Distribution grand public Un relai de croissance à cultiver
Si le marché du jardin a pris un coup de froid en 2024, la distribution grand public reste indéniablement un relai de croissance pour les coopératives et négoces. Au cœur du métier, le végétal est incontournable, mais l’alimentation animale et le rayon terroir tirent leur épingle du jeu. Réagencement des magasins, corners de produits locaux, animations, vente en ligne… Les enseignes rivalisent d’ingéniosité pour dynamiser les ventes, tout en optimisant fermement les charges.
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Printemps 2020 : la France se confine, et se passionne pour le jardinage. Un âge d’or pour les jardineries, faisant partie des commerces autorisés à ouvrir. « La période a permis de faire connaître nos Lisa AgriVillage auprès de particuliers qui n’auraient pas pensé que ces magasins puissent être faits aussi pour eux », analyse Philippe Pothier, directeur de Cavac Distribution (24 Gamm vert et 22 AgriVillage), en Vendée. La distribution grand public est une branche essentielle pour beaucoup de coopératives et de négoces, avec des synergies avec l’appro agricole, et un bonus de chiffre d’affaires. « C’est un métier de diversification important, appuie Bertrand Relave, DG d’Eurea (54 magasins Gamm vert). On dégage de la valeur, ce qui est précieux dans notre modèle économique pour rémunérer nos agriculteurs. » « Ce sont des métiers très différents, mais très complémentaires », analyse Adeline Pergaud, du négoce creusois Guillot.
Tassement des ventes en 2024
Le boom d’après covid a été suivi d’un trou d’air. En 2024, alors que le marché des animaux de compagnie a crû de 3 % selon l’association Promojardin-Promanimal, celui de la jardinerie a accusé un recul de 6 %, lié à un pouvoir d’achat en berne pour une partie des ménages, et à la météo. La baisse a plus ou moins touché les enseignes. Coopératives et négoces interrogés font part d’une année difficile, mais avec un impact au global limité. À la CAMN, près de Nantes, « le résultat a été stable, grâce au réaménagement d’un magasin, et notre clientèle se compose de « jardiniers amateurs avertis », dont les achats sont moins météo-dépendants », confie le DG, Claude Bizieux. En Vendée, « la météo a fait qu’il y a eu moins de jardinage, et moins de récoltes, donc moins de ventes en conserverie, mais il a fallu plus débroussailler : on a fait une bonne année en motoculture », témoigne Philippe Pothier, à la Cavac.
Depuis le covid, « on est revenu sur terre », observe Pascal Le Laurant, à la tête des Jardineries Monplaisir (Océalia), qui regroupe 69 Gamm vert, un magasin terroir et un autre motoculture, pour 62,1 M€ de CA. Il cite « l’augmentation du coût de l’énergie, de certains produits, une baisse de ventes… ». « Il faut avoir en tête que c’est un métier où l’on peut vite perdre de l’argent », ajoute Mathieu Staub, DG d’Océalia. « L’élément clé post-covid, c’est l’excellence opérationnelle », résume Dominique Blanchard, DG délégué d’Eureden Distribution, poids lourd du secteur avec 145 Point vert, Magasin vert et Cultivert (265 M€ de CA).
Les marques propres séduisent
Selon son emplacement, sa clientèle, et la stratégie de l’entreprise, les équilibres entre les gammes sont différents. Chez Eurea, « le végétal est le poumon de l’activité retail », appuie Bertrand Relave, et compte pour 17,6 M€ des 76 M€ de CA. L’alimentation animale pèse 16 M€. « Le petfood est un secteur très stratégique car il permet de faire venir les clients plus régulièrement. On travaille beaucoup dessus », notamment avec la marque de distributeur de Teract, Pure Family. À la Cavac comme chez Océalia, on remonte les atouts de la MDD. « Face à l’inflation, les marques propres ont été un vrai relai de croissance », appuie Mathieu Staub, à la tête du groupe charentais.
Le rayon qui monte, c’est le terroir. « C’est une vraie tendance : les gens cherchent des produits locaux », fait part Pascal Le Laurant. Pour deux magasins, 30 % du chiffre d’affaires est réalisé avec l’alimentaire, y compris du frais (fruits et légumes, viande…). La coopérative, qui propose déjà des produits de ses adhérents, veut développer l’offre. Elle a lancé une grande étude pour identifier ses producteurs intéressés par un référencement en Gamm vert. « Nous avons aussi mis en place une carte premium pour nos agriculteurs adhérents dans nos magasins, pour qu’ils soient reconnus comme des clients VIP », ajoute Mathieu Staub.
