NOUVELLE DIRECTIVE CSRD Maxime Robineau, Eurea : « Nous anticipons l’échéance dès 2025 »

Maxime Robineau, responsable RSE du groupe coopératif Eurea.
Maxime Robineau, responsable RSE du groupe coopératif Eurea. ©Eurea

Le groupe coopératif Eurea travaille à anticiper la nouvelle réglementation européenne CSRD imposant un rapport de durabilité plus fourni et plus chronophage que la DPEF. Témoignage de son responsable RSE, Maxime Robineau.

Entrée en vigueur en janvier 2024 et d’application progressive, la directive européenne CSRD fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier avec un rapport de durabilité qui succède à la déclaration de performance extra-financière (DPEF) et touche beaucoup plus d’entreprises, notamment plus d’une centaine de coopératives et une trentaine de négoces agricoles.

Si les coopératives agricoles (et la plupart des négoces concernés) ont à produire le premier rapport de durabilité pour 2026, le groupe coopératif Eurea a choisi d’anticiper l’échéance en intégrant dès 2025 des éléments du nouveau reporting dans sa DPEF. Son responsable RSE, Maxime Robineau, partage sa vision de cette réglementation dans une interview accordée à Agrodistribution.

Votre groupe étant déjà assujetti à la DPEF, que va changer le passage à la CSRD ?

Maxime Robineau : Nous produisons une DPEF depuis trois ans dans le cadre d’une démarche RSE bien structurée. La DPEF offrant une certaine latitude pour les indicateurs, j’avais choisi les plus pertinents en fonction de nos objectifs, car nous avons à Eurea une véritable volonté de faire bouger les lignes. Or avec la CSRD, les indicateurs et leur mode de calcul sont imposés. Aussi, je vais devoir dans certains cas établir un double indicateur : celui qui répond à la nouvelle norme et notre propre indicateur qui permet de mieux mesurer l’efficacité de nos plans d’action. Ainsi, nous ramenons le bilan carbone au million de chiffre d’affaires, alors que la nouvelle réglementation demande un calcul en brut.

Ce nouveau reporting extra-financier est d’ailleurs chronophage. La charge de travail importante qu’il demande et l’approche de la double matérialité (analyse de l’impact de l’entreprise sur son environnement et inversement) qu’il impose vont changer la conception et l’appréhension de la RSE dans un certain nombre d’entreprises car on trouve de tout à ce sujet.

Nous concernant, nous avons réalisé cette analyse de fond dès le début de notre démarche RSE. Et notre objectif est de faire auditer, par l’organisme tiers indépendant, notre rapport RSE 2025 sur la base de la DPEF tout en demandant d’évaluer la conformité du calcul et de la présentation des informations vis-à-vis de la CSRD qui va s’appliquer en 2026. Sur juillet et août prochains, nous allons intégrer les données de facturation dans les matrices de calcul que nous avons développées sous Excel avec la méthodologie CSRD.

La marche à monter est-elle importante ?

M. R. : Oui, elle est malgré tout importante pour notre groupe en raison du travail supplémentaire demandé par la récupération d’informations que nous ne récupérions pas jusque-là. Toutefois, la mise à niveau ne m’inquiète pas outre mesure et je n’aurai pas forcément besoin d’un bureau d’études pour m’aider.

Mais, pour une entreprise qui n’a rien de structuré et ne fait pas de DPEF, un très gros travail est à réaliser. Il va y avoir d’ailleurs un besoin très important en compétences en France, vu le nombre d’entreprises concernées. Une bonne partie des personnes compétentes sont déjà récupérées par des bureaux d’études ou des OTI. Et il y aura alors des difficultés de recrutement pour les entreprises.

Quels sont les points de vigilance à avoir ?

M. R. : Il faut avant tout veiller à la robustesse du système d’information sous-jacent et plus particulièrement à l’accessibilité et à la fiabilité des bases de données. C’est ce que va contrôler l’OTI.

Et si, au-delà du rapport CSRD, une entreprise souhaite engager une véritable démarche RSE, pour que cela fonctionne, la direction et la gouvernance doivent être impliquées et dédier une personne à la RSE.

Quelles peuvent être les limites de la CSRD ?

M. R. : En uniformisant les méthodes de calcul, la CSRD permet de comparer les entreprises. C’est un de ses points positifs. Mais on pourrait être amené à constater des biais négatifs. Par exemple, dans le cas de la norme ESRS sur le changement climatique, nous devons indiquer les émissions de gaz à effet de serre. Ce qui se comprend étant donné les lacunes dans la DPEF à ce sujet. Il y a une méthode officielle pour les calculer, mais il existe plusieurs voies possibles pour récupérer les données dans le cas, notamment, du Scope 3, qui représente 85 % des émissions. En effet, soit l’entreprise calcule elle-même l’empreinte carbone des produits, soit elle utilise une base de données génériques comme Agribalyse, soit elle a recours à des ratios financiers pour avoir un ordre de grandeur.

Et je suis inquiet quant au fait que cela survalorise des entreprises qui auront les moyens d’investir pour produire leurs propres données par rapport à celles qui devront se contenter de données génériques. Avec des données plus précises, une entreprise peut en effet se retrouver avec des émissions de GES inférieures à celle utilisant des données génériques, alors que concrètement, elle n’est pas forcément moins polluante. Et on aura alors un biais de perception des parties prenantes pouvant induire un avantage concurrentiel. Aussi, des entreprises pourraient être tentées d’investir dans la constitution d’une base de données pour avoir un indicateur d’émission de GES plus faible, sans réduire réellement ces émissions.

D’autre part, le rapport n’est pas une finalité en soi ; il permet juste d’arrêter les compteurs et de regarder comment on a avancé. Dans notre cas, la finalité est d’être plus performant sur les thématiques et enjeux principaux que nous avons identifiés au cœur de notre stratégie d’entreprise. Toutefois, la CSRD impose de se doter d’objectifs de réduction et d’un plan d’action : cette mesure va limiter les déclarations réalisées juste pour la réglementation. Je suis convaincu d'ailleurs qu’une démarche RSE est indispensable quelle que soit la taille de l’entreprise, car elle amène à la réflexion et à identifier les perspectives.

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