La Corab, valeur ajoutée du bio

Laurent Proux, président, entouré par les deux codirecteurs, Jean-Louis Stenger (à gauche), qui pilote les projets aval, et Camille Moreau, qui suit la production du champ à son expédition du silo.
Laurent Proux, président, entouré par les deux codirecteurs, Jean-Louis Stenger (à gauche), qui pilote les projets aval, et Camille Moreau, qui suit la production du champ à son expédition du silo.

La coopérative charentaise, 100 % bio, se positionne sur des marchés à forte valeur ajoutée, et compte bientôt lancer sa propre marque.

Construction moderne toute de bois couleur miel et de baies vitrées, le nouveau siège de la Corab, à Saint-Jean-d'Angély (Charente-Maritime), est accueillant. La coopérative y a emménagé en 2017, et le partage avec le Gab 17. « Nous voulions un endroit où les salariés se sentent bien », explique Laurent Proux, son président. Et déjà, avec les nouveaux embauchés, il est presque trop petit. Il faut dire qu'avec le développement du bio, la Corab connaît une belle croissance. Le silo, juste derrière les bureaux, va lui aussi devoir être étendu. Reste à la coopérative à se structurer pour accueillir ces nouveaux tonnages, et conserver des marchés rémunérateurs. Côté collecte, l'OS a appris à travailler près de 30 cultures, avec des volumes variables et une zone de chalandise plus que conséquente, pour seulement 200 adhérents. La coop, qui gère seule sa commercialisation depuis son départ de l'union Fermes bio en mai 2018, mise sur des marchés à forte valeur ajoutée, en alimentation humaine. Et pour aller plus loin, elle va lancer sa propre marque, pour des légumineuses, des farines et des huiles. La direction de la Corab est bicéphale depuis janvier dernier : Camille Moreau, nouvellement arrivé, s'occupe de la partie allant du champ à la commercialisation, et Jean-Louis Stenger, qui assurait auparavant seul la direction, prend en charge l'aval, notamment les projets de développement et filiales.

L'histoire de la coopérative commence en 1998. Dix-huit producteurs bio créent la SCA Corab et louent un silo à Saint-Jean-de-Liversay en Charente-Maritime (5 600 t), chez l'un des adhérents fondateurs. Deux ans plus tard, la première salariée est embauchée. Dès 2002, un second site de stockage (3 800 t) ouvre à Poitiers. Il sera doté d'une chaîne de triage alimentaire en 2007, d'une capacité de 1 500 t/an. En 2010, la Sica Silo Bio Ouest est créée, donnant naissance au silo de Saint-Jean-d'Angély (6 070 t). Outre la Corab, six partenaires en sont actionnaires : l'union de coopératives UDCA (18 coops, toutes en conventionnel à l'exception de la Corab, qui en est membre), Biocoop, Léa Nature, les minoteries Bellot, Céréco, et Bio Planète. La gestion du site est déléguée à la Corab. Pour compléter, elle loue deux silos à Terre Atlantique, à Celles-sur-Belle dans les Deux-Sèvres (4 500 t) et à Annepont en Charente-Maritime (4 000 t). En plus, deux stockages tampons ouvrent en saison.

Une logistique collecte pointue

L'organisation de la collecte est loin d'être simple. Son périmètre géographique va de la Vendée à la Dordogne, en passant par l'Indre-et-Loire. « Le maillage territorial est peu dense, indique Camille Moreau. La gestion de la logistique est un enjeu essentiel. » La Corab a fait le choix d'un tarif unique pour les adhérents, quel que soit le volume. « On ne pénalise pas les petits adhérents éloignés », justifie Camille Moreau. « L'équité, c'est l'esprit de la coopérative », appuie Laurent Proux. Une orientation historique, même si elle a un coût. La Corab a également fait le choix d'un apport total. Les exploitations doivent aussi être uniquement en bio, et non mixtes. Et les nouveaux adhérents sont légions : « Nous avons environ 205 adhérents, mais le chiffre évolue tous les mois », note Camille Moreau. À titre de comparaison, en juin 2009, ils étaient 86. Des tiers non associés, apporteurs non adhérents, représentent un faible volume, « sur des cultures où nous ne sommes pas couverts », précise le codirecteur. Celles-ci sont nombreuses : de l'avoine au pois, en passant par le soja, la lentille ou encore le blé. Avec des spécificités à l'intérieur des productions. « Par exemple pour l'avoine nue, il faut deux cellules différentes, selon qu'elle respecte le cahier des charges bio français classique, ou le suisse, plus contraignant », illustre Camille Moreau. Au total, il estime que la coopérative travaille environ cinquante lots différents, pour une collecte de 12 000 t. 70 % partent en alimentation humaine, et 30 % en animale. « Le C2 (deuxième année de conversion), les produits déclassés et le maïs partent en alimentation animale, développe Camille Moreau. Mais l'objectif, c'est de faire le maximum en alimentation humaine. » Les contrats avec les producteurs sont annuels, avec annonce d'un prix minimum en début de campagne, et pluriannuel dès que possible avec les clients. « Pour les agriculteurs, c'est une vraie sécurité, ils ont une vision du prix avant les semis, on fait tout pour bien construire l'assolement », appuie Camille Moreau. Côté appros, la Corab est multiplicateur de semences, en partenariat avec sa voisine, Terre Atlantique.