Un secteur toujours contributeur
La distribution grand public reste-t-elle un relai de croissance ? « On reste un réseau rentable et contributeur au niveau du groupe », tranche-t-il. « Oui », répond sans hésiter Philippe Pothier à la Cavac, même si l’équilibre économique est toujours délicat à trouver dans un contexte de hausse des charges. Même son de cloche chez Eurea : « C’est une activité qui va continuer à être stratégique. C’est d’ailleurs le deuxième pilier de notre stratégie », affirme Bertrand Relave. Enfin, pour Eureden, c’est « tout à fait » un relai de croissance, grâce à « une dynamisation des ventes et un ajustement des charges », appuie Dominique Blanchard. Pour booster la croissance, les entreprises misent sur le réaménagement des magasins. Le nouveau concept de Gamm vert Village, de taille plus modeste, porte ses fruits. La Cavac a aménagé trois magasins en ce sens, avec succès. « Le concept est bien rodé », reconnaît Philippe Pothier. Océalia en a deux, « avec un rétrécissement des gondoles pour apporter plus de références, résume Pascal Le Laurant. C’est très porteur pour l’évolution du chiffre d’affaires, avec des coûts raisonnés. »
Chez Eureden, un nouveau concept a été déployé depuis 2023 sur trois sites. Dernier en date, le Magasin vert de Pont-l’Abbé (Finistère), début mars. Le parcours a évolué, ainsi que la mise en avant des produits. « L’animalerie arrive un peu plus tôt dans le parcours, et le terroir est renforcé sur sa fin, illustre Dominique Blanchard. On essaye de mettre les produits davantage en situation », par exemple en mélangeant végétal et décoration, avec des mises en situation. Et le bilan est bon : « On voit une dynamique commerciale, avec un rebond de la fréquentation. » Terres du Sud (33 Gamm vert, 7 Innovert en motoculture, 11 Le Goût de nos campagnes en produit du terroir) a inauguré en mars 2024 à Castillonnès (Lot-et-Garonne) un magasin « de référence ». Il rassemble Gamm vert, Innovert et Agrifeel contact (pour les agriculteurs). Un pari visiblement gagnant : un an plus tard, la coopérative constatait une « augmentation de 25 % de l’activité ». Un succès qui « confirme la pertinence de l’offre multi-enseignes du groupe ». Le concept va être déployé à Nérac, avec une ouverture prévue pour le printemps 2026.
Développer services et animations
Quid d’Internet ? Chez Océalia, le click & collect « fonctionne bien », indique Pascal Le Laurant. Eureden le propose aussi. « Nous avons un site marchand avec enlèvement en magasin, explique Dominique Blanchard. Il ne génère pas de chiffre d’affaires, mais de la visibilité et du service client. » Au-delà des produits, « je pense qu’il faut aussi apporter de nouveaux services, comme des bornes de recharge ultra-rapide sur les parkings, des lockers, pour attirer les clients autrement », analyse Philippe Pothier à la Cavac, qui teste aussi une carte de fidélité pour les gammes grand public dans quatre de ses AgriVillage. Pour Mathieu Staub, « il faut innover, surprendre le client ». Océalia a organisé des défilés de mode de vêtements de travail, avec une fréquentation boostée par l’animation, et participé à la semaine du jardinage.
Dynamiser ses magasins, et en acquérir d’autres : les entreprises sont à l’affût. Le 24 avril, Eureden a annoncé la reprise d’un Espace Émeraude à Malansac (Morbihan). En Vendée, la Cavac a repris fin 2023 huit magasins Gamm vert à Teract, dans le Maine-et-Loire et la Loire-Atlantique. Après des débuts difficiles, ils sont aujourd’hui en croissance. « On s’est très vite trouvé avec les équipes », observe Philippe Pothier. Auparavant dans le giron de Terrena, « elles nous ressemblent beaucoup ». Quant à Eurea, un nouveau magasin mixte a été inauguré mi-avril à Davézieux (Ardèche).
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Un relai de croissance à faire éclore
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