Travailler dans le secteur de la collecte et de la valorisation des grains bio implique nécessairement d’adopter « un logiciel » différent du conventionnel. Les équipes et les adhérents de la coopérative normande Biocer, « pure-player » de la bio depuis 1988, ne diront pas le contraire. Cette spécificité du bio s’est en effet imprimée à tous les niveaux de la structure. Une particularité qui se ressent dans les chiffres et les implantations géographiques qui n’ont rien à voir avec les ratios habituels des métiers du grain. « Nous sommes implantés sur un territoire très vaste relativement à notre taille. C’est lié au fait que l’agriculture biologique est encore une petite filière vis-à-vis du conventionnel, explique Frédéric Goy, directeur général de la coopérative. Ainsi, nous couvrons 22 départements pour la collecte, sur un vaste quart nord-ouest de la France, avec seulement trois silos pour 27 000 t de collecte auprès de 200 exploitations. Nous mobilisons pour cela une équipe de 27 personnes. » En bio, on ne peut effectivement pas espérer viser les mêmes gains logistiques et les mêmes économies d’échelle qu’en conventionnel. L’efficacité et la compétitivité se construisent surtout par des qualités d’agilité dans le mode de fonctionnement et de construction de valeur ajoutée jusqu’aux consommateurs. Cette orientation se ressent par la volonté de l’entreprise, depuis ses origines, de maîtriser la valorisation liée au mode de production. « Tout est parti de là ! retrace Christian Jacob, agriculteur à Sacquenville (Eure) et président de Biocer. Au départ, il y avait une poignée de producteurs qui voulaient sécuriser leurs débouchés alors qu’ils étaient confrontés à une grande insécurité pour trouver des débouchés en bio. » C’est ainsi que l’entreprise a été lancée à partir d’une simple ligne téléphonique dans la ferme de l’un des fondateurs, à une encablure du siège social actuel eurois de Marcilly-la-Campagne. En 1994, les agriculteurs décident d’investir dans leur premier équipement de stockage et de tri des grains au Plessis-Grohan, à proximité de Rouen. Ils ont alors également mis en place une production de farine en sous-traitance afin de valoriser leur production, qui suscitait encore peu d’intérêt de la part des meuniers de l’époque.
