« Depuis toujours, nous avons cherché à diversifier les activités du négoce », explique Jean-Claude Magne, directeur général du négoce éponyme. En 1956, quand son père rachète ce petit négoce de Florensac, le commerce d'aliments pour chevaux compose la majeure partie de l'activité, complétée par un peu de produits phytosanitaires et de matériel de palissage. Depuis, le négoce s'est développé, notamment en rachetant plusieurs confrères, et couvre désormais trois départements : l'Hérault, l'Aude et les Pyrénées-Orientales. Implanté dans une région à large dominante viticole, le négoce réalise 90 % de son chiffre d'affaires en viticulture. « On maîtrise environ 40 000 ha de vigne », estime Jean-Claude Magne qui est aussi administrateur de la FNA et du réseau Agridis. Pourtant, centré sur la viticulture, le négoce est également l'un des rares à être stockeur de céréales dans une région où la collecte est tenue par des poids lourds de la coopération. La commercialisation est gérée par Jean-Claude Magne : « Pendant longtemps nous avons eu des contrats avec des semouleries à Marseille, maintenant nous travaillons plutôt vers l'export. Le port de Sète n'est qu'à une vingtaine de kilomètres. » S'il n'est plus question d'alimentation animale, aujourd'hui l'offre s'est élargie.
Outre une activité appro en produits phytos, engrais et semences, Magne propose du matériel de palissage, du carburant, du matériel agricole (y compris pour l'irrigation), une offre jardin, et réalise 12 000 t de collecte de céréales chaque année. Sans oublier une pléiade de services, facturés ou non. « Nous voulons apporter une offre globale, avec des solutions pour tous les domaines de l'exploitation », déclare Jean-Claude Magne. Depuis quatre ans, le négoce propose du matériel agricole pour le travail du sol, de la vigne, et pour la pulvérisation. Parti notamment du constat, que « 80 % des problèmes d'efficacité des produits phytosanitaires sont liés à la pulvérisation », le directeur décide de racheter un concessionnaire. « Nous avons aussi été sensibles à l'aspect respect de l'environnement », ajoute Jean-Claude Magne. Le négociant a aussi créé une société d'irrigation, Irridoc, dans laquelle il est majoritaire et qui réalise 1 M€ de chiffre d'affaires. « On assiste à un important développement de la mise en irrigation de la vigne, d'une part pour avoir une récolte plus régulière, d'autre part pour l'approche qualité », explique-t-il. Le négoce agit comme apporteur d'affaires pour Irridoc, qui réalise les devis et les chantiers.
Diversifier pour mieux régner
Mais cette diversification n'est pas sans risque : « Elle doit être bien réfléchie, et il faut acquérir rapidement une bonne expertise sur le sujet », analyse Jean-Claude Magne. La relation forte, sur de multiples domaines, avec les agriculteurs peut être à double tranchant : « Pour le matériel agricole, nos clients sont plus exigeants avec nous qu'avec une société qui ne vendrait que cela. » Cette multiplicité d'activités permet au négoce de parer aux impondérables. « Il y a cinq ans, quand nous avons racheté Agrijou dans les Pyrénées-Orientales, l'objectif était de s'implanter dans un nouveau département, mais aussi d'acquérir de nouvelles expertises en arboriculture et en maraîchage, relate le directeur, de façon à pouvoir rebondir en cas de pépin sur la vigne. » Agrijou, pour des questions de gestion, a conservé son nom. Parallèlement, « nous misons sur un accompagnement important, explique Jean-Claude Magne. Nous ne voulons pas être des marchands de produits, mais des pourvoyeurs de solutions. Si on prend des parts de marché, c'est par le conseil ». Plus de 1 200 personnes assistent chaque année à nos réunions d'informations.
Des CAP et des experts
En interne, les CAP (conseillers agronomiques préconisateurs), généralistes, sont épaulés par des experts dans les différents métiers : machinisme, irrigation... Le négoce a aussi construit une offre de services conséquente, axée notamment sur des aspects santé pour l'agriculteur et sur le respect de l'environnement. « Sans oublier, bien sûr, l'aspect rentabilité, rappelle Jean-Claude Magne. Les deux piliers de la durabilité sont rentabilité et environnement. » Sur le site internet du négoce, la ligne est annoncée : « Rebondir grâce à toutes les dispositions en faveur de la protection de l'individu et de l'environnement » et « être compétent pour accompagner le viticulteur professionnel de demain, non seulement dans sa production, mais aussi dans la mise en place des mesures agro-environnementales ». En pratique, cela se traduit par des réunions de sensibilisation au port des EPI (équipements de protection individuelle), des audits et installations d'espaces phytos (local, gestion des effluents...), un accompagnement à la mise en place de la certification HVE (haute valeur environnementale)... ou encore le prêt de l'un des soixante épandeurs du négoce.
Innover par le service
Mais surtout, Magne innove. « Notre signature, c'est l'innovation par le service, raconte le directeur du négoce. Mon père travaillait déjà comme cela. » Depuis plus de quinze ans, le négoce met en place un réseau de stations météo de pointe. Aujourd'hui, avec une cinquantaine de stations installées, « c'est le plus beau réseau d'Europe », estime Bernard Taïx, directeur technique. Outre de précises données météorologiques (pluviomérie, vent, hygrométrie...), le producteur a accès à un panel d'informations, comme la modélisation de la pression ravageur ou encore l'évapotranspiration prévisionnelle. Ce qui lui permet non seulement d'ajuster au mieux ses traitements phytos, mais aussi son irrigation.
Depuis trois ans, Magne s'est aussi doté d'un service d'analyses de sol, et développe actuellement un outil pour modéliser l'alimentation de la plante. « Il faut remettre l'agronomie au centre des préoccupations de nos clients, estime Jean-Claude Magne. Une plante bien alimentée va mieux résister aux maladies, sans compter pour la vigne l'impact sur la qualité du vin. » L'offre services est en renouvellement permanent. Après la fertilisation, la gestion des besoins en eau de la plante est à l'honneur. Cette année, Magne lance un logiciel, élaboré avec ITK, pour piloter l'irrigation de la vigne, qui utilise les données des stations météo du négoce. « ITK'vigne permet d'intégrer des éléments comme la profondeur des racines, les caractéristiques du sol, le cépage, ou encore son objectif : « Quel type de vin je veux produire ? Aromatique, tannique ? », précise Bernard Taïx.
Identifier pour valoriser
Quid de leur facturation ? « C'est difficile de vendre du service, répond Jean-Claude Magne. Il y a quelques années on s'est posé la question de dissocier le produit du service. Mais finalement, l'important c'est de bien l'identifier : nos clients nous payent par leur fidélité. » Un point délicat dans une région frontalière avec l'Espagne et ses produits à prix discount. Seuls certains services sont facturés à part, comme l'abonnement aux données météo, les analyses de sol ou les espaces phytos. « Il y a un gros travail d'identification et de valorisation à faire sur les services », appuie Jean-Claude Magne. Et demain ? « C'est avec les services que l'on pérennisera l'entreprise, estime-t-il. Je suis persuadé que dans notre métier, ce sera difficile pour ceux qui resteront axés uniquement sur les produits. Le challenge, c'est d'inventer le métier de demain. » Quant à une nouvelle piste de diversification, « nous sommes à l'écoute pour reprendre une structure dans la vigne ».
Marion Coisne