Jeusselin contractualise les premiers sojas sarthois

Gilles Jeusselin, PDG (à droite), et Joël Perdereau, DG depuis mai 2014, conduisent le négoce vers une diversification dans les cultures, mais aussi dans la mise en marché.Photos Cédric Faimali
Gilles Jeusselin, PDG (à droite), et Joël Perdereau, DG depuis mai 2014, conduisent le négoce vers une diversification dans les cultures, mais aussi dans la mise en marché.Photos Cédric Faimali

Le négoce sarthois Jeusselin SA soutient le déploiement du soja et des blés améliorants dans le nord de la Sarthe, deux filières aux débouchés sécurisés et à plus forte valeur ajoutée pour les producteurs.

Le lancement cette année des deux cent cinquante premiers hectares de soja dans le nord de la Sarthe par les Ets Jeusselin, s'inscrit dans une logique historique de croissance maîtrisée mêlant croissance externe et interne. En effet, dès 1950, Jules Jeusselin démarre son négoce de pommes auquel il adjoint très vite une différenciation avec le négoce de céréales à Moncé-en-Saosnois, au coeur d'une région aux terres plutôt profondes. « En 1962, mon père a construit son premier stockage de céréales à la gare de Moncé-en-Saosnois. A l'époque, le chemin de fer était essentiel pour le métier avec l'apparition, puis la généralisation du vrac. C'est pourquoi, même si beaucoup de lignes ont été fermées depuis par la SNCF, tant de négoces sont aujourd'hui installés en ville, ce qui peut poser des problèmes d'extension », explique Gilles Jeusselin, actuel PDG de la société éponyme.

Croissance externe soutenue

Celle-ci fut créée en 1968 à part égale entre Jules Jeusselin et René Huttepain, alors concessionnaire Duquesne Purina, et qui sécurisait ainsi un débouché en nutrition animale. « Notre géolocalisation est un atout majeur pour assurer les meilleurs débouchés des productions locales. Le canal principal et historique est celui des fabricants d'aliments sarthois, mais la proximité de la Bretagne permet également de toucher d'autres usines. Consommatrices toute au long de l'année, elles constituent des partenaires incontournables », détaille le dirigeant. L'entreprise, avec Rouen et Montoir, est également connectée avec le marché export et renforce, en meunerie, ses partenariats locaux pour valoriser les blés de haute qualité produits dans son bassin de collecte. « Nous avons installé le premier séchoir à grains également à Moncé-en-Saosnois puis créé, en 1987, le silo de Mamers, site de stockage et de séchage. »

L'entreprise a poursuivi sa croissance en rachetant successivement dans sa zone : la société Gagnot en 1990, la société Yvon en 1991, la société Foulard en 1993, puis la société Brissard en 1998. « En 2001, nous avons construit le séchoir de Marolles-les Braults. C'est aussi l'année de l'intégration du groupe Huttepain au sein du groupe LDC. Nous avons donc suivi au regard de notre actionnariat sachant que si nous pouvons nous adosser au groupe, celui-ci laisse chacune de ses unités en gestion autonome, relate Gilles Jeusselin. Et l'année suivante, nous avons continué à nous diversifier en créant un Lisa France Rurale à Marolles-les-Braults. » La politique de croissance externe s'est également poursuivie avec la reprise en 2009 du site de Cherré.

Fort investissement en séchage

Implantée dans une zone où le maïs s'est beaucoup développé, l'entreprise a investi régulièrement pour disposer désormais de sept séchoirs pour une capacité totale de 32 000 points. Cette volonté d'investir en séchage permet aussi au négoce de proposer ce service à d'autres entreprises locales. Il poursuit sa politique d'investissement avec environ 500 000 € chaque année consacrés aux mises aux normes (sécurité, pollution) et aux cellules. L'entreprise est certifiée Ecophyto, 2BSVS (pour les biocarburants), CSA-GTP (commerce de grains) et Qualimat transport.

