Burggraf-Becker fier de son image de meunier

Isabelle et Jean-Yves Welsch, directrice générale et directeur commercial avec Rita Burggraf-Becker, PDG de l'entreprise depuis 2001 : « Le moulin Burggraf-Becker est une affaire familiale qui se transmet de mère en fille. »Marie Faggiano
Isabelle et Jean-Yves Welsch, directrice générale et directeur commercial avec Rita Burggraf-Becker, PDG de l'entreprise depuis 2001 : « Le moulin Burggraf-Becker est une affaire familiale qui se transmet de mère en fille. »Marie Faggiano

Comme il n'occupe pas de position géographique stratégique, le moulin Burggraf-Becker mélange les genres et mise avec bonheur sur son image d'entreprise artisanale.

Moulin, fournisseur d'aliments ou négoce ? Isabelle et Jean-Yves Welsch, respectivement directrice générale et directeur commercial du Moulin Burggraf-Becker, mais aussi époux dans la vie, refusent de choisir le métier qui leur sied le mieux. « Le moulin a bifurqué vers l'alimentation animale qui l'a elle-même emmené vers le négoce agricole. Ce sont des extensions naturelles de l'activité de base qui forment aujourd'hui un ensemble entre l'animal et le végétal », estiment-ils. La meunerie à l'origine de la création de l'entreprise en 1883, reste le coeur de métier. Les meules écrasent une tonne de grains par heure pour élaborer une gamme de soixante-huit farines, classiques, spéciales, bio... Mais la meunerie ne vient plus qu'au troisième rang du chiffre d'affaires. Le virage de l'alimentation animale date des années soixante. « Un moulin produit des sons. Il suffisait d'ajouter minéraux et vitamines et de presser pour obtenir les premiers aliments composés », rappelle Jean-Yves Welsch. Cette activité se développe à la faveur de la reprise en 1989 et 1992 de clients éleveurs de deux petits négoces voisins qui s'arrêtent. Elle grossit jusqu'à peser actuellement la moitié du chiffre d'affaires. Le fait d'intervenir de plus en plus chez les éleveurs, débouche sur une demande purement agricole. L'entreprise se donne les moyens d'y répondre pleinement à partir de 2000 en embauchant deux technico-commerciaux, et en investissant 400 000 € dans dix cellules totalisant une capacité de 1 100 t dédiées au bio.

« La collecte n'est pas la priorité »

« Nous voulions accompagner des éleveurs laitiers alors récemment convertis dans la vente de leur surplus de céréales », indique Isabelle Welsch, née Burggraf, qui rejoint l'entreprise en 1983, une fois son brevet de maîtrise de meunerie en poche. Avec le silo datant de 1975, la minoterie cumule 3 000 t de capacité, dont la moitié est prévue pour alimenter ses meules. Et il n'y a aucune raison que cela augmente.

Le moulin Burggraf-Becker se situe à la limite de la forêt vosgienne et de la plaine d'Alsace, à Dossenheim-sur-Zinsel. « Les champs céréaliers sont à au moins quinze kilomètres à l'est comme à l'ouest. Dans ces zones, le maillage des dépôts est suffisant pour que les agriculteurs ne s'amusent pas à circuler sur des routes étroites pour nous livrer. La collecte n'est pas la priorité », souligne Jean-Yves Welsch. Le moulin se contente des contrats qu'il signe pour des variétés meunières, comme Arezzo ou SY Moisson en 2015, soit 25 à 30 % du volume total. Il ne cherche surtout pas à « être le meilleur » pour rapatrier dans le village les volumes cherchés en bord de champ, soit la moitié de sa collecte. Isabelle et Jean-Yves Welsch préfèrent mettre en avant la « connotation artisanale » liée à leur image de « moulin ». Ils font jouer leur « réactivité » pour « profiter de toutes les opportunités ». La première fois, c'était au début des années quatre-vingt-dix. L'obsolescence de leur outil d'aliment du bétail les fait choisir l'externalisation, car « il y a davantage de plus-value à livrer et à conseiller qu'à fabriquer ». Pendant presque dix ans, ils confient leurs recettes à un premier fournisseur, mais l'évincent en raison de tarifs qui dérapent. Le deuxième partenaire est le bon. En 1999, Jean-Yves Welsch trouve chez la société allemande Muskator « le sérieux » qu'il recherche. « De bons produits, des interlocuteurs très pragmatiques, une politique commerciale correcte » font que les deux parties « se font confiance ». « Ce sont de vrais professionnels qui répondent à mes besoins. Il n'y a pas de grande stratégie marketing. L'image de leurs produits se fait sur les performances obtenues en élevage. Notre produit phare en lait est inchangé depuis seize ans. Le concentré de production Elite GC 100 reste notre première vente », signale Jean-Yves Welsch. En 2011, le rachat de la société par Mifuma à Mannheim, ne remet pas en cause la continuité de la relation, car les hommes en place ne changent pas. A partir de 2000, l'entreprise professionnalise le discours adressé à ses clients. Elle se pose en « préconisateur » pour obtenir les blés souhaités. Elle crée une ambiance positive autour de sa marque d'aliment en organisant des visites d'élevage, des voyages d'études, en participant à des foires et concours. Elle adhère au GIE Krysop en 2007, le moyen pratique pour elle d'avoir accès aux informations réglementaires et techniques et à toutes les matières actives. Jean-Yves Welsch anime l'équipe de TC de manière originale. Il laisse à chacun une forte autonomie et un pouvoir de décision pour retenir ou non des produits figurant dans leur gamme.

