A Moirans, dans l'Isère, on est au pays de la noix. Et s'il y a bien un arbre fruitier dont les surfaces progressent en France, c'est le noyer, qui constitue depuis quelques années le deuxième verger de France. Une aubaine pour les Ets Payre, présent en appro. Pourtant, à sa création, au début des années soixante, la quincaillerie familiale qu'ouvrent Norbert et Fernande Payre vend des jouets, des fleurs coupées, du charbon et du fuel, mais ne s'occupe pas d'agriculture. Ce n'est que quelques années plus tard que les époux se lancent dans le stockage des céréales, d'abord à Moirans en 1967, puis à Mens en 1981 au coeur du « grenier à blé du sud de l'Isère ». Son père alors malade cette année-là, Michel Payre arrête ses études de commerce et intègre l'entreprise. ll en deviendra le directeur général en 1986 et développera progressivement les capacités de stockage, l'appro (céréales, noix...), deux petites jardineries sous enseigne France rurale, mais aussi d'autres activités.
Management et innovations pour remotiver les TC
Outre la SAS Payre, centrée sur le négoce agricole, Michel Payre est en effet à la tête de quatre autres sociétés, chacune devant être centre de profit : l'activité jardinerie (SARL Jardimaison), un magasin de stockage, Payre produits pétroliers et, de manière plus surprenante, une activité d'installation et d'entretien de chaudières qui a démarré l'an dernier. « Tout le monde me demandait si je connaissais une entreprise pour entretenir les chaudières, je me suis dit qu'il y avait une demande. Puis, un jour, l'opportunité s'est présentée de reprendre une affaire de trois techniciens », raconte-t-il. Au total, il emploie 30 salariés pour 20 M€ de chiffre d'affaires.
Mais il y a quelques mois, à 52 ans, Michel Payre se rend compte que le négoce agricole ne se développe plus vraiment depuis deux ans, et qu'au final, « vendre de l'ammonitrate, ce n'est pas très motivant pour les TC ». Le virage que vient de prendre Michel Payre commence par un coup de théâtre : il rompt avec son responsable commercial de l'époque et recrute en novembre dernier Roland Rosseel, ex-directeur commercial et marketing d'un négoce de l'Ain, qu'il avait quitté depuis quatre ans. Une pointure et un fin connaisseur de la région, qui a monté il y a deux ans sa propre affaire de négoce, DLC Rhône-Alpes. A mi-temps aux Ets Payre, il a comme mission de développer rapidement le chiffre d'affaires et la marge. Cela passe par le management de l'équipe et l'introduction de nouveaux produits dans la gamme. « Roland Rosseel est arrivé en morte-saison, donc à une période compliquée, mais il a déjà réussi à référencer et développer quelques innovations », se félicite Michel Payre : des biostimulants de chez Gaïago et Lallemand plant care, le Nexen de Koch fertilizer ou encore des couverts végétaux en interculture.
