendus en moyenne selon les études déjà publiées sur Bovaer », explique le groupe dans sa communication de fin octobre. Menée en hiver, l’étude fait état de résultats à modérer pour d’autres périodes de l’année, car lorsque les vaches sont au pâturage, une distribution de l’additif est impossible tout au long de la journée dans sa forme actuelle. DSM serait en train de développer une forme de produit à libération lente pour répondre à ce genre de situation. Fort de ces résultats, le groupe Bel a déjà annoncé en juillet qu’il allait déployer cette solution additive dans les exploitations de son bassin laitier slovaque, qui approvisionne son usine de Michalovce. Cette dernière produit les fromages Babybel pour quatre pays. L’Idele identifie d’autres voies alimentaires comme l’incorporation de tourteaux de lin (-3 % des émissions à l’échelle d’un troupeau laitier), d’algues (projet Méthalgue) ou de tannins.
De nombreux moyens d’action
Autres solutions, le changement de matières premières, comme l’ont montré Valorex et ses partenaires (Eureden, Tromelin) dans leur GIE SVP, avec l’incorporation de protéagineux comme la féverole. La démarche Duralim pour un panier de matières premières durable, dont l’absence de soja déforestant dans les usines françaises à l’échéance 2025, actionne un levier encore plus massif : « L’achat de matières premières est le poste majeur d’émissions de GES pour le secteur de la nutrition animale », rappelle Aurélien Simbélie, membre du bureau du Snia. En deuxième position vient la performance nutritionnelle, les indices de consommation poursuivant leur baisse continue dans les élevages monogastriques. Enfin, la nutrition animale peut aussi contribuer à réduire les émissions en abaissant les rejets des élevages. Non seulement en apportant les solutions nutritionnelles pour réduire les émissions de méthane des ruminants, mais aussi via une alimentation multi-phase pour coller le mieux possible aux besoins selon les phases de la vie des monogastriques notamment.
Arriver à chiffrer
Plusieurs études collectives ont été réalisées pour avancer. Ainsi, Abcis, le bureau d’études des trois instituts techniques d’élevage (Ifip, Idele, Itavi) a publié en février son étude sur la décarbonation dans les filières d’élevage avec une question clé : seront-elles capables d’atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui vise 46 % d’émissions en moins en agriculture d’ici 2050 ? L’étude n’explore pas l’impact d’un changement de consommation de produits animaux, mais les leviers actionnables à la production en hiérarchisant les priorités selon les espèces animales. Ainsi, les émissions des filières ruminants sont majoritairement liées à la rumination (fermentation entérique) quand celles des volailles sont aux 2/3 liées aux aliments. Les émissions des élevages porcins sont quant à elles imputées à la gestion des effluents (48 %) et à l’alimentation (41 %). « Quelle que soit la filière, l’atteinte de l’objectif de réduction nécessitera la mise en œuvre d’un ensemble d’actions », insistent les auteurs de l’étude. Ces actions relèvent à la fois de la maîtrise technique (taux de mortalité et de morbidité, intervalle vêlage-vêlage, indice de consommation) et des investissements dans des solutions plus économes (gestion des effluents, chaudières biomasse, isolation…). Au total, le potentiel de réduction global maximal chiffré dans cette étude atteint 45 % pour les ruminants, 47 % pour les porcs et 20 % pour les volailles, avec respectivement 7, 18 et 10 % gagnés grâce à l’alimentation. Il faudra évidemment affiner les résultats car l’étude propose la généralisation de la méthanisation. Or, celle-ci pose toujours la question de la concurrence des usages des coproduits avec la nutrition animale.
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Alimentation animale
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