On voyait beaucoup d'évolutions arriver, un peu avec désarroi », confie Christophe Descréaux, président du négoce éponyme. L'entreprise, cogérée avec son frère Jean qui en est le directeur, abordait le cap du XXIe siècle avec incertitude. Elle qui avait vu le jour à la fin du XIXe ! Sa naissance remonte en effet à 1898 lorsqu'un négoce de grains, mais ne disposant pas de sites de stockage, se monte à Coulanges (Allier). C'est pourtant vraiment à la fin des années cinquante que Raymond Descréaux, le père de Christophe et de Jean, dynamise l'entreprise. Une activité carburant, aujourd'hui gérée par le troisième frère, Dominique, est alors mise en place. Puis, le premier silo sort de terre à Coulanges en 1968. Passée en SARL en 1975 (ce n'est qu'en 2004 que l'entreprise deviendra une SAS), l'entreprise voit s'installer au milieu des années quatre-vingt Jean à Coulanges et Christophe dans la commune voisine de Dompierre-sur-Besbre, où sera plus tard désigné le siège actuel. En 1991, faisant alors valoir leurs droits à la retraite, Raymond et Eliane Descréaux cèdent l'entreprise à leurs deux fils et les deux structures fusionnent.
Professionnaliser et responsabiliser chacun
Mais à la fin des années quatre-vingt-dix, le négoce se cherche. « Mes parents nous avaient laissés au début des années quatre-vingt-dix une entreprise viable, mais avec un mode de gestion qui arrivait à son terme », reconnaît Christophe Descréaux. L'entreprise adhère alors à Agridis et embauche une responsable qualité en la personne de Myriam Cabamus, chargée, dans un premier temps, de redonner une impulsion à l'organisation. « Je crois qu'il était nécessaire qu'une personne extérieure au commerce familial et à notre métier permette à cette affaire de perdurer », avoue Christophe Descréaux. « On s'est rendu compte, par exemple, que ce n'est pas parce que mon père avait travaillé d'une certaine manière toute sa vie que c'était forcément la solution aujourd'hui. » C'est alors qu'une démarche de certification Iso 9001 est engagée afin de professionnaliser et responsabiliser le personnel de l'entreprise, aussi bien la direction que les salariés et, in fine, de relancer l'entreprise. « La définition d'un organigramme précis accompagné d'un tableau de polyvalence nous implique dans le fonctionnement de l'entreprise », témoigne ainsi Jean-François Piat, chauffeur-livreur chez Descréaux. Autre exemple : un cahier de communication est mis à la disposition du personnel pour faire remonter les insatisfactions et les propositions.
Un plan d'amélioration révisé tous les trois mois
Depuis fin 2003, date à laquelle Descréaux décroche la certification Iso 9001 dans sa version 2000, les faits et gestes de l'entreprise sont en effet régis par un esprit d'amélioration continue : amélioration de la satisfaction des clients sur les trois secteurs d'activité, amélioration du fonctionnement interne de l'entreprise et développement de la politique commerciale. Ces trois grands objectifs sont détaillés au sein d'un plan d'amélioration qui contient des axes principaux et des sous-parties avec des états d'avancement. Un plan d'amélioration que sont fiers de brandir Christophe et Jean Descréaux comme la pierre angulaire de leur activité. « Quatre fois par an, nous nous réunissons avec Jean et Myriam pour faire le point sur les états d'avancement, mais aussi pour lever le nez par rapport au quotidien et se projeter dans l'avenir », se réjouit Christophe Descréaux. Cette façon de travailler à permis à l'entreprise de se moderniser, notamment d'exploiter à fond l'informatique. Ainsi, les dépôts ont été équipés en informatique dans le but de saisir les bons de livraison, préparer la distribution et gérer les stocks en temps réel. L'activité carburant s'est même dotée de l'informatique embarquée, afin de réaliser une facturation informatisée directe chez le client et de rapatrier les données sur une carte à puce à l'ordinateur de bureau. Suite logique à la certification, le négoce a ensuite mis le pied à l'étrier du côté de la traçabilité, en investissant dans le logiciel Atys pour la « traçabilité silo ». « L'avantage, commente Christophe Descréaux, c'est l'interactivité. Il est possible de remonter en quelques clics jusqu'aux agriculteurs comme aux fournisseurs de produits. Chacun est mis face à ses responsabilités. » Et, pour aller encore plus loin, Descréaux a mis en place une filière qualité en blé, où la traçabilité totale permet de remonter non seulement jusqu'à l'exploitation, mais aussi jusqu'à la parcelle. Cette traçabilité parcellaire est mise en oeuvre grâce au logiciel Agriplaine, avec lequel l'agriculteur peut renseigner lui-même les informations essentielles.
