Chez les Cholat, on naît François de père en fils. Et depuis 1877, date à laquelle la maison familiale a été créée à partir de la reprise d'exploitation des Grands moulins de Thuile construits eux-mêmes, à Morestel (Isère) en 1461, cinq générations de François Cholat se sont succédé. Aujourd'hui, ce sont les deux frères François Claude, président du directoire, et François Christian, directeur du directoire, qui tiennent les rênes de la Générale agricole industrielle et commerciale (Gaic), plus connue dans la région sous le nom de Maison François Cholat. Si la meunerie, représentée par les Grands moulins de Thuile, constitue l'activité originelle, l'entreprise a réalisé ses premières fabrications d'aliments composés en 1936, lancé sa marque phare d'aliments, Le Père François, en 1950, puis s'est attaquée à la collecte et l'appro, respectivement en 1968 et 1978.
Une collecte 100 % Allobroges
« A une ou deux exceptions près, 100 % de nos clients agriculteurs, éleveurs ou boulangers exercent en Rhône-Alpes », informe François Claude Cholat. Ainsi, les Grands moulins de Thuile écrasent du blé produit en Rhône-Alpes et proposent aux boulangers rhônalpins une quinzaine de sortes de farines panifiables et une centaine de farines de mélange. « Les 40 000 t de grains que l'on transforme pour la meunerie et l'alimentation animale sont issues à 100 % de notre collecte, qui avoisine les 200 000 t. Ce qui nous permet de sélectionner les lots dont les critères correspondent à la transformation en farine. »
Les Grands moulins de Thuile se positionnent sur des farines de qualité issues de blés locaux pour donner naissance à des pains spéciaux, à l'instar du Pavé de Savoye (2005), un produit 100 % savoyard, ou du pain des Allobroges (2007), du nom de l'ancienne contrée gauloise s'étendant sur le territoire actuel de la Gaic. Le tout, en misant sur le marketing (croix de Savoie, traduction en anglais pour les zones touristiques…). Depuis 2007, le moulin est également habilité pour la production de farine Label rouge. « C'est une volonté de l'entreprise de s'inscrire sur le créneau de la tradition et de l'artisanat », poursuit Christelle Butty, chargée de communication. 90 % des clients sont d'ailleurs des artisans boulangers-pâtissiers.
Des contrats de production pour valoriser le blé
Même philosophie au niveau de l'activité de nutrition animale. « Nous élaborons des recettes à la carte, en fonction des besoins nutritionnels de l'élevage concerné », reprend François Christian Cholat. L'unique marque, Le Père François, est un « signe de qualité et de rigueur ». Un plan de contrôle tout au long du processus de fabrication, permet de suivre la qualité des produits et d'« atteindre une satisfaction des clients proche de 100 % ». L'usine d'aliment s'est également fortement impliquée dans les AOC et IGP savoyards comme dans la filière viande et lait de tradition.
Le tournant de l'entreprise remonte à 1997. Alors que s'automatisaient les usines et s'accentuaient les efforts de traçabilité, le service appro-collecte mettait en place ses premiers contrats de production dans le cadre de la charte Arvalis-Irtac. C'est aussi à cette date que la Gaic a réellement développé l'activité appro, d'abord sur grandes cultures, puis sur cultures spécialisées. « Dans les années 1980, certains TC n'avaient même pas de grille tarifaire et livraient eux-mêmes les produits », se souvient François Claude Cholat. Depuis, la professionnalisation progressive du métier est passée par là. En 2007, la Gaic a adhéré au groupement D'Clic pour les achats de phytos et semences. L'offre de services s'est aussi étoffée. Un TC est même dédié à la promotion de cette gamme (Visioplaine, N tester, plans de fumure…). « C'est une personne qui a souhaité évoluer, précise-t-il. Lorsque l'on détecte des envies et des compétences, on essaye de réorienter les salariés et de faire en sorte qu'ils prennent plaisir en s'investissant à fond, avec du bon stress. » Pour autant, les TC et les responsables de site sont autonomes. « Je leur demande seulement de respecter les horaires et que les clients ne m'appellent pas pour se plaindre. Pour le reste, ils gèrent eux-même leur activité. » En parallèle, dès les années 2000, l'entreprise a pris le virage des démarches qualité (certifications GTP, CSA et Iso 9001), afin de répondre aux exigences d'hygiène et de sécurité alimentaire.