« La société s'est toujours développée car elle a su innover, oser la diversification comme avec le garage multiservice et le Lisa, mais aussi proposer à ses clients agriculteurs de nouveaux outils d'aide à la décision et de nouvelles cultures. Face à la volatilité des cours, nous cherchons aussi à sécuriser leurs débouchés », estime Gilles Jeusselin. « Le blé tendre, le maïs et le tournesol sont aussi porteurs d'innovations, mais c'est vrai que le lancement cette année du soja et du blé améliorant élargit nos propositions. C'est aussi le cas du lin », explique Joël Perdereau. Recruté par LDC amont en 2013 pour prendre la direction de Verron, l'autre négoce du groupe intégré en 2010, il a été nommé directeur général de Jeusselin en mai 2014.

« Nous sommes réactifs face à des marchés émergents. Nous faisons notre métier en proposant des solutions innovantes répondant à la fois aux demandes des agriculteurs et à celles des marchés. Et ce projet mobilise toutes les équipes », estime-t-il.

Toutes les cartes côté négoce

L'entreprise avait déjà tenté le soja en 1987, mais les variétés disponibles à l'époque et, surtout, la forte concurrence du maïs avait mis fin à cette première ouverture. Cette année, le négoce a mis toutes les cartes de son côté en sélectionnant cinq variétés de soja, évidemment non OGM, choisies pour leur adaptation au contexte pédoclimatique, mais aussi la hauteur de gousse, la résistance aux maladies et le taux de protéines. Le service technique a proposé quatre modes d'implantation : un semis à la volée, un semis en ligne classique, un semis de précision et un semis sur bâche. Celui-ci a d'ailleurs donné les meilleurs résultats pour lutter contre les dégâts des oiseaux et obtenir une levée homogène. Enfin, point central du lancement de la production, Jeusselin a construit un contrat sécurisé pour une reprise de toutes les graines par Alifel, l'usine d'aliments de la Cafel (fermiers de Loué). Cette dernière les fera extruder pour ses volailles à Saint-Fulgent, dans un outil du groupe LDC, mais envisage de s'équiper lorsque les volumes valideront un tel investissement. Trente-six producteurs ont essayé la culture sur des surfaces de test, pour 4 ou 5 ha chacun. « Ils ont adhéré dès que nous leur avons proposé cette diversification qui correspond donc bien à leurs attentes. Tout le monde ne va probablement pas recommencer l'an prochain, car la culture est sensible au stress hydrique à la floraison. De plus, les conditions de cette année ne lui ont pas permis d'exprimer partout son potentiel. Avec ceux qui vont poursuivre et les nouveaux qui vont tenter l'an prochain, nous pourrons affiner les choix techniques grâce à ces premiers tests. Nous savons, par exemple, qu'il faudra réserver au soja des terres profondes avec de bonnes réserves en eau et être particulièrement attentifs au lit de semence pour obtenir une levée homogène, détaille Régis Lecomte qui suit les cultures. Nous sommes également très impatients de voir l'impact du soja sur la productivité du blé suivant. » Et une certitude, ces premiers hectares devraient se multiplier l'an prochain, la filière Loué en consommant chaque année jusqu'à 20 000 ha...

Gros potentiel de production

L'arrivée du soja élargit également les modes de commercialisation. « Il s'agit d'un marché de filière, rappelle Vincent Bernard. Dans les marchés standard, les aspects qualités prennent de plus en plus de place, comme la montée de la demande en protéines pour les débouchés en nutrition animale, qui devient contractuelle et que nous gérons par le réagréage des lots. Dans les marchés de filière, ce critère qualité est encore plus prédominant, mais le besoin de base doit être exprimé par l'industriel utilisateur. Puis nous proposons des contrats qui offrent au producteur une visibilité sur sa marge puisque le prix est fixé. Nous avons un gros potentiel de production avec une grosse demande en France pour du soja non OGM et local. » Cet optimisme est partagé par Thierry Foulard, le responsable commercial : « Le lancement de ce soja non OGM apporte une réelle motivation au sein de l'entreprise avec l'ouverture d'un nouveau marché porteur. Tout le monde s'est investi, car il faut que tout avance en même temps. Evidemment une culture comme le soja n'a pas besoin d'engrais et beaucoup moins de phyto, mais elle demande des semences et exige que tout le monde apprenne comment optimiser la conduite. Nous avons tous passé beaucoup de temps à suivre le soja ce printemps. Tous les vendeurs ont des clients qui en ont implanté. Cela me rappelle un peu le début des betteraves voire du maïs dans la région. Tout cela est très motivant sur le court mais aussi le long terme. »

Yanne Boloh

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