Une ouverture vers les cultures spé et les espaces verts
Le directeur général en tire un premier bilan très positif : « On était une entreprise passive qui s'endormait un peu, on a nettoyé la poussière dans les angles et on est redevenu une entreprise active. Mon entreprise s'est réveillée depuis le mois de décembre. Les commerciaux sont regonflés. Un salarié qui devait partir à la retraite a même décidé de rester encore un peu. » En parallèle de ce dynamisme commercial retrouvé, les Ets Payre ont quitté en novembre le réseau Agridis, auquel ils adhéraient depuis quatorze ans, pour incompatibilité de personnes. Le négoce a fait le choix d'Agrosud, partenaire de Symphonie. « En vieillissant, on se rapproche toujours du soleil, plaisante Michel Payre. Plus sérieusement, avoir Soufflet comme leader du groupe Symphonie, ça parle », ajoutant que l'objectif est d'essayer autant que possible, par rapport à l'environnement concurrentiel, de se caler sur les politiques commerciales de Soufflet en blé et en maïs. En engrais, le négoce traite désormais seul avec ses fournisseurs, mais aussi avec Perret qui met à disposition, comme à tous les membres d'Agrosud, ses unités de fabrication d'engrais. Surtout, l'intégration dans Agrosud ouvre de nouveaux horizons. Les Ets Payre, qui viennent d'installer l'outil de préconisation du réseau, Précovision, peuvent se développer davantage en cultures spé, dans les espaces verts, sans oublier les grandes cultures. « Si vous restez avec le même nombre de clients aujourd'hui, votre courant d'affaires baisse. »
A la recherche de quatre TC
Et il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Quatre recrutements de TC sont en cours (maraîchage, arbo/viti, espaces verts et grandes cultures), « quatre charges variables qui devraient amortir les charges fixes ». Payre « ratisse » en effet déjà largement l'agglomération grenobloise avec sa propre flotte de camions, ces fameuses « charges fixes ». Néanmoins, « il est compliqué de faire du transport pour compte de tiers en période creuse, indique Delphine Moiroud, responsable QSE, car les entreprises ont souvent besoin de camions toute l'année, et pas ponctuellement ». D'où l'idée de diversifier l'activité, notamment aux espaces verts. Mais « on n'est pas dans l'urgence, on cherche avant tout des personnes compétentes », précise Michel Payre. Même si tout doit être bouclé d'ici cet été. Dans le maraîchage, « on est très présent, mais après le départ d'un TC, on n'était plus en progression depuis deux ans », reprend-il. Quant au secteur arbo/viti, il est plutôt nouveau - en dehors des noyers - pour les Ets Payre, qui aimeraient intervenir davantage sur les pommiers, les pêchers, les poiriers de la région voire le vignoble de Savoie. Même si, sur ce dernier créneau, Roland Rosseel est plus sceptique, les intervenants étant nombreux avec une offre en appro déjà étoffée. Pour l'alimentation animale, les Ets Payre, qui sont revendeurs pour Sanders, commercialisent environ 4 000 t/an d'aliments. « C'est un tonnage qui progresse chaque année dans un marché qui recule », se réjouit Michel Payre, qui l'explique de plusieurs manières : la présence d'un TC dédié épaulé par deux commerciaux de chez Sanders, des prestations d'analyses de fourrage, un logiciel de rationnement précis et une gamme d'aliments adaptés à chaque espèce (bovins et ovins, viande et lait) et s'inscrivant dans des cahiers des charges. Le négoce compte bien d'ailleurs développer de nouveaux produits sur ce créneau. « Le développement de l'entreprise, reprend Roland Rosseel, je le vois surtout en grandes cultures et dans la noix, par l'élargissement des gammes. Il faut proposer des produits haut de gamme sur des marchés comme la noix où les producteurs gagnent leur vie. »
Concrétiser des parts de marché en contractualisant
En grandes cultures, en dehors des cahiers des charges classiques, comme le blé Valcétri (une filière contractualisée sur un terroir de qualité où sont partenaires plusieurs OS locaux avec la minoterie du Trièves), « l'objectif est de contractualiser des blés meuniers sur l'appro et sur la collecte pour septembre 2015 », vise Michel Payre. « L'idée est de concrétiser une certaine part de marché avec les producteurs », rappelle ce dernier, en charge de la collecte qui part pour l'essentiel en alimentation animale, en France ou chez les voisins italiens et espagnols. La reprise de la production de semences de blé et de soja, déjà investie par le passé, est également envisagée. « On cherche tout ce qui peut apporter de la pérennité à l'entreprise. » « Et demain, poursuit Roland Rosseel, on communiquera beaucoup plus sur un plan technique et commercial. » Le nouveau site web devrait être mis sur la toile en septembre. Un site de collecte relais, à plat, est également dans les cartons et devrait sortir de terre dans les deux ans, de même que deux tandems dépôts-jardineries en plus d'un dépôt agricole attenant à la jardinerie d'Entre-deux-Guiers, où son épouse gère la partie administrative. Quant à leurs enfants, ils ont déjà les deux pieds dans l'entreprise.
Renaud Fourreaux