Une charte qualité filière basée sur la sélection régionale
Dernière en date, née en novembre 2011, la charte Qualité filière en Rhône-Alpes (QFRA). Créée en interne, avec l'aide d'un organisme de contrôle, elle est basée sur trois caractéristiques que sont la sélection régionale des matières premières, le contrôle de la qualité du produit et l'accompagnement technique des clients. Le tout pour garantir la qualité des produits et des services. « On cherchait des thèmes fédérateurs pour nos quatre branches d'activité, commente la coordinatrice de cette charte, Sandrine Chemin, ce que l'on ne trouvait pas dans l'existant. » Pour vérifier les engagements, la Gaic est auditée trois jours deux fois par an. « On a trois ans pour parvenir à ce que 100 % d'agriculteurs travaillent selon la charte Arvalis-Irtac pour la production de blé tendre », poursuit-elle (contre 60 % aujourd'hui). La charte QFRA contient même un volet pour les farines Origine & qualité contrôlées, issues de blé provenant d'un territoire particulier. Farines qui débouchent sur des pains spéciaux comme La baguette des sommets ou la Tradition des Savoies, lancées récemment.
« On veut se servir de la charte QFRA pour développer de manière équilibrée toutes les activités », annonce François Claude Cholat qui rappel le que, chez la Gaic, il n'y a pas de transfert de marge d'une activité à une autre. « Un tabouret, ça tient mieux sur quatre pieds », résume François Christian Cholat, faisant référence aux quatre activités de l'entreprise. « On essaye d'avoir une croissance maîtrisée, raisonnée, aussi bien en interne qu'en externe », reprend François Claude Cholat. Après avoir pris une participation de 50 % dans les Ets Douillet (Ain), il y a un an, la Gaic est d'ailleurs en discussion plus ou moins avancée avec d'autres entreprises, pour des partenariats ou des reprises. Même si l'heure de la retraite n'a pas encore sonné, « tout est mis en oeuvre pour que la sixième génération ait envie de prendre la suite », s'enthousiasment les deux frères, « en leur confiant progressivement des responsabilités dans le respect des générations précédentes ». Cet été, jusqu'à neuf Cholat ont travaillé dans l'entreprise…
Un accompagnement technique des boulangers
Ardent défenseur de la profession, la Gaic est adhérente à l'ANMF, au Snia, à la FNA et au Négoce centre est, syndicat professionnel interrégional créé récemment, dont le secrétaire est François Claude Cholat. Le négoce soutient également la boulangerie artisanale et se donne comme vocation d'aider les boulangers à se former, à s'installer et à développer leur chiffre d'affaires. Ainsi, deux boulangers conseils salariés de la Gaic parcourent la région pour former les boulangers sur de nouvelles recettes et techniques dans le cadre de journées personnalisées. Les Grands moulins de Thuile disposent depuis 2002 d'un fournil qui sert aux tests de panification. Par ailleurs, une salariée à plein temps anime le réseau de boulangers partenaires, en octroyant conseils et formations (achat-vente de fonds de commerce, merchandising, audits…) et en faisant la promotion des produits sur le site. Résultat : « la majeure partie de nos clients boulangers travaille à 100 % avec nous, mais ce n'est pas une obligation », indique Christelle Butty. « Notre fierté, quand on aide un boulanger à s'installer, c'est sa réussite. Et jusque-là, on n'a pas eu de casse », conclut François Claude Cholat.
Renaud Fourreaux