La qualité des céréales, un axe d'amélioration continue
Si collecter du blé de qualité est une diversification nécessaire dans une région éloignée de l'export et qui doit miser sur une valorisation locale, il s'agit également d'une vitrine qui permet de donner une bonne image de l'ensemble de la collecte et de rassurer les meuniers sur les conditions de production et de collecte. Et ça marche ! Dans un contexte difficile de commercialisation des grains, Descréaux a déjà vendu l'ensemble de sa collecte de blé 2009. En tout cas, en dix ans, le négociant a multiplié par près de dix sa collecte de blé améliorant (2 000 t), soit 25 % de la collecte totale de blé. Une filière qui rapporte en moyenne 50 €/t de plus à l'agriculteur (forcément en contrat), même si certaines années peuvent être moins rentables. Alors que le développement de la qualité des céréales figure comme axe d'amélioration continue du négoce, l'entreprise se donne les moyens d'accéder aux marchés. En effet, Descréaux SAS vient de se voir remettre en novembre dernier la certification CSA-GTP (1), après avoir mis en place une démarche HACCP pour apporter une garantie supplémentaire à ses clients industriels et maîtriser au mieux les risques sanitaires.
C'est désormais du côté de l'appro que l'année 2010 va être bien remplie. Considérant que les prestations de conseil technique, environnemental et réglementaire sont désormais indissociables et même conditionnent la totalité de l'activité appro, et prenant en compte le fait que, structurellement, la vente de produits est amenée à s'amenuiser, le négoce se recentre sur les services. « Tout bien doit être vendu associé à un service, estime Christophe Descréaux. Il est indispensable d'apporter un plus sinon l'agriculteur va se détourner de la distribution et y préférer la livraison directe du fournisseur. En ce sens, notre adhésion à la centrale Agridis et à la FNA paraît indispensable à notre développement (apport de services, veille réglementaire…). »
Création d'un « pack services »
Descréaux SAS va ainsi dans les prochains mois finaliser la mise en place de Précodis, un outil de préconisation à destination des conseillers terrains, « ce qui va permettre au TC de se reconcentrer sur la technique », se félicite Christophe Descréaux. Par ailleurs, d'ici la fin de l'année, l'installation du portail multiservice Olympe, proposé par Agridis, devrait être bouclée. Un autre des projets de Descréaux pour 2010 est d'entreprendre la création d'un « pack services » à destination des agriculteurs. Ce pack pourrait comprendre l'accompagnement à la conditionnalité, au diagnostic énergétique, à la certification environnementale ou encore une formation des agriculteurs pour la détention du Certiphyto. Enfin, le négoce projette de créer un dépôt sur la commune du Donjon, située au sud de sa zone d'activité, « afin d'apporter un service supplémentaire dans une zone où l'on mise surtout sur la quantité ». Bref, les preuves suffisent pour attester que Jean et Christophe y croient plus que jamais.
Renaud Fourreaux
(1) Charte sécurité alimentaire-Good Trading Practice, code européen des bonnes pratiques commerciales.
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