Lors du Sia 2024, l’ONG Max Havelaar France avait annoncé son projet de développement d’une filière équitable en grandes cultures. Aujourd’hui, c’est chose faite puisque deux partenaires se lancent dans des productions équitables en blé, légumineuses et/ou oléagineux : l’union de coopératives agricoles Entente (Charente et Charente-Maritime) et l’association de producteurs Terres du pays d’Othe (Aube).
Quatre des neuf coopératives de l’union Entente vont s’engager pour la campagne 2025-2026 autour de 175 hectares, dont une centaine d’hectares en blé et le reste en lentilles et pois chiche. « Nous allons y aller progressivement en fonction des débouchés. Nous démarrons avec cinq jeunes agriculteurs, situés sur des points de captage prioritaires, qui vont être audités à la fin du mois pour être certifiés », explique Tony Fouché, responsable filières de l’union, lors d’une conférence de presse de Max Havelaar France, mardi 6 mai, en amont de la quinzaine du commerce équitable (du 10 au 25 mai).
Des prix calculés régionalement
« C’est normal d’être progressif, complète Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France. Le cahier des charges du commerce équitable est exigeant. Cela fait deux ans que nous avons des échanges pointus avec Tony Fouché et son équipe. Nous engageons des volumes, des pratiques, la rémunération des producteurs. Il y a une robustesse technique qui prend du temps. »
La rémunération des producteurs est justement au cœur du dispositif. Les prix, publiés sur le site de l’ONG, sont calculés régionalement en tenant compte des coûts de revient et d’un niveau de revenu minimum pour l’agriculteur. « Nos producteurs ont besoin de rémunération garantie tenant compte des coûts de production et d’une vision à long terme avec des contrats sur trois ans leur donnant de la visibilité », poursuit Tony Fouché tout en précisant que son union travaille aussi en parallèle sur la RSE.
RHF, CHD, PAT…
Les marchés visés par l’Entente sont, dans un premier temps, la RHF (restauration hors foyer) en réponse à la loi Egalim imposant 50 % des achats en produits de qualité et durables. Et des négociations sont en cours avec des collectivités. « Les volumes vont se découvrir peu à peu sur différentes filières : les hôpitaux, les projets alimentaires territoriaux. Nous répondons aussi à des appels d’offres », ajoute Tony Fouché.
Pour sa part, l’association de producteurs bio Terres du pays d’Othe démarre avec huit agriculteurs et 1 280 ha qui vont être labellisés en lentilles, pois chiche, haricot sec et leurs produits dérivés (farines et pâtes), blé (farine) et oléagineux (huiles). « Nous nous engageons dans ce label pour que le consommateur prenne conscience que manger est aussi un acte citoyen très important pour l’environnement et le revenu des agriculteurs », souligne Zoltan Kahn, directeur général des Terres du pays d’Othe.
Une filière viande bovine en expérimentation
L’ONG avait déjà mis un pied dans le commerce équitable Nord Nord en France avec une première filière dans le lait en 2022 dont les volumes sont appelés à doubler sur 2025 pour atteindre 5 millions de litres. Et une nouvelle filière est à l’étude : la viande bovine. Une expérimentation réunit Max Havelaar France, les éleveurs d’Île-de-France regroupés dans l’OP Elvea et la Caisse des écoles du 20e arrondissement de Paris.
La tendance semble plutôt positive pour le commerce équitable. Dans un contexte où la consommation alimentaire est quasi stagnante, voire en léger recul en France, surtout en GMS, où la loi Egalim 4 est reportée et où les négociations commerciales ont été à nouveau compliquées, les ventes de produits labellisés Fairtrade/Max Havelaar ont progressé en 2024 de 4,1 % avec un chiffre d’affaires de 1,384 milliard d’euros. Les trois produits phares, cacao, café et banane en représentent 83 %. Et le hors GMS, qui assure 38 % des ventes, tire en fait la croissance de l’équitable qui se tasse en grandes surfaces.
Création d’un observatoire du revenu juste et raisonnable
Afin de remettre en avant le sujet sensible du revenu juste des agriculteurs, Max Havelaar France lance le premier Observatoire de la rémunération agricole équitable. Deux études vont le nourrir dans un premier temps : une pour définir de façon objective le niveau de revenu décent des agriculteurs français ; la seconde sur le « revenu d’intérêt agricole » suffisamment intéressant pour que les agriculteurs poursuivent leur métier ou pour que de nouvelles générations le choisissent.
L’objectif étant de présenter les résultats de ces études au Sia 2026. « L’observatoire fonctionnera comme un collectif d’organisations volontaires. Nous faisons d’ailleurs appel aux experts, syndicats, ONG, chercheurs qui voudront bien nous rejoindre », avance Blaise Desbordes.
Ouvert à l’agriculture conventionnelle
D’autre part, l’obtention d’un financement du Programme national de l’alimentation et de l’Ademe va permettre à l’ONG de déployer une quinzaine de diagnostics de juste rémunération pour des collectivités voulant construire des filières locales et équitables.
Des filières qui pourront être construites avec des agriculteurs conventionnels, comme tient à le préciser Blaise Desbordes. « Nous voulons offrir à l’agriculture conventionnelle la possibilité d’entrer dans le commerce équitable, car la condition financière est un levier pour la transition agroécologique, aller vers le bio ou tout autre cahier des charges. Nous distribuons aussi une prime de développement équitable qui est fléchée vers les changements de pratique. »