Une boutique sous enseigne « Moulin »

« Au sein de l'équipe, chacun a sa spécialité, mais ce n'est pas la peine d'être un crack dans tout, ajoute-t-il. Nous n'hésitons pas à nous donner des coups de main les uns les autres, à accompagner le collègue qui a besoin d'une expertise, même si ce n'est pas son secteur. Ce service est rendu gratuitement. Une journée par semaine, la force de vente de mon fournisseur d'aliments ou de minéraux fait la tournée avec un TC. Laisser mon fournisseur aller seul chez un éleveur après lui avoir communiqué les informations clientèle ne me gêne pas. Je pars du principe que du moment que la performance commerciale est au rendez-vous, il continuera à travailler avec moi. Il faut être ouvert. En vivant en permanence dans la peur, on ne fait plus rien ! »

« Nous essayons de faire avancer tous les curseurs. Dès qu'un créneau est jugé porteur, on fonce », ajoute Isabelle Welsch. De 2008 à 2011, le moulin se modernise moyennant une dépense d'1 M€. Le remplacement des machines en bois, de l'élévateur à godets, l'installation d'un nouveau circuit de nettoyage, améliorent de 30 % la performance de l'outil. Le même circuit passe facilement des céréales conventionnelles à leur équivalent en bio qui contribuent actuellement le plus au développement de l'activité meunerie. Un poste de commercial est d'ailleurs créé pour le segment de marché des farines bio en 2009. L'étape suivante se concrétise en avril 2016. L'entreprise construit pour 450 000 € un magasin libre-service de 280 m². Sous l'enseigne « Moulin », il propose un espace boutique avec produits d'épicerie (pâtes, confitures, conserves, miels... et bien entendu farines) ainsi qu'une surface dédiée à l'alimentation animale qui s'adresse aux propriétaires de chevaux et de basse-cour.

Lieu d'échanges et de ventes, côté ferme ou côté cuisine

En deux mois, plus de 1000 cartes de fidélité ont déjà été établies. « Il y a un côté ferme, où seront organisées des réunions d'information destinées aux éleveurs, aux associations cunicoles, avicoles et colombophiles. Il y a un côté cuisine, où seront par exemple dispensés des cours de pâtisserie et de cuisine. Le magasin doit non seulement être un espace de vente, mais au moins une fois par mois un lieu de rencontres et d'échanges », poursuivent-ils. Les premières animations sont prévues en septembre.

Cette diversité des orientations a un bon et un mauvais côté. « Comme nous sommes monosite, nous subissons des contrôles chaque année. Du point de vue législatif, c'est lourd à gérer. Nous devons être au courant de tout, dans tous les domaines. J'ai le Certiphyto, le CSA-GTP. Ce sont des contraintes par rapport aux volumes traités », indique Jean-Yves Welsch. A l'inverse, Isabelle Welsch relève : « En touchant un peu à tout, notre vision est plus globale. Intellectuellement, c'est plus motivant, même si c'est fatigant. De plus, nous nous posons moins de questions par rapport au devenir des phytos. D'éventuelles restrictions ou leur disparition ne nous touchera que marginalement. Nous sommes plus sereins que certains de nos confrères. Car nous sommes certains de toujours avoir de l'activité ! »

Christophe Reibel

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