Un quart du chiffre d'affaires est réalisé avec Biocoop, principal client, via des transformateurs. « C'est du commerce équitable Nord/Nord, précise Camille Moreau. Dans le cahier des charges, mais aussi dans la façon de faire. On a une vraie écoute : par exemple cette année, avec les - 35 % de collecte, ils ont entendu notre situation. » Parmi les clients, la Corab compte aussi Céréco (céréales pour le petit-déjeuner), The Bridge (lait d'avoine), Bio Planète, les Minoteries Bellot, Ets Moulins, ou encore la Minoterie Bourseau. En 2017, la Corab est devenue actionnaire majoritaire (51 %) de la société Alisa, spécialisée dans la transformation de graines bio sans gluten.

Elle fait désormais cavalier seul pour commercialiser ses volumes. La coopérative a quitté en mai dernier l'union de commercialisation Fermes bio, créée en 2014, pour des divergences de vues concernant la stratégie.

Une marque pour valoriser le local

Aujourd'hui, elle travaille à la réalisation de deux grands chantiers : l'extension du silo de Saint-Jean-d'Angély et la création d'une marque Corab. La capacité du site sera doublée dans les trois prochaines années. Quant à la marque, il s'agira de légumineuses dans un premier temps, puis d'huile de tournesol (voire de cameline) et de farines. Le nom, inconnu pour le moment, ne sera pas Corab. « L'objectif est de faire redescendre des euros dans les fermes », explique Laurent Proux. « Et de consolider nos débouchés pour pouvoir proposer de nouvelles surfaces, notamment pour les agriculteurs qui veulent nous rejoindre », complète Camille Moreau. Les premiers produits devraient être lancés courant 2019. Les légumineuses (300 t visées pour commencer) seront ensachées avec l'outil d'Alisa, au nord de Niort.

La farine sera transformée par un minotier partenaire. Pour l'huile, l'acquisition d'une presse est en cours : elle sera utilisée pour cette nouvelle gamme, et dans le cadre d'un projet avec un partenaire, Solibio, qui produit des huiles, des produits d'entretien et des cosmétiques. Les tourteaux sont valorisés en nutrition animale avec un autre partenaire, le Moulin Beynel. « C'est une belle filière. L'outil sera implanté à Saint-Jean-d'Angély, indique Jean-Louis Stenger. On espère triturer 300 t la première année, voire plus, et monter à 850 t à terme. » La trituration débutera à la collecte 2019. « Cette volonté des producteurs de vendre, sur le territoire, des produits locaux est une valeur portée par la bio, poursuit Jean-Louis Stenger. Cette décision de se déployer sur des métiers verticaux fait suite à une analyse menée en 2017 par le conseil d'administration. Au vu de l'arrivée sur le marché du bio d'acteurs de plus en plus importants, avec des volumes en croissance constante, la décision a été prise de se concentrer sur nos produits, notre territoire, et la valorisation, qui est le rôle de la coopérative. » Entre un secteur dont la croissance ne faiblit pas, et des projets ambitieux, l'avenir s'annonce bio !

Marion CoisnePhotos Jean-Michel Nossant

Une zone de collecte sur sept départements Le territoire de la coopérative est conséquent, comparativement au nombre d'adhérents (205) et aux volumes collectés (12 000 t).

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