PRODUIRE AUTREMENT L'agroécologie au rapport !

X. ROMONGIN
X. ROMONGIN

Parmi les propositions du rapport : certificats d'économie de phytos, et certification du conseil. Décryptage avec Marion Guillou.

Le 11 juin, Marion Guillou (photo)a présenté les conclusions de son rapport, fruit d'une mission débutée en septembre 2012, et dont les recommandations retenues seront intégrées dans la loi d'avenir agricole qui sera discutée début 2014. Un travail colossal, qui a abouti à différentes propositions, sur lesquelles Agrodistribution a fait le point avec la présidente d'Agreenium. Elle propose, notamment, de transposer le système des CEE (certificats d'économies d'énergie) aux phytos, comme une alternative ou un complément à la redevance pollution diffuse. Les obligés, les vendeurs de phytos, devront produire des certificats d'économie de phytos, qu'ils pourront obtenir en accompagnant des démarches vertueuses (biocontrôle, conversion au bio...), ou en achetant des certificats à d'autres obligés, avec un objectif de réduction à fixer par le gouvernement.

Il ne s'agit donc pas d'une taxation ?

Marion Guillou : Il s'agit d'une mesure incitative. Je tiens à rappeler qu'il s'agit, à ce stade, de propositions. La plupart des mesures proposées devraient être mises en oeuvre d'après Stéphane Le Foll, mais cela relève désormais des pouvoirs publics. Nous avons réfléchi aux outils financiers possibles pour inciter à la réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires. Il en existe trois : soit la taxation, avec un risque de détournement des circuits commerciaux, soit la réglementation, avec le risque qu'elle devienne un frein à l'innovation, soit des mesures d'incitation, comme le certificat d'économie. Ce dernier est un système doublement vertueux, qui donne une valeur aux efforts d'économie. Le seul inconvénient pour l'Etat, c'est qu'il ne génère pas de recettes, car la rémunération de ceux ne remplissant pas l'objectif, va aux opérateurs qui vendent des certificats.

Par vendeurs de phytos, vous entendez la distribution agricole ?

M. G. : Oui. La distribution de produits phytosanitaires est très réglementée, on connaît les vendeurs et on sait ce qu'ils vendent. On a intérêt à mobiliser, pour obtenir des changements de pratiques, les professionnels qui sont les plus compétents. Aujourd'hui, les distributeurs n'ont aucune incitation à être vertueux. Il est utile qu'un modèle économique les incite à encourager les économies d'usage. Après, on peut imaginer que les obligés s'organisent collectivement.

Il y aurait donc un marché aux certificats d'économie ?

M. G. : Oui. Il pourrait être réservé aux opérateurs ou ouvert. Mais tous ces aspects seront à étudier par les pouvoirs publics, avec les opérateurs, pour préciser les modalités de mise en place. Il faudra identifier le point « zéro » de référence et les pratiques qui donnent droit à des certificats d'économie. Nous avons proposé de commencer à petite échelle, par un test sur une région, avec retour sur expérience pour caler le système. Ainsi, il serait utile de donner un coefficient plus fort aux économies portant sur des zones sensibles comme les zones de captage. Un système « vertueux » est plus compliqué à régler qu'un système uniforme. Cela dit, c'était beaucoup plus complexe pour les CEE et cela fonctionne efficacement semble-t-il.

Les distributeurs pourront-ils être certifiés « conseil d'accompagnement au changement » ?

M. G. : Nous ne nous sommes pas attachés dans le rapport à la nature de l'employeur. Pour avoir le droit à l'aide au conseil, nous avons recommandé que les GIEE (1) s'adressent à des conseillers ayant reçu une formation, plus stratégique, sur les démarches agroécologiques (NDLR : Le rapport propose que les GIEE bénéficient de subventions via des chèques conseil, avec lesquels ils financeraient des conseillers certifiés). Le ministère mettra en place l'ingénierie financière concernant les aides au conseil. Les ressources financières sont là, nous les avons identifiées. Le projet pourrait se faire à budget constant en utilisant des moyens que nous avons cités (UE, Agences de Bassin...).

Cette certification ne va-t-elle pas être redondante avec l'agrément ?

M. G. : C'est un sujet complètement différent. Les produits phytosanitaires sont des matières dangereuses, il est normal que leur distribution soit réglementée dans ce cadre. Dans le rapport, l'objectif est d'améliorer les pratiques agricoles, avec le double objectif de la compétitivité et du respect de l'environnement. De ce fait, la diminution d'usage de produits phytos doit être encouragée.

Marion Coisne

(1) Groupement d'intérêt économique et environnemental.

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